Scroll To Top

Bilan carbone dans l’agriculture : comment réduire son empreinte ?

  • Temps de lecture: 8 - 9 min
Bilan carbone dans l’agriculture
© Copyright

Des engrais employés aux rots des vaches en élevage, l’agriculture émet une grande quantité de gaz à effet de serre et est responsable d’une empreinte carbone participant directement au réchauffement climatique. Où se cachent exactement ces émissions dans votre exploitation et surtout, comment les réduire pour la rendre durable et résiliente ? Creusons le sujet !

Saviez-vous que les vaches sont responsables d’une partie du réchauffement climatique ? Le méthane émis lors de leur digestion est un des gaz à effet de serre les plus néfastes pour l'environnement. Malgré sa proximité avec la nature, l’agriculture est un des secteurs avec la plus forte empreinte carbone. Tracteurs, engrais, bovins par milliers : l’élevage et les cultures intensives contribuent au changement climatique tout en payant le prix fort des conséquences engendrées (catastrophes naturelles, sécheresse). Quelle est l’empreinte carbone du secteur agricole ? Comment calculer le bilan carbone d'une exploitation agricole ? Comment développer une agriculture responsable et pérenne ? Big média a récolté pour vous les informations essentielles pour réduire l’empreinte carbone du secteur agricole français.

Quel est l’impact de l’agriculture sur l’environnement ?

Comme tous les secteurs participant à l’activité française, l’agriculture produit une empreinte carbone. L’empreinte carbone désigne le calcul des émissions de gaz à effet de serre produites par un pays, une personne, une industrie ou une entreprise. Exprimée en équivalent de CO2 (CO2e) ou en tonne de CO2 équivalent (tCO2eq), elle prend cependant en compte tous les gaz à effet de serre et les rapportent au CO2 pour créer une mesure harmonisée, selon les recommandations du GIEC.

En 2022, l’agriculture représentait 21% des émissions de GES françaises (source : Rapport national Secten, Citepa), en deuxième position derrière le transport (29%) et devant l’industrie (18%). 

Cependant, l’agriculture possède également un potentiel significatif de séquestration du carbone grâce à la biomasse. L’agriculture pourrait jouer un rôle crucial dans la stratégie de décarbonation du pays.

 

Répartition des émissions de GES en France en 2019 : 

Répartition des émissions de GES en France en 2019
Source : Infographie - Le secteur agricole et forestier est à la fois émetteur et capteur de gaz à effet de serre, Ministère de l’Agriculture.

 

Pollution agricole : les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture

L’empreinte carbone du secteur agricole provient à la fois des cultures et de l’élevage (bovin, porcin, ovin) et est composée de 3 GES principaux : 

  • le méthane (CH4), qui compose 45% de l’émission carbone totale du secteur et provient de la digestion des bovins en élevage ;
  • le protoxyde d’azote (N2O), à hauteur de 42%, émis par les engrais et les déchets issues de l’élevage et des cultures ;
  • le CO2, à 13%, produit par la consommation énergétique des exploitations agricoles (engins, serres, bâtiments d’élevage).

Répartition des émissions de GES dans l’agriculture et la sylviculture en France entre 1990 et 2019 :

Répartition des émissions de GES dans l’agriculture et la sylviculture en France entre 1990 et 2019
Source : Les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture, Notre-environnement.gouv.

 

L’agriculture a des impacts sur tous les éléments de l’environnement. Elle est responsable de la pollution de l’eau, en raison des engrais absorbés dans les nappes phréatiques et de la forte consommation d’eau pour les élevages. Entre 2000 et 2020, la présence de nitrate dans les cours d’eau français a augmenté de 6%. 

Les exploitations agricoles contribuent aussi à la destruction des espaces naturels : 70% des haies bocagères ont disparu depuis 1950. Ces haies sont essentielles pour l’environnement car elles protègent les cultures du vent, abritent une biodiversité riche et permettent aux sols de faire des réserves d’eau. Conséquence directe de cet impact sur la biodiversité : 36% des espèces d’oiseaux des milieux agricoles ont disparu depuis 1989 et les populations d’insectes et d’animaux des champs (mulots, loirs) ont drastiquement diminué. 

Lorsqu’elles sont intensives, réduisant la rotation des cultures et les mises en jachère pour que le sol se régénère, les pratiques agricoles peuvent également entraîner l’érosion des sols, la perte de fertilité et donc la dégradation de la qualité des terres et, par extension, de leurs cultures.

