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Méthanisation : définition, fonctionnement et avantages

  • Temps de lecture: 7 - 8 min
Biogaz
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Trier le verre, le carton et le plastique peut s’avérer un vrai casse-tête, surtout à grande échelle, mais ces matières sont facilement recyclables. Quid des matières organiques agricoles résiduelles ? Pour les exploitations et les collectivités, la valorisation des biodéchets par la méthanisation est une solution.

Produire de l’énergie grâce aux matières organiques : le principe de base de la méthanisation est en soi très simple. Ce procédé, qui permet de produire du biogaz, lui-même utilisé dans la production énergétique, est déjà bien connu dans le secteur agricole. Mais ce traitement un peu particulier des matières organiques offre des avantages plus larges, de la diversification du mix énergétique, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en passant par la production d’engrais vert pour les exploitations agricoles. Comment fonctionne la méthanisation ? Quelles méthodes sont utilisées, et quels sont ses avantages ? Big média vous donne des éléments de réponse.

Qu’est-ce que la méthanisation ?

Début 2024, la France comptait environ 1600 unités de méthanisation réparties sur le territoire. Processus peu connu du grand public et pouvant soulever des interrogations ou des inquiétudes, la méthanisation valorise des matières organiques (issus de l’agriculture, des ménages, de la filière agroalimentaires) et a pour vocation de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), et donc l’empreinte carbone globale.

Définition de la méthanisation

La méthanisation, un recyclage des déchets ? Pas tout à fait. La méthanisation (aussi appelée biométhanisation) est un procédé écologique de valorisation de matières organiques (déjections animales, résidus agricoles, déchets ménagers) qui permet de produire à la fois : 

  • du biogaz, un gaz renouvelable pouvant remplacer le gaz naturel dans la production d’électricité, de chaleur ou de carburant. Lorsque le biogaz est injecté dans le réseau du gaz naturel on parle de biométhane ou de gaz vert ;
  • du digestat, composé des matières non transformées en biogaz, un résidu solide ou liquide présentant des avantages agronomiques en remplaçant les engrais d’origine fossile.

Il s’agit d’une méthode encore peu répandue mais qui s’inscrit dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la transition énergétique et la réduction de l’utilisation des énergies fossiles et des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. On estime qu’un méthaniseur qui traite 15 000 tonnes de matières par an peut permettre de chauffer 500 maisons, ou d’alimenter 600 bus urbains en carburant durable. 

Dans la nature, par exemple en milieu marécageux, la méthanisation est un processus naturel. Les unités de méthanisation permettent d’appliquer ce processus aux matières organiques issus des activités humaines, dans différentes catégories.

  • Agriculture : traitement des matières organiques issues de l’élevage (effluents) ou des cultures.
  • Industrie : méthanisation des matières organiques issues des déchets agroalimentaires ou provenant de la transformation végétale.
  • Domestique ou territoriale : valorisation des biodéchets ou des résidus ménagers.
  • Stations d’épuration (STEP) : traitement des boues provenant de l’épuration des eaux usées.
  • Installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND) : traitement des matières stockées pour réduire la pollution.

Les enjeux de la méthanisation en France

Les enjeux de la méthanisation en France sont multiples et touchent à divers aspects environnementaux, économiques et sociaux. 

  • Transition énergétique : la méthanisation est une source d’énergie renouvelable qui peut contribuer à réduire la dépendance aux énergies fossiles et à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Agriculture, industrie agroalimentaire, collectivités : la méthanisation permet de traiter les matières organiques de tous les secteurs et constitue pour tous un enjeu de transition écologique. 
  • Gestion des déchets : elle permet de valoriser les déchets organiques (agricoles, industriels, ménagers) en les transformant en biogaz, réduisant ainsi leur impact environnemental.
  • Développement rural : la méthanisation peut être une source de revenu complémentaire pour les agriculteurs, favorisant le maintien de l’activité agricole dans les zones rurales.
  • Production d’engrais naturel : le digestat issu de la méthanisation est un fertilisant riche en éléments nutritifs qui peut remplacer les engrais chimiques.
  • Souveraineté énergétique : le développement de cette méthode vise à lutter contre la dépendance énergétique, en réduisant à terme la part des énergies fossiles importées au profit des énergies vertes et renouvelables comme le biogaz. 
  • Création d’emplois : le développement de la filière méthanisation peut générer des emplois locaux, notamment dans la construction et la maintenance des installations.

La méthanisation s’inscrit dans une logique d’économie circulaire et de décarbonation de secteurs à forte empreinte carbone, comme l’agriculture, en offrant une alternative aux engrais et fertilisants de synthèse grâce au digestat.

Comment fonctionne la méthanisation ?

