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Chaleur fatale : la décarbonation et la valorisation énergétique en entreprise et dans l’industrie

  • Temps de lecture: 6 - 7 min
Chaleur fatale
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Pour décarboner l’industrie et les entreprises, pas besoin de chercher très loin : la chaleur fatale produite par les activités industrielles peut faire l’objet d’une récupération et d’une valorisation qui en font une ressource énergétique durable et lucrative.

« Rien ne se perd, tout se transforme » disait Lavoisier, et cela vaut pour tout le monde, même pour l’industrie. Plutôt que d’être rejetée, la chaleur émise par les procédés industriels peut être récupérée et transformée en énergie renouvelable (EnR) : une aubaine en termes d’efficacité énergétique, mais aussi d’un point de vue économique. 

De l’industrie au data center, cette chaleur dite « fatale » peut servir à chauffer des locaux ou alimenter des réseaux urbains en électricité. D’où provient la chaleur fatale ? Comment la récupérer, et quels dispositifs accompagnent les entreprises qui souhaitent contribuer à la neutralité carbone grâce à elle ?  Big média fait le point.

 

Qu’est-ce que la chaleur fatale ?

La chaleur fatale représente 10% de la consommation finale d’énergie en France, soit la consommation annuelle de 20 millions de ménages. Cette chaleur, rejetée par les procédés industriels et inutilisée, peut cependant devenir une source d’énergie précieuse une fois valorisée. Pour les entreprises comme pour l’industrie, l’enjeu de la récupération de cette chaleur fatale repose sur la nécessité d’une transition énergétique et d’une décarbonation de leurs activités.

Aussi appelée « chaleur de récupération », elle est générée par « un procédé dont l’objectif premier n’est pas la production d’énergie, et qui de ce fait n’est pas nécessairement récupérée », selon la définition du Ministère de la Transition écologique. L’énergie totale générée sous forme de chaleur fatale s’exprime en MWh.

 

Gisements de chaleur fatale par filière :

Gisements de chaleur fatale par filière
Source : Energies renouvelables : la récupération de chaleur fatale, ADEME.

 

La chaleur fatale prend la forme de rejets gazeux, liquides ou diffus selon sa source (fours, chaudières, moteurs ou de réactions chimiques) et provient de secteurs très divers : sites industriels, bâtiments tertiaires, raffineries, data centers, unités de valorisation énergétique ou d’incinération des déchets. 

 

Bon à savoir - Les gisements de chaleur fatale selon l’ADEME
Identifier les gisements de chaleur fatale dans les différents secteurs permet d’adapter les stratégies de valorisation (selon la température et les méthodes) et d’anticiper les besoins : 
-dans l’industrie, l’ADEME a identifié 7000 établissements dans 130 secteurs et 8 raffineries pétrolières ; 
-les usines d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) représentent 126 sites, avec une chaleur fatale principalement issue des fours et des chaudières ;
-dans les 60 stations d’épuration des eaux usées (STEP) identifiées, la récupération de chaleur s’effectue avant tout sur le traitement des boues (la chaleur émise par le traitement des eaux usées entre dans la géothermie très basse énergie) ;
-177 data centers ont été identifiés. Ils n’incluent pas, pour leur part, les data centers d’entreprise, trop difficiles à quantifier.

 

Les avantages de la chaleur fatale pour la décarbonation des entreprises

Énergie solaire, éolienne, hydraulique ou marine… Les solutions de transition énergétique en entreprise ne manquent pas et font la part belle aux énergies renouvelables. La récupération de la chaleur fatale s’ajoute à cette offre en développement constant, afin de tirer profit de toutes les sources d’énergie disponibles. La Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) fixe un objectif d’injection de chaleur fatale dans les réseaux de chaleur de 8,75 TWh/an à l’horizon 2028. En entreprise ou dans l’industrie, la valorisation de chaleur fatale a de nombreux atouts.

Diminuer votre empreinte carbone par la valorisation de la chaleur fatale

La récupération de la chaleur fatale est un autre moyen de diminuer l’utilisation des énergies fossiles. Valoriser cette chaleur, normalement perdue et qui produit une forte empreinte carbone, permet d’exploiter un autre type d’énergie renouvelable. 

