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Directive CSRD : reporting de durabilité extra-financier

  • Temps de lecture: 7 - 8 min
Directive CSRD
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Applicable dès janvier 2024, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) vise à mieux encadrer les rapports extra-financiers des entreprises. Big média vous dévoile en quoi cette directive est un réel facteur de changement au niveau européen.

Alors qu'aujourd'hui, en Europe, seules les sociétés de plus de 500 salariés sont tenues de présenter un rapport extra-financier, le scope des entreprises soumises à cette obligation va s’élargir dès 2024. Poussée par l’urgence climatique et motivée par volonté de flécher les flux financiers vers des activités plus durables, la Commission européenne a en effet adopté la directive CSRD. Cet ensemble de mesures ambitieuses et complètes a pour vocation de renforcer l’engagement des entreprises en faveur d’activités enracinées dans le développement durable. Mais à qui s’appliquera cette directive et quand ? À quelles nouvelles obligations donnera-t-elle lieu ? Comment s’y préparer ? Panorama de ce nouveau cadre 

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qu’est-ce que c’est ?

La CSRD régule les rapports de suivi des informations non monétaires des entreprises européennes. Dans les paragraphes qui suivent, vous en apprendrez davantage sur ce qu’est le CSRD, sur les éléments qui la différencient de la première directive européenne sur le reporting extra-financier - NFRD (Non Financial Reporting Directive) et sur sa mise en application.

Directive CSRD : définition

Connue sous le nom de « Directive sur les rapports de développement durable des entreprises » en français, la CSRD est une directive de la Commission européenne initiée en avril 2021 et publiée le 16 décembre 2022 dans le Journal Officiel de l'UE. 
L’adoption de ce texte vise à harmoniser le reporting extra-financier réalisé par les entreprises en Europe, en améliorant la disponibilité et la qualité des données rendues publiques. Elle porte par ailleurs l’ambition de répondre aux objectifs du Pacte Vert (European Green Deal), c’est-à-dire d’atteindre la neutralité carbone sur le Vieux Continent d’ici à 2050.

De la NFRD à la CSRD : ce qui va changer

Adoptée en 2014, la NFRD encadrait jusqu’à présent les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes. Déjà motivée par l’harmonisation du reporting, la Non Financial Reporting Directive avait été appliquée en France via la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF). Néanmoins jugée insuffisante, cette première directive s’apprête ainsi à être remplacée et consolidée par la CSRD. Cette dernière introduira des changements majeurs : 

  • une amélioration de la précision et de la fiabilité des informations recueillies sur les impacts et les risques sur l’environnement, la société, les êtres humains et l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise ; 
  • une uniformisation des informations dans une section nouvellement dédiée du rapport de gestion (le format digital devient donc obligatoire) ; 
  • un champ d’application étendu à de plus petites structures (près de 50 000 entreprises seront concernées à terme) ; 
  • une vérification par un commissaire aux comptes ou un organisme indépendant ;
  • un reporting reposant désormais sur le principe de la double matérialité.

Zoom sur le principe de la double matérialité

Pierre angulaire de la nouvelle directive CSRD, la double matérialité consiste à analyser tous les critères ESG (environnement, social, gouvernemental) sous un double prisme : 

  • la matérialité financière, c’est-à-dire les impacts positifs et négatifs des enjeux de durabilité sur les performances financières de l’entreprise ; 
  • la matérialité d’impact, à savoir les impacts positifs et négatifs de l’entreprise sur son environnement économique, social et naturel.

Notons que si les impacts, les risques ou les opportunités, relevés par cette double matérialité, sont significatifs, ils devront être mentionnés dans le rapport des données extra-financières de l’entreprise.

Quel est le calendrier d'entrée en application de la directive CSRD ?

Avec une mise en place à l'échelle européenne, l’entrée en vigueur de la directive CSRD dans les entreprises sera progressive. Retrouvez les quatre dates clés d’application dans le tableau ci-dessous.

Date d'application

 

Exercice

 

Qui est concerné ?

 


1er janvier 2025

Exercice 2024


Entreprises européennes comme non européennes déjà soumises au reporting NFRD


1er janvier 2026

Exercice 2025


Grandes entreprises européennes (250 salariés, 40 millions d'euros de chiffre d’affaires et/ou 20 millions d'euros de bilan) et les sociétés non européennes cotées sur un marché réglementé européen non soumises à la NFRD


1er janvier 2027

Exercice 2026


PME européennes et non européennes cotées (sauf micro-entreprises)


1er janvier 2028
Exercice 2027


Entreprises non-européennes dont le chiffre d’affaires européen excède 150 M€ via une filiale ou succursale localisée au sein de l’Union européenne.


Il est cependant intéressant de noter que les PME soumises au CSRD en 2027 pourront bénéficier d'un délai de deux ans pour déclarer leurs performances non-monétaires, sous réserve de justification.

Quelles entreprises sont concernées par la directive CSRD ?