La méthanisation repose sur un processus biologique naturel qui s'effectue dans une cuve (méthaniseur). Il existe plusieurs méthodes et différents types d’installation, en fonction des matières traitées et notamment de leur teneur en eau ou de leur viscosité.

Le processus de méthanisation : les différentes étapes 

Le processus de méthanisation s’effectue dans une  unité de méthanisation composée d’un méthaniseur ou digesteur, où les matières organiques sont décomposées par des micro-organismes dans une cuve à température optimale, autour de 40°, et en l’absence d’oxygène, générant ainsi du méthane. La dégradation des matières s’effectue sur un ou deux mois, et le processus de méthanisation s’effectue en plusieurs étapes : 

  1. la collecte des matières organiques et l’acheminement vers l’installation ;
  2. la méthanisation, ou processus de transformation en biogaz suivi d’une épuration ;
  3. l’injection du biométhane dans le réseau de gaz naturel une fois purifié ;
  4. l’exploitation du biométhane pour l’électricité, le chauffage ou le carburant

 

Cycle de méthanisation

Cycle de méthanisation
Source : projet-methanisation.grdf.fr

 

L’installation d’un projet de méthanisation

Les unités usines de méthanisation font l’objet d’une installation répondant à un cahier des charges précis. La mise en place d’un projet de méthanisation doit suivre plusieurs étapes et implique des acteurs divers ; il peut mettre jusqu’à 4 ans à voir le jour. 

Il existe plusieurs types d’installation de méthanisation selon le secteur concerné : 

  • la méthanisation agricole, ou « à la ferme », dans le cadre des projets portés par les agriculteurs pour qui la méthanisation devient une activité de valorisation des matières organiques issues de leur exploitation de culture ou d’élevage (coproduits) ; 
  • la méthanisation territoriale, aussi dite « centralisée », sous forme d’unités de grande taille, et principalement utilisées pour le traitement des matières organiques issues du territoire ;
  • la méthanisation en STEP, qui traite les boues issues de l’épuration des eaux usées ;
  • la méthanisation industrielle, qui concerne essentiellement la filière agroalimentaire ;
  • la méthanisation des résidus ménagers, dont le projet est porté par les collectivités ou les entreprises spécialisées en gestion des déchets.

L’ampleur de l’installation d’une unité de méthanisation nécessite plusieurs étapes et des dialogues entre les acteurs impliqués.

  • Phase de réflexion : déterminer le type d’intrants, leur volume, identifier les acteurs et la zone d’implantation de l’unité de méthanisation. 
  • Études de faisabilité et analyses préliminaires, démarches administratives.
  • Construction de l’installation.
  • Mise en service et début de l’exploitation. Une unité de méthanisation nécessite un entretien, une exploitation et une alimentation quotidienne pendant les quinze premières années.

 

Valorisation du biogaz sous forme d’électricité, de chaleur ou de cogénération

La méthanisation permet de générer du biogaz ou du digestat, chacun ayant une utilité différente. Le biogaz produit par le procédé de méthanisation peut se décliner en trois formes : 

  • chaleur, via combustion dans une chaudière ;
  • électricité, à travers un moteur ou une turbine ;
  • chaleur et électricité dans le cas de la cogénération.

Pour être exploité en tant qu’énergie, le biogaz est purifié selon les normes du gaz du naturel et devient du biométhane, qui peut être utilisé dans les réseaux de gaz naturel comme source de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire, de génération d’électricité, dans certains procédés industriels ou encore comme biocarburant. Sa valorisation sous différentes formes fait donc du biogaz une énergie renouvelable et polyvalente à grande échelle.

Valorisation du digestat issu du processus de méthanisation

Une tonne de matière méthanisée permet de produire environ 930 kilos de digestat, un résidu du procédé de méthanisation composé de matières organiques, majoritairement utilisé comme fertilisant dans le milieu agricole. Le digestat a une valeur agronomique différente selon sa composition et peut subir un traitement complémentaire (séchage thermique, par exemple) avant d’être utilisé pour l’épandage. L’utilisation du digestat dans l’épandage agricole répond à une réglementation stricte qui varie en fonction des départements et il est soumis à un contrôle de qualité avant toute utilisation.

En cas de non conformité, par exemple s’il contient des parasites ou des microplastiques, le digestat est placé en ISDND ou incinéré.
 

Schéma du processus de méthanisation : collecte, stockage, digestion, valorisation en digestat et biogaz (digesteur = méthaniseur)

Schéma du processus de méthanisation
Source : eduscol.education.fr

 

Quels sont les avantages de la méthanisation ?

