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Offsetting et insetting (compensation carbone) : quelle différence ?

  • Temps de lecture: 6 - 7 min
insetting offsetting
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La neutralité carbone est l’affaire de tous et y contribuer doit être un effort collectif. Dans le cas des entreprises, cette participation peut s’effectuer en compensant leurs émissions carbone grâce à des projets d’offsetting et d’insetting. Décryptage.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des entreprises est une nécessité dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais les entreprises peuvent aussi agir d’une autre manière. En plus de mettre en place des stratégies de réduction pour remplir les objectifs fixés au niveau national et européen, elles peuvent se tourner vers la compensation - ou contribution - carbone. En effet, ce que l’on appelle l’offsetting et l’insetting sont les deux méthodes de compensation carbone que les entreprises peuvent mettre en place. Quelles sont les différences entre offsetting et insetting ? Comment les appliquer et quelles sont les obligations pour les entreprises ? Big média vous éclaire sur tous les tenants et aboutissants de la compensation carbone.

Insetting et offsetting : outils pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en entreprise

En 2022, la France a produit environ 404 millions de tonnes équivalent CO2, d’après une étude menée en 2023 sur l’évolution de l’empreinte carbone nationale depuis 1995. La même année, les émissions mondiales de GES ont atteint 53,8 gigatonnes équivalent CO2.

Pour limiter les effets de ces émissions sur l’environnement, plusieurs plans ont été mis en place. Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, le Protocole de Kyoto se concentre sur la réduction des émissions de six types de gaz à effet de serre, dont le CO2. Il impose des objectifs contraignants que les Etats signataires doivent appliquer dans leur politique climatique nationale.

En 2015, l’Accord de Paris officialise l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 pour tous les pays signataires, dont la France. À travers des plans d’action quinquennaux et des aides financières, l’accord entend créer un suivi des efforts de réduction de l’empreinte carbone à l’échelle mondiale et réduire les émissions de CO2, afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 ou 2°C. 

L’insetting et l’offsetting, deux facettes de la compensation carbone en entreprise, s’inscrivent dans la continuité de ces législations et permettent aux entreprises de participer à atteindre les objectifs fixés à l’échelle nationale et européenne. Ces deux termes font référence au processus de compensation carbone (volontaire ou intégrée), mais ont un fonctionnement fondamentalement différent. L’offsetting se concentre sur la compensation des émissions de CO2 par le financement de projets environnementaux, tandis que l’insetting contribue à la neutralité carbone d’une entreprise en compensant ses émissions directement dans sa chaîne de valeur.

Qu’est-ce que l’offsetting, ou la compensation carbone volontaire ?

L’anglicisme « offsetting » désigne la compensation carbone volontaire au sein d’une entreprise. Il ne s’agit pas d’un joker pour continuer à produire des émissions de GES ! Ce mécanisme peut s’avérer utile pour certaines organisations et permet de soutenir des projets à impact positif, tout en contribuant à la neutralité carbone.    

Définition de l’offsetting

L’offsetting, est un mécanisme de compensation carbone volontaire. Les entreprises souhaitant compenser les émissions carbone provenant de leurs activités peuvent choisir de financer des projets environnementaux à impact positif sur l’environnement. Ces projets n’ont pas de rapport direct avec le secteur ou les activités de l’entreprise et peuvent inclure : 

  • le stockage ou la séquestration de carbone ;
  • la réduction des émissions ;
  • l’évitement de GES.

Comment cela fonctionne concrètement ? L’entreprise achète le nombre de crédits carbone qui correspond à la quantité de ses émissions incompressibles, si elle ne parvient pas à atteindre son objectif de réduction. Un crédit équivaut à 1 tCO2e (tonne équivalent CO2) séquestrée, et le prix du projet est équivalent à sa capacité de réduction. Ces projets doivent répondre à des critères précis : ils doivent être mesurables, permanents, traçables et éviter les fuites de carbone. Les projets pouvant être financés par la compensation carbone sont certifiés selon des standards internationaux : 

  • le label Gold Standard, mis en place par la fondation éponyme, certifie les projets de compensation carbone selon des critères de fiabilité, de traçabilité, d’irréversibilité et de contribution au développement durable ;
  • le label de l’ONU, qui contrôle et certifie les « projets onusiens », il s’agit du plus haut niveau de certification ;
  • le label Voluntary Carbon Standard (VCS, aussi appelé VERRA), certifie les projets de compensation carbone selon une liste de critères (qualité, quantité, additionnalité des réductions des émissions) et assure leur suivi.

