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Crédit carbone volontaire : définition, prix, fonctionnement et obtention

  • Temps de lecture: 6 - 7 min
Crédit carbone
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Le crédit carbone volontaire est un mécanisme intéressant (mais parfois controversé) pour les entreprises qui souhaitent investir dans des initiatives réduisant les émissions de GES ou les séquestrant. Comment fonctionne-t-il exactement ?

Dans un contexte d’urgence climatique, il est nécessaire que chacun, particuliers comme entreprises, concourt à l’objectif de neutralité carbone, entériné par l’Accord de Paris. À cette fin, et dans le but de soutenir une démarche de réduction ou de séquestration des émissions de CO2 à l’échelle planétaire, les crédits carbone volontaires peuvent être des outils intéressants. Mais que sont les crédits carbone ? Quels projets y sont éligibles ? Où peut-on acheter ces crédits ou les vendre ? Explications. 

Qu'est ce qu'un crédit carbone volontaire ?

Commençons par répondre à cette question : un crédit carbone volontaire, c’est quoi ? Il s’agit d’une tonne de carbone d’équivalent CO2 (tCO2éq, unité créée par le GIEC mesurant l'empreinte d'un individu ou d'une activité et exprimant la masse de dioxyde de carbone qui aurait le même potentiel de réchauffement climatique qu'une quantité donnée d'un autre gaz à effet de serre) dont l’émission a été évitée ou séquestrée grâce à la mise en œuvre délibérée d’un projet en faveur de l’environnement. Cette tonne équivalent CO2 est ensuite échangée sur le marché carbone volontaire.

Derrière cette définition se cachent trois autres notions. D’abord, celle des émissions de gaz à effet de serre (GES) évitées. Pour mieux comprendre, prenons l’exemple de l’installation d’une petite centrale photovoltaïque. Si la production d’électricité solaire permet de remplacer en partie celle de centrales thermiques au charbon ou au gaz, alors cette installation aura permis d’éviter l’émission d’une certaine quantité de GES. À chaque tonne évitée correspondra donc un crédit carbone. 

Ensuite, il est important de comprendre ce que sont les puits de carbone. Selon l’ADEME, ils correspondent aux « systèmes capables de capter et stocker du CO2 présent dans l’atmosphère ». Ils peuvent être naturels (forêts, marais côtiers, bocage, phytoplancton, océans…) ou issus de la technologie. Ces derniers consistent, toujours selon l’ADEME, à « fixer le CO2 puis à l’injecter dans des réservoirs géologiques étanches, à plus de 1 000 m de profondeur ». (1)

Enfin, on parle de crédit volontaire lorsqu’une entreprise (ou un particulier) décide librement de financer des projets de réduction ou de séquestration de carbone via l’achat de crédits carbone, sans incitation ou obligation légale.

— À NOTER —
Pour faciliter les échanges sur le marché carbone volontaire, on calcule une équivalence CO2 pour les 6 gaz à effet de serre (GES) concernés : 
-le dioxyde de carbone ;
-le méthane ;
-les oxydes nitreux ;
-les hydrofluorocarbures ;
-les hydrocarbures perfluorés ; 
-l’hexafluorure de soufre.

Le crédit carbone volontaire est donc une mesure d’équivalence, utilisée dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Il permet de quantifier l’action réelle des initiatives menées en faveur de la réduction ou la séquestration des émissions de gaz à effet de serre, financée volontairement par des entreprises (ou des particuliers).

Crédit carbone et quota carbone : quelle différence ?

On confond souvent crédit carbone et quota carbone. Or, il s’agit de deux notions bien distinctes. 

Les quotas carbone qualifient les quantités limitées de gaz à effet de serre qu’un acteur économique a le droit d'émettre dans le cadre de son activité. Ces plafonds d’émission s’imposent aux grands pollueurs, dans les secteurs de l'industrie lourde, de l’énergie et de l’aviation (depuis 2012). En 2025, ils seront rejoints par les professionnels des transports ainsi que du bâtiment.

Ces quotas d’émission s’inscrivent dans les limites du marché européen du carbone ou « systèmes d’échange de quotas d’émissions » (SEQE, EU ETS en anglais), mis en place en 2005, suite au Protocole de Kyoto. Ce dernier s’assimile à une plateforme d’échanges de « droits à polluer », lesquels sont octroyés aux nations européennes. Ces dernières distribuent ces quotas à 11 000 installations industrielles (représentant la moitié des émissions européennes de gaz à effet de serre) sommées de rester sous ce plafond d’émission et contraintes d’acquérir sur le marché des quotas d’émissions quand elles le dépassent.