La méthanisation offre de nombreux avantages, notamment pour les agriculteurs : revenus supplémentaires, valorisation des matières coproduites et cultures intermédiaires, économies d’achats d’engrais. Ce processus, qui regroupe les enjeux énergétiques, agricoles et de valorisation des matières organiques, a également des atouts pour la transition énergétique à l’échelle nationale.

La méthanisation, bien qu’encore peu développée, a le potentiel de jouer un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique. Elle favorise le recours à des sources d’énergie alternatives, et la préservation des ressources fossiles au profit des énergies renouvelables. En remplaçant les combustibles fossiles et les engrais chimiques, le biométhane et le digestat réduisent la dépendance aux produits chimiques et aux combustibles non durables. À cela s’ajoute une réduction des gaz à effet de serre grâce à la capture du méthane, un des GES les plus polluants.

En produisant du biogaz et du digestat, la méthanisation s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire : production d’énergie renouvelable locale, création d’emploi dans la filière, gestion des sous-produits agricoles ou agroalimentaires, participation à la transition écologique dans la filière agricole. Le procédé génère de nombreux bénéfices, et permet aux acteurs (agriculteurs, collectivités, industriels) de réduire leurs coûts en produisant et vendant leur propre énergie ou engrais issus de la méthanisation.

Diversifier le mix énergétique français

La méthanisation représente une alternative intéressante aux énergies fossiles et s’inscrit dans la volonté nationale de diversifier le mix énergétique de la France. Ainsi, l’édition 2024 de prospective sur la transition énergétique à l’horizon 2050 de l’ADEME cite la méthanisation comme devant faire partie de la stratégie nationale. 

Les deux produits du processus de méthanisation ont un rôle à jouer : le biogaz est une énergie verte, à production constante et à application multiples (électricité, carburant, chaleur), tandis que le digestat est pour les agriculteurs une alternative plus durable aux engrais d’origines fossiles. Augmenter la part du biogaz dans le mix énergétique français permettrait d’accroître de manière plus globale le poids des énergies renouvelables et de diversifier le bouquet français.

Valoriser les déchets et réduire les gaz à effet de serre

La valorisation des déchets matières organiques s’inscrit dans une logique d’économie circulaire, mais aussi dans l’objectif de neutralité carbone pour 2050, qui s’accompagne d’un développement accru des énergies renouvelables.

Soumis à la méthanisation en cuves contrôlées, les coproduits agricoles (fumier, lisier, résidus de cultures intermédiaires à vocation énergétique) permettent la récupération et la valorisation du biogaz formé et du méthane qu’il contient. Cela limite les émissions de méthane - l’un des GES les ayant le plus d’impact sur l’environnement - liées à la dégradation des matières organiques dans la nature.

Produire un engrais naturel pour le secteur agricole

Le digestat permet aux agriculteurs de réaliser des économies, en remplaçant les engrais chimiques à forte empreinte carbone. Les agriculteurs peuvent installer une unité de méthanisation en extension de leur exploitation et ainsi profiter de la production de biogaz, en plus de produire leur propre fertilisant, tous deux issus de la valorisation de matières organiques et non de ressources fossiles.

L’épandage de digestats et sa valorisation agronomique dans les sols produits moins d’odeurs que les épandages traditionnels de déjection animales ou de boues de station d’épuration, ce qui représente un autre avantage pour les exploitations agricoles. 

Accompagnement des entreprises dans le développement de la méthanisation agricole 

Pour soutenir le développement de la filière méthanisation dans les exploitations agricoles, Bpifrance propose le Prêt Méthanisation Agricole. Le but : accompagner la mise en place d’installations (méthaniseur, digesteur) dans les fermes en offrant un financement à hauteur de 500 000 € maximum. Le dispositif s’adresse aux PME de plus de 3 ans, qui doivent soumettre une demande et répondre aux critères d’éligibilité établis par la DRAAF (Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt).

L’ADEME propose également une aide à la réalisation d’installations de méthanisation pour les entreprises agroalimentaires et agricoles. Ce soutien financier prend la forme d’un forfait de subvention par unité de capacité de production à l’année, soit en €/MWh, et inclut les unités de méthanisation avec cogénération et les stations d’épuration urbaines (STEU), qui valorisent le biogaz en biométhane avant son injection dans le réseau public.

 

Sources : 

La méthanisation en 10 questions, ADEME

Fonctionnement de la filière, MéthaFrance

Volet méthanisation : Questions et réponses, Ministère de l’Agriculture

Effets agronomiques, Infometha

Effets environnementaux, Infometha

Synthèse - Transitions 2050, édition 2024, ADEME

La méthanisation agricole en questions, Ministère de l’Agriculture

Le plan énergie méthanisation autonomie azote, Ministère de l’Agriculture

Biogaz, Ministère de la Transition Ecologique

Moins de déchet et plus de recyclage en France, Notre-environnement