Pour le secteur industriel, cela permet de créer une circularité (la chaleur émise par les procédés est récupérée et autoconsommée), tandis que les entreprises tertiaires peuvent compter sur une nouvelle ressource énergétique durable et améliorer leur efficacité énergétique, ainsi que leur image de marque. La décarbonation des entreprises et des industries est en effet un argument RSE fort auprès des parties prenantes, des collaborateurs et des consommateurs.

Valoriser la chaleur fatale pour faire des économies d’énergie en entreprise

Si elles demandent parfois un investissement conséquent pour leur installation, les énergies renouvelables permettent des économies sur les factures d’énergie à long terme - et la récupération de chaleur fatale ne fait pas exception. 

Décarboner les activités de son entreprise ou d’une industrie mène à la réduction de la dépendance aux énergies fossiles ou à l'achat d’énergie extérieure. La valorisation de la chaleur récupérée peut servir à l’autoconsommation et mettre en place une économie circulaire au sein du secteur industriel, ou entre l’industrie et le tertiaire. 

Créer de nouvelles ressources pour l’entreprise grâce à la récupération de chaleur fatale

La récupération de chaleur fatale peut générer de nouveaux revenus pour une entreprise et compenser les frais engagés par l’installation des procédés de valorisation. 

La chaleur fatale valorisée sur site permet à l’entreprise de mettre en place une autoconsommation, mais le surplus de chaleur peut être revendu à des acteurs externes et devenir une source de revenus supplémentaire. Le développement d’installations de récupération de la chaleur fatale est également un atout économique à l’échelle locale et permet de solliciter des compétences, voire créer des emplois d'ingénierie et de maintenance nécessaires au bon fonctionnement des systèmes de valorisation.

Comment récupérer la chaleur fatale ?

Il existe plusieurs technologies de récupération de la chaleur fatale, toutes complémentaires, qui s’adaptent selon les besoins du site (autoconsommation ou usage externe) et la température de la chaleur collectée.

Les technologies de récupération de chaleur fatale

La valorisation de la chaleur fatale est conditionnée par sa température et sa forme d’origine. Plusieurs technologies sont dédiées à sa récupération et sa valorisation :

  • l’échangeur de chaleur, pour un transfert et un usage sur site, comme le chauffage des locaux ;
  • la pompe à chaleur (à gaz ou électrique), utilisant un système de compression mécanique de vapeur (CMV) ou un éjecto-compresseur, afin de récupérer la chaleur contenue dans les vapeurs d’un procédé industriel ;
  • la machine à absorption, qui valorise la chaleur contenue dans un effluent pour une production de froid, avec une méthode d’abaissement du niveau thermique ;
  • les machines ORC (organic rankine cycle) dans un but de valorisation des flux thermiques industriels qui dépassent les 150°C. Cette technologie de valorisation de la chaleur fatale est utilisée pour la production électrique.

La chaleur fatale peut également être stockée pour une utilisation ultérieure, sous forme de stockage thermique, thermochimique, mobile, par chaleur sensible ou latente. Le stockage de la chaleur fatale peut permettre de répondre à une demande fluctuante, avec une production d’appoint, ou bien de la restituer à puissance constante.

 

Les méthodes de valorisation de la chaleur fatale

Les méthodes de valorisation de la chaleur fatale
Source : La chaleur fatale, ADEME.

 

Fonctionnement de la récupération de chaleur fatale industrielle

Fonctionnement de la récupération de chaleur fatale industrielle
Source : Schéma de principe d'une machine ORC, Source : ADEME et cegibat.grdf.fr, La chaleur fatale édition 2017

 

Valorisation de la chaleur fatale pour des usages internes et externes de l’entreprise

Comment utiliser la chaleur fatale valorisée ? Il existe plusieurs applications qui s’inscrivent toutes dans une démarche d’efficacité énergétique et de décarbonation des procédés industriels. La stratégie française énergie-climat (SFEC) a pour objectif de multiplier par 5 la récupération de chaleur fatale livrée dans les réseaux.

La chaleur fatale peut être valorisée en interne (elle est récupérée et utilisée au sein des locaux qui la produisent) : 

  • en préchauffage d’air, d’eau, de matière ou des équipements générateurs de chaleur ;
  • en chauffage des locaux ; 
  • en production de l’eau chaude sanitaire sur site ; 
  • en utilisation de l’énergie mécanique ; 
  • en autoconsommation.

La valorisation externe de la chaleur fatale concerne la production d’électricité et l’injection dans des réseaux de chaleur : 

  • injection dans un réseau de chaleur urbain ou industriel ;
  • raccordement pour utilisation sur un autre site ;
  • injection sur un réseau de froid
  • injection dans le réseau électrique.