De leur côté, les crédits carbone sont créés quand une organisation met en place un projet qui permet de réduire les émissions de GES ou d’éliminer une partie du CO2 de l'atmosphère (séquestration). Ils s’échangent sur le marché de la compensation carbone volontaire.  Cette bourse des crédits carbone volontaires a été créée à l’initiative d’entreprises souhaitant acheter des crédits carbone pour investir dans des projets en faveur de la réduction ou de la séquestration de CO2 (en particulier dans des pays en développement), mais non-soumises au système d’achat de quotas.

Le marché des crédits carbone volontaire s’assimile donc à une plateforme autonome d’achat et de vente de crédits carbone. Au départ sans modèle législatif pour la réguler, il s'est très vite structuré grâce à divers label certifiant les crédits carbone, dont nous reparlerons plus bas.

BON À SAVOIR
Attention ! Les crédits carbone, bien qu’ils s’échangent sur le marché de la compensation carbone volontaire, ne permettent pas de « contrebalancer » ses propres émissions carbone. Rappelons que chaque entreprise du secteur privé, comme du secteur public, a un rôle actif à jouer pour tendre vers un objectif de neutralité carbone à l’échelle de la planète et du territoire national. C’est tout le sens de la Net Zero Initiative.

Crédits carbone : comment ça marche et comment sont-ils créés ? 

Il faut comprendre que la création des crédits carbone n’a rien de systématique. Un porteur de projet peut tout à fait mettre en œuvre une action permettant d’éviter des émissions de GES sans pour autant qu’elle ne génère de crédits carbone. En effet, il est nécessaire que le porteur de projet mesure, vérifie, voire certifie, les réductions de GES ou l’élimination de CO2 dans l’atmosphère pour que soient créés les crédits carbone inhérents.

Quels sont les projets donnant lieu à des crédits carbone ?

Une grande diversité de projets contribuant à la neutralité carbone peuvent prétendre à la génération de crédits carbone, dans de nombreux secteurs. Ils sont généralement classés dans deux catégories : les projets d’évitement et les projets de séquestration.

Les projets d’évitement

Les projets d’évitement sont ceux qui permettent, comme leur nom l’indique, d’empêcher que des GES soient rejetés dans l’atmosphère. Il s’agit par exemple de : 

  • projets d'énergie renouvelable (parcs éoliens, centrales solaires) ;
  • projets d'efficacité énergétique (isolation des bâtiments, systèmes de chauffage et de refroidissement plus efficaces en vue d’une réduction de la consommation d’énergie) ;
  • projets de substitution soutenant des nouveaux procédés moins carbonés ou des produits (transformation de produits en fin de vie en matières premières de qualité).

Pour mesurer la portée de ces projets d’évitement (et donc pour évaluer le nombre de crédits carbone susceptibles d’être créés), il est indispensable d’évoquer ce que l’on appelle la situation de référence, c’est-à-dire la situation qui aurait existé sans le projet. Reprenons notre exemple : pour que l’installation d’une centrale photovoltaïque donne lieu à la création de crédits carbone, il est nécessaire de prouver que sans ce projet, les besoins en électricité couverts par l’énergie solaire l’auraient été par de l’énergie fossile. Il faut ensuite comparer les émissions de carbone respectives (engendrées par la création et l’utilisation des panneaux photovoltaïque et de l’énergie fossile) et calculer la différence d’émission, afin d’estimer le nombre de crédits carbone créés par la centrale solaire.

La « situation de référence » est donc cruciale et au centre du débat autour des crédits carbone. Envisageons maintenant que la production de ce projet de centrale photovoltaïque incite ses propriétaires à se doter d’engins électriques énergivores supplémentaires qu’ils n’auraient pas acquis sans ce projet. Dans ce cas, les émissions de GES sur l’ensemble du cycle de vie du projet ne sont pas évitées mais supplémentaires : ce projet ne donne donc pas lieu à des crédits carbone.

Les projets de séquestration

Les projets qui visent à retirer des gaz à effet de serre de l'atmosphère en les stockant représentent la deuxième catégorie d’action pouvant donner lieu à la création de crédits carbone. Il peut s’agir de : 

  • projets de séquestration naturelle (constitution de puits de carbone : restauration des prairies, plantation d'arbres sur des terres dégradées) ;
  • projets de séquestration industrielle ou technologique (captage et stockage du carbone issus des processus industriels avant qu'ils ne soient émis dans l'atmosphère et à les stocker de façon permanente).