En outre, les engins agricoles émettent également de la pollution dans l’air et sont, pour la quasi-totalité, encore équipés de moteurs particulièrement polluants reposant sur des combustibles fossiles.

 

Bon à savoir - Agriculture conventionnelle, biologique et urbaine : quelle différence ? 
L’agriculture conventionnelle est actuellement la plus répandue. Basée sur le modèle de l’après-guerre, elle repose sur l’utilisation d’intrants chimiques (engrais) et sur une mécanisation qui lui permet un rendement intensif. 
L’agriculture biologique prend le contrepied de l’agriculture dite conventionnelle et s’appuie sur des pratiques respectueuses de l’environnement : préservation des ressources et de la diversité, bien-être animal en élevage, recours à des substances naturelles. Elle s’accompagne de labels et de certifications pour les exploitations agricoles et les produits qui en sont issus.
L’agriculture urbaine désigne, quant à elle, la production agricole qui est menée en ville ou en milieu péri-urbain. Cela regroupe les potagers collectifs et les fermes urbaines et peut inclure l’élevage et la culture. Elle a pour but de créer du lien social et de sensibiliser la population tout en favorisant la végétalisation et la biodiversité en ville.

 

L’impact du changement climatique sur l’agriculture

Si les activités agricoles ont des effets néfastes sur l’environnement et la biodiversité, le secteur est également fragilisé par le changement climatique. Les catastrophes naturelles telles que les vagues de chaleur, la sécheresse, les précipitations et inondations ou encore les incendies, de plus en plus courantes et de plus en plus intenses, affectent le rendement des cultures et mettent en danger les élevages. Selon le GIEC, les pertes de récoltes liées aux sécheresses et aux canicules auraient triplé ces 50 dernières années en Europe.

Outre la multiplication des phénomènes météorologiques, le réchauffement climatique entraîne un bouleversement des cycles saisonniers, avançant les dates de nombreuses récoltes. Par exemple, selon l’ONERC (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique), en France, les vendanges ont lieu en moyenne 18 jours plus tôt qu’il y a 40 ans. Parallèlement, les floraisons précoces deviennent vulnérables aux risques de gel qui peut leur être fatal. 

Enfin, il est important de rappeler que les terres agricoles sont également des puits de carbone naturels qui stockent les GES en plus d’en émettre. Elles représentent 47% du stock total de carbone des sols français. Ces puits de carbone sont essentiels pour l’équilibre naturel. 

Comment calculer le bilan carbone d’une exploitation agricole ?

Le secteur agricole fait partie de la feuille de route établie par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui fixe des objectifs de réduction des émissions de GES et inclut la préservation des puits de carbone naturels. Mais avant de passer à l’action, il faut savoir à quoi on s’attelle, et connaître en détail les émissions carbone de son activité. Le meilleur outil ? Un bilan carbone de l’exploitation agricole.

Réalisation d'un bilan carbone pour décarboner les activités agricoles 

En France, le bilan carbone est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés (250 à partir de 2025), tous secteurs confondus. Mais toute société, quels que soient sa taille et son secteur, peut effectuer un bilan carbone

La réalisation du bilan carbone est le premier pas dans l’établissement d’une stratégie bas carbone pour une transition écologique des pratiques agricoles. Le bilan carbone d’une exploitation agricole est influencé par ses pratiques, ses cultures, ses techniques agricoles et son élevage. 

Les exploitations agricoles qui intègrent des pratiques durables dans leur gestion ont tendance à présenter un bilan carbone plus bas. Par exemple, une exploitation qui privilégie une fertilisation mesurée pour réduire la pollution de l’eau aura un bilan carbone réduit comparé à une qui utilise des engrais de façon excessive.

De plus, les exploitations qui se tournent vers des cultures moins énergivores affichent également un bilan carbone plus bas. Ainsi, une ferme cultivant des plantes vivaces pour la production d’énergie présentera un bilan carbone plus favorable qu’une autre se consacrant à la culture de céréales.

Enfin, les exploitations qui valorisent les coproduits organiques par la méthanisation bénéficient d’un bilan carbone plus avantageux. Une ferme transformant ses déchets en biogaz pour générer de l’électricité aura un bilan carbone plus bas qu’une autre qui se débarrasse de ses déchets en décharge.

Ainsi, la décarbonation de l’agriculture repose sur la réalisation de ces bilans pour les exploitations agricoles, afin que celles-ci puissent identifier et agir sur les postes ayant la plus forte empreinte carbone. 