Mettre en place la récupération de la chaleur fatale en entreprise

Si l’industrie a un grand rôle à jouer dans le développement de la récupération de la chaleur fatale comme énergie renouvelable, les entreprises ne sont pas en reste. Dans le secteur tertiaire, la valorisation de la chaleur de récupération est un complément utile, mais le processus doit suivre des étapes précises et être encadré afin d’être efficace et de respecter la réglementation en vigueur.

Les étapes d’un projet de récupération de chaleur fatale

La réalisation d’un projet de récupération et de valorisation de chaleur fatale s’effectue en plusieurs étapes : 

  • réaliser un audit énergétique afin d’évaluer les usages de l’entreprise et sa consommation énergétique actuelle ; 
  • définir un plan des travaux d’efficacité énergétique : budget, aides, etc. Cette étape peut être accompagnée par un cabinet de conseil spécialisé en énergie ;
  • suivi des performances de l’équipement de récupération et de valorisation de la chaleur. 

Pour aider à la mise en place de ces systèmes, l’ADEME propose aux entreprises et aux collectivités un accompagnement grâce à un financement de l’étude de faisabilité pour l’installation de récupération de la chaleur fatale. 

 

Bon à savoir - L’analyse coûts/avantages pour les installations de récupération de chaleur fatale
L’analyse coûts/avantages des installations produisant de la chaleur fatale permet d’identifier les possibilités de récupération et de valorisation dans le réseau.
La directive européenne sur l’efficacité énergétique rend obligatoire la réalisation de cette analyse pour :  
-les installations de plus de 20MW produisant de la chaleur fatale à proximité d’un réseau 
-les installations de production d’énergie (nouvelle ou modifiées) de plus de 20MW raccordées à un réseau de chaleur. 
En France, un décret de novembre 2014, revu par un arrêté en 2018, applique la réalisation de cette analyse aux installations dont la puissance thermique excède 20MW et générant de la chaleur fatale non valorisée et aux installations de production d’énergie de plus de 20MW faisant partie d’un réseau de froid ou de chaleur. 

Les data centers : un cas particulier

Les data centers sont concernés par les enjeux de récupération de la chaleur fatale et d’efficacité énergétique car ils ont une forte empreinte carbone. Les systèmes de refroidissement des data centers sont particulièrement énergivores et offrent un fort potentiel de récupération de chaleur : en 2020, ce potentiel de chaleur fatale récupérable se situait aux alentours de 1 TWh, soit l’équivalent de 100 000 logements. Il pourrait atteindre 3,5 TWh en 2030 avec la croissance du nombre de data centers liée à l’augmentation des besoins et des activités numériques. La directive européenne sur l’efficacité énergétique rend obligatoire la valorisation de la chaleur fatale pour les data centers de plus de 1 MW.

Les aides pour accompagner les entreprises dans leurs projets de récupération de chaleur fatale

L’ADEME propose un Fonds Chaleur pour aider les entreprises à remplacer leurs installations à énergies fossiles par des équipements renouvelables (solaire, éolien, biogaz, biomasse, bois-énergie…), ce qui inclut les systèmes de récupération et de valorisation de la chaleur fatale. Ce Fonds Chaleur permet de financer les projets d’investissement et des études de faisabilité, et concerne les sites industriels, les data centers, le secteur tertiaire, les hôpitaux, les UIOM et les STEP.

Certaines opérations autour des installations de valorisation de la chaleur fatale sont également éligibles aux certificats d’économie d’énergie (CEE)  : 

  • mise en place d’un système de récupération de chaleur ; 
  • mise en place d’un système de récupération de chaleur sur un compresseur ; 
  • mise en place d’un système de récupération de chaleur sur une tour aéroréfrigérante. 

 

 

Sources : 

La chaleur fatale, ADEME

Énergies renouvelables : la récupération de chaleur fatale, ADEME

Stratégie française pour l’énergie et le climat, PPE, Ministère de la Transition Écologique

Chaleur de récupération des processus industriels, Ministère de la Transition Écologique

Le fonds chaleur, ADEME

Chaleur fatale, ça vaut le coût, ADEME

Réalisation d’installations de récupération de chaleur fatale, Agir pour la transition écologique

Valoriser sur son territoire la chaleur fatale des data centers, ADEME