Les avantages de la compensation carbone 

La mise en place d’un mécanisme de compensation carbone volontaire est bénéfique pour l’environnement de bien des manières. Les projets de réduction, séquestration ou évitement d’émissions carbone concernent de nombreux secteurs et peuvent prendre différentes formes. Il peut s’agir de projets de reboisement d’espaces ayant subi de la déforestation, de l’installation de fermes photovoltaïques pour développer les énergies renouvelables, de projets de soutien à des communautés locales ou de gestion des déchets… 

L’offsetting en entreprise permet également de contribuer aux objectifs de neutralité carbone fixés par l’Accord de Paris ou par la Stratégie nationale bas-carbone à l’échelle nationale.

Bon à savoir - Le risque du greenwashing
Compenser, oui, mais il faut être bon élève ! La compensation carbone peut conduire au greenwashing pour les entreprises moins bien intentionnées qui investissent dans des projets sans faire d’efforts de réduction de leurs propres émissions de GES. Il est important de bien communiquer sur l’action de compensation carbone de votre entreprise et d’être transparent (parler plutôt de « contribution carbone », publier son bilan carbone, ne pas se dire « neutre en carbone », afficher le nombre de crédits carbone achetés, etc.)

 

L’insetting, la compensation carbone intégrée

L’insetting se veut une démarche plus profonde et engageante pour une entreprise que l’offsetting. La compensation carbone intégrée concerne à la fois la compensation des émissions carbone et leur réduction, et engage l’entreprise dans un double mécanisme afin d’agir sur son empreinte carbone.

Définition de l’insetting

L’insetting est aussi un mécanisme de compensation volontaire, mais celle-ci se fait de manière intégrée, c’est-à-dire que l’entreprise investit dans des projets en amont ou en aval de sa chaîne de valeur. L’insetting prend en compte la totalité des GES produits par une entreprise, à travers les scopes 1, 2 et 3 (émissions directes, émissions indirectes et autres émissions indirectes). 

Dans le cadre de la compensation carbone intégrée, l’entreprise fait appel à ses parties prenantes (collaborateurs, clients, fournisseurs…) pour déterminer quels projets sont financés, selon leur potentiel de réduction des émissions, les objectifs fixés et la faisabilité du projet. Comme pour l’offsetting, les projets finançables par l’insetting concernent différents secteurs : il peut s’agir d’agriculture régénérative des chaînes de valeurs agricoles, des écosystèmes ou d’agroforesterie. 

Bon à savoir - La plateforme internationale pour l’insetting (IPI)
L’IPI (International Platform for Insetting) rassemble les organisations engagées dans l’insetting afin de les soutenir dans la réduction de leurs émissions carbone et dans l’intégration de cette méthode de compensation carbone.

 

Les avantages de l’insetting pour l’entreprise

En compensant son empreinte carbone via l’insetting, une entreprise s’inscrit dans un modèle d’économie durable et renforce sa politique climatique. L’insetting s’ajoute aux efforts de réduction de l’empreinte carbone au sein de l’organisation et l’entreprise peut tout à fait, en parallèle, financer des projets d’offsetting éloignés de sa chaîne de valeur mais tout aussi bénéfiques. 

L’insetting offre une gestion durable de la chaîne de valeur, tout en impliquant et sensibilisant les partenaires de l’entreprise. C’est également un moyen de construire des valeurs solides et positives autour de la préservation de l’environnement et de communiquer sur son engagement dans le développement durable et la neutralité carbone.

Les obligations des entreprises en matière de compensation carbone

L’offsetting et l’insetting font partie de la comptabilité carbone des entreprises. Ce terme désigne les méthodes utilisées pour évaluer la quantité équivalente en CO2 des émissions de GES d’une activité. Une organisation doit utiliser des outils réglementaires afin de quantifier ses émissions et de mettre en place des stratégies de réduction ou de compensation carbone

Le cadre réglementaire européen de l’offsetting et de l’insetting

La compensation carbone est encadrée par des réglementations et des référentiels au niveau européen. Le Greenhouse gas protocol (GHG Protocol) est le référentiel de comptabilité carbone international pour la mesure et la gestion des émissions de GES. Le GHG Protocol soutient les entreprises et les organisations (gouvernements, collectivités territoriales) dans la réduction de leur empreinte carbone et repose sur 7 standards, dont certains relatifs à la compensation carbone, comme le standard « corporate value chain », qui évalue l’impact des émissions de la chaîne de valeur d’une entreprise afin d’identifier et prioriser les réductions d’émissions.