Alors que la NFRD ne concernait que 11 600 entreprises en Europe (grandes entreprises de plus de 500 salariés), la CSRD devra, à terme, s’appliquer à près de 50 000 entreprises implantées dans l’Union.

Les grandes entreprises de plus de 250 salariés dépassant au moins deux des critères suivants entreront en effet dans le scope de la CSRD :

  • 25 millions d’euros de bilan ;
  • 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Les petites et moyennes entreprises (PME) cotées en bourse et les entreprises non européennes ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150 millions d’euros sur le marché de l’UE, seront également soumises à la CSRD.

Les micro-entreprises de moins de 10 employés, elles, seront exemptes de reporting extra-financier.

Bon à savoir :
Les filiales dont la société-mère établit un reporting consolidé pourront en être exemptées, mais devront toutefois fournir certaines informations consolidées. 

Pourquoi la CSRD a-t-elle été créée ?

Jusqu'à présent, la NFRD imposait à certaines grandes entreprises de communiquer sur leurs actions en réponse aux défis sociaux et environnementaux de notre société. A terme, et avec l'accélération du réchauffement climatique, ces informations ne se sont pas révélées suffisantes pour les parties prenantes de ces sociétés, en particulier les investisseurs. En effet, ces derniers n'étaient finalement pas en mesure de juger leur performance extra-financière, au vu également du manque d'uniformisation entre les déclarations ESG.
Pour combler ces manques, la nouvelle directive européenne CSRD a été adoptée.

Préciser les indicateurs incontournables à suivre pour une stratégie RSE

Afin de faciliter la comparaison entre l'ensemble des acteurs économiques à l’échelle européenne, la directive CSRD crée d’abord un cadre réglementaire et un langage commun. Elle précise ainsi les indicateurs à intégrer au reporting, permettant d’observer conjointement les incidences de l'activité sur le climat et l'impact du changement climatique sur l'activité. 

De ce fait, elle aide les entreprises à affiner leur trajectoire vers la neutralité carbone, en vertu de l’Accord de Paris sur le climat et son objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Tendre vers une finance verte, durable et neutre en carbone

La nouvelle directive CSRD renforce par ailleurs l’arsenal législatif et réglementaire autour du développement durable et de la finance verte. En complément de la taxonomie, elle améliore la qualité, la fiabilité et l'accessibilité de l'information à destination des investisseurs souhaitant opérer des évaluations et des comparatifs. Elle permet donc de mettre en exergue les entreprises performantes sur ce point et, à plus longue échéance, d’avoir un impact positif sur l’amplification d’une finance verte, durable et neutre en carbone.

Renforcer la confiance entre entreprises et leur écosystème

La CSRD entend imposer un cadre déclaratif propice à renforcer la confiance entre sociétés européennes et leurs parties prenantes (clients, citoyens, États, partenaires commerciaux, investisseurs, etc.). 

D’une part, grâce à l’instauration de normes obligatoires, le besoin d’information de l’écosystème des organisations, des investisseurs notamment, sera mieux comblé. Les grilles de critères partagées sur les performances non monétaires des entreprises constituent ainsi un étalon de comparaison bien plus précis. 

D’autre part, les obligations de transparence attendues par la directive faciliteront la compréhension qu’auront les consommateurs ou les partenaires de l’impact des sociétés sur leur environnement. Les actions ou communications s’apparentant à du greenwashing pourront ainsi être plus aisément reconnues et soulignées comme telles. 

Enfin, ce devoir de clarté sur l’incidence des activités d’une entreprise sur la nature est un élément potentiellement fortifiant de sa marque employeur. À l’heure où la prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux est de plus en plus scrutée par les candidats, les organisations dites “à impact” auront de meilleures chances de recruter.

Application de la directive CSRD : de nouvelles obligations pour les entreprises

Avec l’entrée en vigueur de la directive européenne CSRD, deux nouvelles obligations en matière de reporting vont s’imposer aux entreprises concernées. Ces dernières devront, durant l’élaboration de leur reporting extra-financier, veiller à observer les normes ESRS et aborder les trois piliers du développement durable : l’environnement, le social et la gouvernance. 

Le respect des normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards)

Afin de standardiser les déclarations non financières des entreprises, l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a préparé ce que l’on appelle les normes ESRS. Adoptées par la Commission européenne, elles ont pour vocation de rendre le reporting extra-financier des entreprises plus transparent et plus facilement comparable.

Douze normes universelles devront être respectées durant l’élaboration des rapports mais leur nombre est amené à croître. Des normes sectorielles ou spécifiques aux PME cotées sur les marchés réglementés vont en effet voir le jour prochainement.

Un partage obligatoire d’informations relatives à la stratégie ESG 

Dans leurs rapports annuels sur leurs données extra-financières, associés au bilan financier, les entreprises devront aborder l’ensemble des dimensions liées au développement durable : environnementales, sociales et de gouvernance. 