La méthodologie du bilan carbone pour l’agriculture

Un bilan carbone s’effectue en plusieurs étapes : 

  • définir le périmètre organisationnel et opérationnel (postes d’émissions) ;
  • collecter les données des émissions de GES de l’exploitation ;
  • traiter les résultats et établir un plan d’action ;
  • mettre en place les actions de décarbonation ;
  • établir un suivi des progrès effectués ;
  • communiquer sur le bilan carbone réalisé auprès des parties prenantes.

À noter que le bilan carbone peut être effectué via un cabinet de conseil externe car il s’agit d’un processus long et chronophage.

Qu’il s’agisse du Bilan Carbone© de l’ADEME ou du BEGES, les deux couvrent les scopes 1, 2 et 3 nécessaires à l’obtention d’un bilan complet : 

  • émissions directes liées aux cultures agricoles ;
  • émissions indirectes liées à l’énergie consommée par les cultures agricoles ;
  • émissions indirectes liées à l’exploitation mais sur lesquelles les agriculteurs n’ont pas de contrôle.

Comment réduire l’empreinte carbone de l’agriculture ?

La décarbonation du secteur agricole est un enjeu complexe car elle ne doit pas s’effectuer au détriment des besoins de production ou des revenus des agriculteurs, déjà soumis à une conjoncture économique difficile pour leur profession. 

Développer l’agriculture durable avec de nouvelles pratiques agricoles

L’agriculture durable repose sur le développement d’une pratique agricole pérenne, viable et respectueuse de l’environnement. D’après le texte de la Commission mondiale pour le développement et l’environnement de l’ONU de 1987, où le terme développement durable est défini précisément, il s’agit « d’un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.» 

L’agriculture durable englobe ainsi des enjeux sociaux, économiques et environnementaux et est composée de pratiques diverses : 

  • meilleure gestion de l’eau (récupération de l’eau de pluie pour soulager les nappes phréatiques) ;
  • aménagement de jachères et pâturages naturels ;
  • rotation des cultures au lieu de la monoculture (pratiques régénératives limitant l'érosion des sols) ;
  • permaculture ;
  • limitation de l’utilisation d’engrais et de pesticides.

 

Bon à savoir - Qu’est-ce que l’agro-écologie ?
L’agro-écologie fait le lien entre les sciences de l’environnement et de l’agriculture. Son but est de respecter l’équilibre naturel en limitant les intrants (ressources externes ajoutées). Il s’agit d’une approche agricole qui valorise le fonctionnement naturel des écosystèmes de plusieurs manières : réduction des pesticides, plantation de haies, arrêt du labourage, polyculture, etc.
L’agro-écologie permet aussi aux exploitants de faire des économies : l’association France Nature Environnement (FNE) estime que les intrants représentent une dépense d’environ 60% du chiffre d’affaires d’un agriculteur.

 

Réduire la consommation des énergies fossiles

Les énergies fossiles (pétrole et gaz) représentent 11% des émissions de GES du secteur agricole. Cette part de l’empreinte carbone provient principalement des engins agricoles (tracteurs, moissonneuses-batteuses, ensileuses), qui sont pour la plupart équipés d’un moteur diesel. Comment réduire cette empreinte carbone ? En les remplaçant autant que possible par des moteurs décarbonés (électriques, hybrides, à hydrogène) qui se développent sur le marché.

Pour limiter le recours aux ressources fossiles, il est primordial de développer l’utilisation des énergies renouvelables dans les exploitations agricoles, et d’encourager l’autoconsommation grâce à l’installation de panneaux solaires photovoltaïques. C’est ce qu’on appelle l’agrivoltaïsme : la production d’électricité d’origine photovoltaïque associée à des activités agricoles. Les panneaux solaires sont placés sur les infrastructures de l’exploitation, au-dessus des cultures ou des prairies. En plus de produire de l’électricité durable, les panneaux solaires servent de protection contre les intempéries et d’ombrage pour les animaux d’élevage.

Cette énergie peut ensuite être utilisée pour alimenter les bâtiments d’élevage ou les serres. L’autoconsommation représente également un revenu supplémentaire pour les agriculteurs grâce aux économies effectuées mais aussi à la vente de l’énergie produite en surplus.

Autre piste de décarbonation, la méthanisation, qui consiste à transformer les matières organiques et résidus issus des activités agricoles en biogaz ou en engrais vert (le digestat). Ce procédé peut être mis en œuvre par les agriculteurs sur leurs exploitations et permet à la fois la production d’une énergie renouvelable (le biogaz) et la valorisation des résidus agricoles. 