L’Union européenne dispose également depuis 2005 d’un « marché du carbone », mis en place par le Protocole de Kyoto. Ce marché fonctionne sur un système d’échange de quotas d’émissions de GES (SEQE) pour les entreprises, qui disposent d’un plafond d’émissions de gaz à effet de serre. Si elles dépassent ce plafond, les entreprises doivent acheter des quotas en plus aux enchères sur des plateformes dédiées ou auprès d’autres sociétés qui ont réduit leur émissions de manière à rester sous la limite. Le prix de ces quotas dépend de l’offre et de la demande, et le marché du carbone couvre actuellement 36% des émissions de GES de l’Union européenne.

Sur quoi s’appuie la compensation carbone en France ?

En France, les entreprises qui souhaitent s’engager dans la compensation carbone peuvent s’aider d’autres outils réglementaires. 

Le bilan carbone, obligatoire pour les entreprises métropolitaines de plus de 500 salariés, est nécessaire pour contribuer à la neutralité carbone. Mis en place par l’ADEME, il porte sur toutes les émissions de l’entreprise (scopes 1, 2 et 3) et permet à l’entreprise d’établir un plan d’action pour la réduction de ses émissions de GES. Une fois ses postes émetteurs et ses besoins identifiés, l’entreprise peut, en plus de mettre en place des efforts concrets, se tourner vers une stratégie d’offsetting ou d’insetting pour étendre son engagement environnemental. 

Le label bas-carbone est un autre mécanisme d’encadrement de la compensation carbone en France. Il s’agit d’une certification des projets de séquestration de CO2 ou de réduction d’émissions de GES. Le label bas-carbone permet d’identifier les projets au service de la réduction des émissions de GES pouvant être financés dans le cadre de la compensation carbone volontaire (offsetting). 

Bon à savoir - Une aide financière à la compensation carbone
Dans le cadre du SEQE, les producteurs d’électricité sont obligés d’acheter des quotas correspondant à leurs émissions de GES, coût qui se répercute sur le prix de l’électricité et affecte les entreprises. Pour éviter que ces dernières se délocalisent (ce qui amène à des fuites de carbone), la compensation financière dite de « compensation des coûts indirects » permet de réduire ce risque de délocalisation et de favoriser la décarbonation du secteur. Au total, cette aide couvre 75% du surcoût causé par le système européen. 

 

Exemples de projets d’insetting et d’offsetting réussis 

En France, l’hébergeur de données et fournisseur de réseau Ovea a commencé par une analyse de cycle de vie (ACV) de ses services afin d’identifier les postes d’émissions de GES dans son entreprise et d’engager une stratégie de réduction. La compensation carbone volontaire engagée par l’entreprise par la suite vient en complément de ces efforts de réduction. Dans le cadre de la compensation carbone, Ovea soutient des projets d’agroforesterie locaux, en finançant  le projet « 20 000 pieds sur terre » de l’AGROOF, afin de parrainer la plantation de variétés locales d’arbres dans la région de Montpellier. 

Butagaz, le fournisseur d’énergie, s’est engagé dans des projets de compensation labellisés bas-carbone, en finançant principalement le boisement ou reboisement et la plantation de vergers. Dans l’Oise, Butagaz soutient un projet de plantation de 7,2 hectares de pommiers avec un haut taux d’enherbement, afin de créer une prairie permanente permettant le développement de la biodiversité locale. Au total, les financements de l’entreprise dans le cadre de la compensation carbone ont permis de planter plus de 85 000 arbres et de développer 45,2 hectares de bois ou forêts ainsi que 10,4 hectares de vergers.

 

Sources : 
Compensation carbone - compensation des coûts indirects, ASP
La compensation volontaire, démarches et limites, ADEME
What is insetting ?, International platform for insetting
Marchés du carbone - SEQE-UE, Ministère de la transition écologique
Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, EUR-Lex
Émissions de GES et empreinte carbone en 2022, Ministère de la transition écologique
Environnement : comment fonctionne le marché du carbone européen ?, Toute l’Europe