Les 5 critères d’allocation d’un crédit carbone

En plus de faire partie de ces deux catégories, les projets susceptibles de créer des crédits carbone doivent respecter 5 critères : 

  • les réductions doivent être additionnelles, c’est-à-dire dépendantes de l'intervention du projet de crédits carbone ;
  • les réductions doivent être permanentes ;
  • la quantification des réductions de CO2 doit suivre une méthodologie approuvée ;
  • la vérification et la comptabilisation des crédits carbone doivent être possibles via un système de suivi des réductions d'émissions et des crédits générés par le projet ;
  • les crédits carbone relatifs à un projet doivent être inscrits sur un registre unique afin d’éviter une double comptabilisation.

La certification des crédits carbone

Prenant modèle sur les exigences de la certification obligatoire sur le marché de conformité, plusieurs labels se sont développés sur le marché volontaire. Censés le réguler et pallier son manque de transparence et de crédibilité, ces labels ont vocation à mesurer la fiabilité des crédits carbone délivrés vis-à-vis des émissions GES évitées ou séquestrées et de leur unicité. Ils n’assurent cependant pas de garantie homogène, selon l’ADEME, qui ne dispose pas de label, ni n’impose de référentiel particulier. 

Toujours selon l’ADEME, il en existe de deux sortes : 

  • les labels dits de compensation carbone à part entière qui imposent un standard de comptabilité, de suivi et vérification de projet ainsi que la tenue d’un registre ; 
  • les labels dits de montage de projet qui évaluent la gestion du projet mais non la réduction effective des émissions. 

Sur le marché européen, deux labels de compensation carbone à part entière sont particulièrement représentés : le Gold Standard (GS) et le Voluntary Carbon Standard (VCS).

Quel est le prix d’un crédit carbone sur le marché volontaire ?

Combien coûte un crédit carbone ? La réponse est loin d’être simple. Il n’existe pas de montant fixe et le prix d’un crédit carbone sur le marché de la compensation volontaire dépend, en effet, de nombreux facteurs : 

  • le type de projet ;
  • la taille du projet ; 
  • la localisation du projet ;
  • la méthodologie d’implémentation ;
  • le coût des actions à mettre en place pour réaliser le projet ; 
  • coût de certification en fonction des labels ; 
  • le coûts d’intermédiations ;
  • l’offre et la demande…

Les montants auxquels s’échangent les crédits carbone sont, de fait, très variables et peuvent aller d’une dizaine à plusieurs centaines d’euros.

En 2022, la plateforme InfoCC, animée par l'ONG Geres, a publié un état des lieux de la compensation carbone et notamment le nombre de crédits vendus et leur prix moyen. Il en ressort que le prix moyen des crédits vendus est de à 4,6 € / tCO2e. Mais ce chiffre masque une réalité marquée par une grande disparité de valeur des crédits en fonction de leur localisation, de leur labellisation ou encore de leur nature. Ainsi, les crédits dotés du Label bas carbone se vendent à un tarif plus élevé : 31,8 € / tCO2e.

Les limites de la compensation des émissions via les crédits carbone volontaires en entreprise

Parce qu’elle permet de contribuer à la poursuite de l’objectif de neutralité carbone, l’acquisition de crédits carbone sur le marché volontaire séduit de plus en plus d’acteurs économiques. Il faut toutefois souligner le fait que ce mécanisme est très peu contraignant et jugé peu incitatif pour les entreprises, qui ne sont encouragées ni à réduire concrètement leurs émissions directes de GES, ni à revoir leurs modèles de consommation des ressources.

Il faut donc considérer les crédits carbone pour ce qu’ils sont réellement : un simple outil complémentaire pour atteindre des objectifs plus ambitieux de réduction directe des émissions, via des stratégies d’économies d’énergie (travaux de rénovation énergétique, par exemple) et de décarbonation industrielle.

Sources : 
(1): Puits de carbone : les naturels d’abord - ADEME 
La compensation volontaire - démarches et limites - ADEME
Crédit carbone - Novethic 
https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/282323-co2-le-marche-du-carbone-dans-lunion-europeenne 
https://www.ecologie.gouv.fr/marches-du-carbone#scroll-nav__3 
https://www.agoterra.com/articles/tout-savoir-sur-les-credits-carbone 
https://www.capitaine-carbone.fr/la-compensation-carbone/quest-ce-quun-credit-carbone/