Dans le détail, elles devront couvrir les champs suivants : 

  • la prise en compte des défis environnementaux à court, moyen et long termes ;
  • le traitement des employés et la responsabilité sociale ;
  • le respect des droits de l'Homme ;
  • l’éthique et la lutte contre la corruption ;
  • la diversité au sein des conseils d'administration ; 
  • les risques liés aux questions de durabilité pour l'entreprise elle-même ;
  • l'impact de l'entreprise sur l'environnement ;
  • l'annonce des objectifs qu’elles se sont fixées en matière de développement durable, et les mesures mis en place pour les atteindre.

Quelles sont les sanctions d’une mauvaise application de la directive CSRD ?

En cas de non-respect de la CSRD, des sanctions ont été prévues, dont la réalité est arrêtée par chaque État-membre. Ces pénalités pourront se matérialiser sous trois formes : 

  • une déclaration publique indiquant la nature de l'infraction et la personne mise en cause ;
  • l'émission d'une ordonnance de cessation liée au domaine de l'infraction ;
  • des sanctions pécuniaires proportionnelles aux profits perçus grâce à l'infraction et à la solidité financière de l'entreprise.

4 conseils pour se préparer à la CSRD 

1. Renforcer sa stratégie RSE

Par nature, une entreprise engagée dans une démarche de responsabilité sociétale (RSE) contribue aux enjeux du développement durable. 

Pour renforcer ou mettre en place une stratégie RSE, il est d’abord nécessaire d’auditer son entreprise avant de créer un plan d’action, mobiliser ses collaborateurs et mesurer l’impact de la stratégie RSE en analysant les indicateurs de performance clés suivis.

2. Réaliser un bilan carbone

Réaliser un bilan carbone (ou Bilan GES) est une étape clé pour anticiper le champ d’application de la CSRD et s’y préparer. Pour cela, il est possible de se faire accompagner par un cabinet de conseil spécialisé en bilan carbone ou d’utiliser un logiciel dédié.

Rappelons que selon l'Ademe (Agence de la transition écologique), le bilan carbone est un outil de diagnostic et d’évaluation des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre (GES) générées par l’ensemble des activités d'une entreprise sur un temps et un périmètre donnés. Les scopes 1, 2 et 3 de ce bilan permettent de mettre en évidence les points à améliorer avant de mettre en place une stratégie de baisse des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique.

3. Anticiper l’évolution des normes de reporting ESG

La directive à venir introduit de nouvelles obligations assez complexes et des normes ESRS avec lesquelles il faut se familiariser. Il est donc de première importance de bien les comprendre pour une mise en œuvre dans les meilleures conditions. Pour mieux les appréhender, la Commission européenne a mis en place la plateforme European Single Access Point (ESAP). Cette dernière centralise toutes les informations financières et de durabilité, liées aux critères ESG (environnemental, social et de gouvernance)

Le gouvernement français a quant à lui lancé la plateforme Impact, permettant aux entreprises françaises d’évaluer leurs performances sur 45 indicateurs écologiques, sociaux ou de gouvernance.

Il est également indispensable d’établir une communication étroite avec ses collaborateurs, de manière à co-planifier les différentes étapes nécessaires à la réalisation du reporting extra-financier et de co-définir un rétro-planning réaliste.

4. Se faire accompagner pour mieux organiser la mise en œuvre de la réforme

Les organes de gouvernance chargés de la future vérification sont des sources d’information et de conseil pour les entreprises. Celles-ci doivent se sentir libres de communiquer aux commissaires aux comptes ou organismes indépendants leurs éventuelles interrogations. Elles peuvent parallèlement leur demander de l’aide pour définir les axes de recherche et d'analyse prioritaires au sein de l'entreprise.

Bon à savoir :

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Quelles sont les limites de la CSRD ? 

Si la CSRD comporte de nombreux avantages, elle présente toutefois deux inconvénients assez notables. 

Sa mise en application engendrera une augmentation des coûts de reporting. Le coût annuel estimé s'élève à 3 600 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 1 200 millions d'euros de coûts ponctuels pour l’ensemble des entreprises concernées. Toutefois, la Commission européenne estime que le cadre apporté par la CSRD limitera, à moyen et long termes, les frais de reporting. En effet, en fournissant un ensemble de consignes plus précises à suivre, ce cadre réglementaire guide des entreprises qui pouvaient, auparavant, se perdre dans les données à communiquer ou à chercher.

Ces normes comportent par ailleurs une complexité d’un point de vue juridique. Chaque entreprise possédant son propre modèle économique, il est possible que certains critères soient inadaptés à certaines organisations. C’est pourquoi le groupe de travail du Groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG) préconise un affinement des critères en fonction du secteur et de l’entité. Ainsi, les PME seront astreintes à une déclaration dont les données auront été allégées et mises en adéquation avec leur spécificité.

Sources :

Proposition de la directive, avril 2021
État d’avancement et modifications, février 2022.
Communiqué de presse sur la publication de la plateforme Impact.gouv, mai 2021.
Acte délégué de la Commission européenne sur les ESRS, juin 2023.
Baromètre de gouvernance ESG - KPMG France
La nouvelle directive CSRD, tout savoir pour mieux s'y préparer | AMF
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