Un usage plus responsable des engrais dans l’agriculture

Le Pacte vert européen, adopté en 2020, fixe un objectif de réduction de l’usage des engrais chimiques de 20% d’ici 2030. Les engrais chimiques les plus utilisés en agriculture sont les engrais azotés de synthèse qui peuvent contaminer les cours d’eau et les nappes phréatiques (par ruissellement ou infiltration). 

La réduction des engrais peut s’effectuer grâce à l’introduction de légumineuses dans les cultures ou l’utilisation d’engrais verts (organiques, minéraux ou issus de la méthanisation). Il s’agit également pour les exploitations agricoles de se tourner vers des méthodes de fertilisation raisonnées plutôt qu’intensives, et de faire une utilisation plus efficace des engrais afin de limiter les coûts et l’impact sur l’environnement. Tous ces efforts contribuent à réduire l’empreinte carbone du secteur agricole et à développer une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

Les labels et certifications de décarbonation agricole

Comme tous les secteurs, l’agriculture bénéficie de labels et de certifications pour inciter au développement de pratiques agricoles durables. La labellisation est gage de transparence et d’engagement dans la transition écologique du secteur, et offre des informations claires aux consommateurs : les labels AB (agriculture biologique) ou HVE (haute valeur environnementale) intègrent, par exemple, indirectement les émissions de GES et permettent d’afficher les actions mises en place par certaines exploitations.

La certification bas carbone de la PAC

La Politique agricole commune (PAC) existe depuis 1962 dans l’Union européenne. Elle a pour objectifs de soutenir les agriculteurs, d’améliorer la productivité et d’encourager une gestion durable des ressources naturelles, ainsi qu’une préservation de l’économie et des paysages des zones rurales. Les exploitations agricoles sont actuellement concernées par le volet 2023-2027 de la PAC, qui fixe des stratégies sur cette période.

La PAC propose des aides pour les agriculteurs. En France, elles sont regroupées sous l’organisme ASP (Agence de services et de paiement) et incluent : 

  • une aide complémentaire aux jeunes agriculteurs ;
  • une aide de base au revenu ;
  • l’écorégime (depuis janvier 2023) pour soutenir les agriculteurs engagés dans des pratiques durables et favorables à l'environnement.

La PAC contient également des exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) et des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) - des conditions qui doivent être respectées par les agriculteurs afin de bénéficier des aides. Les thèmes de la BCAE incluent : 

  • limiter l’impact du labourage sur les sols ;
  • la rotation des cultures ;
  • maintenir des prairies permanentes ;
  • protéger les zones humides.

Les méthodes du label bas-carbone pour l’agriculture

Le Label bas-carbone, qui a été créé en 2018 pour soutenir des projets de réduction ou de séquestration des GES, fait partie de la SNBC. Il contient des méthodes, soumises et approuvées, qui encadrent les projets éligibles et détermine un cadre de suivi et de vérification de son efficacité. Il existe 6 méthodes approuvées concernant le secteur agricole : 

  • Carbon’Agri : projets de réduction des émissions carbone liées à l’élevage bovin et aux grandes cultures ;
  • Grandes Cultures : pratiques d’atténuation de l’impact du changement climatique grâce à l’intégration des légumineuses ou la réduction des énergies fossiles : 
  • Plantation de vergers : séquestration du carbone grâce à la biomasse des arbres fruitiers plantés sur des terres non cultivées ; 
  • Haies : plantation et préservation des haies bocagères utiles pour la séquestration du carbone et ayant des bénéfices pour la biodiversité des milieux agricoles et forestiers ;
  • Ecométhane : réduction des émissions de méthane produites par les bovins laitiers via la modification de leur alimentation ; 
  • Sobac’Eco TMM : réduction des intrants de synthèse et organiques en les remplaçant par des processus de régulation naturels.

 

 

Sources : 

Les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture, notre-environnement.gouv

Infographie - le secteur agricole et forestier est à la fois émetteur et capteur de gaz à effet de serre, Ministère de l’Agriculture

Dispositifs de décarbonation de l’agriculture : leviers et perspectives, Ministère de l’Agriculture

Les méthodes agricoles du label bas-carbone, Ministère de l’Agriculture

L’agriculture face aux enjeux environnementaux, INSEE

Synthèse rapport Secten, Citepa

Décarbonation de l’énergie utilisée en agriculture à l’horizon 2050, Ministère de l’Agriculture

Qu’est-ce que la politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne ?, Toute l’Europe

Le label bas-carbone, comment ça marche ? Ministère de l’Agriculture