Bilan carbone : Réduire son empreinte en augmentant son impact sur sa filière grâce au scope 3

Destiné à quantifier les émissions de gaz à effet de serre pour, à terme, les réduire, le bilan carbone s’impose auprès de plus en plus d’entreprises désireuses de s’inscrire dans une activité plus vertueuse. Retour de deux sociétés qui ont sauté le pas grâce au Diag Décarbon’Action de Bpifrance. 

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Né en 2002, le Bilan Carbone est un outil de diagnostic conçu par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour analyser les émissions (directes et indirectes) de gaz à effet de serre (GES) des particuliers, des entreprises, des collectivités ou encore des administrations. Obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés depuis la loi Grenelle 2 en 2012, il ne concernait que les émissions directes (scope 1) et les émissions indirectes liées à la consommation d'énergie (scope 2). Or, depuis le 1er janvier 2023 et l’entrée en vigueur du décret BEGES, ces mêmes structures doivent désormais inclure dans leur bilan le scope 3. Ce troisième et dernier niveau d'émissions de gaz établi dans le GHG Protocol (Green House Gas Protocol) concerne les émissions indirectes significatives découlant des opérations et activités d’une structure. 

Un paramètre additionnel de taille pour certains secteurs puisque ces émissions peuvent représenter jusqu’à 75% des émissions de gaz à effet de serre d'une entreprise. « Cela peut changer foncièrement la donne pour les sociétés du tertiaire, note Eric Beyma, Expert référent Climat chez Bpifrance. Contrairement aux industriels, dont l’essentiel de l’empreinte carbone est directement lié à l’activité, ce secteur peut sembler avoir un impact bien moindre, alors qu’il est loin d’être nul. »  

Si les plus petites entreprises ne sont pas tenues de faire un bilan de leurs émissions de GES, beaucoup en prennent néanmoins l’initiative dans le cadre d’une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et pour prendre part à la transition vers une neutralité carbone. C’est notamment le cas de Sogedi, société de médiation financière et d'enquête civile, et du Groupe Foodiz, spécialisé dans la fabrication de plats préparés. Tous deux ont opté pour le Diag Décarbon’Action de Bpifrance en vue de quantifier leurs émissions et mettre en place un plan d’action. 

Une collecte de données complète pour mesurer le scope 3 

Pour Sogedi, qui a réalisé son diagnostic l’année dernière, ce bilan découlait d’un besoin de formalisation de la démarche RSE de l’entreprise mais répondait aussi aux attentes de ses clients. Comme l’explique Estelle Kerdranvat, chargée de Marketing et de Communication à la tête du projet Diag Décarbon'Action, la société nantaise, en tant que PME de service, avait du mal à mesurer son impact environnemental. Accompagnés par le bureau d’études SYKAR Environnement, les collaborateurs ont dû réunir et fournir un nombre important de données. « Nous avons été très surpris par la quantité et la nature des paramètres à prendre en compte pour calculer ce scope 3 et notre bilan plus globalement », précise la chargée du projet, qui se félicite d’avoir été épaulée par un expert.  

Chez Foodiz, cette assistance a également été appréciée, comme l’explique la direction. « Notre expert a sensibilisé les équipes sur l’importance de mener un bilan GES. Il nous a ensuite partagé une liste assez exhaustive des données dont il avait besoin pour quantifier nos émissions et nous avons établi ensemble un planning prévisionnel. » Réunir ces informations auprès des différents services a demandé aux deux entreprises environ deux mois de travail.  

« Il s’agit de l’étape la plus importante mais aussi la plus difficile et chronophage, réagit Éric Beyma. Pour l’entreprise, c’est un véritable investissement en ressources car il faut au moins une personne en interne pour piloter le projet et recueillir toutes les données. » Il s’agit aussi d’une phase intéressante de réflexion sur son impact, la collecte l’obligeant à chercher des informations auxquelles, en temps normal, elle ne se serait pas intéressée. 

Calculs et plan d’action de réduction des émissions 

Une fois les données collectées, le bureau d’études les multiplie par les facteurs d’émissions, définis par l’ADEME, leur correspondant. Le résultat, qui tient compte de l’ensemble des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d’azote) et de leur potentiel de réchauffement global (PRG) sera exprimé en équivalent CO2 (kgCO2eq) – indice introduit par le GIEC. À partir de là, les experts font apparaître les principaux postes d’émissions et co-construisent, avec l’entreprise, un plan d’action. « Après la phase de restitution, la discussion stratégique avec la société va permettre de cibler les priorités et de proposer des mesures concrètes et des objectifs réalistes », précise l’expert référent Climat chez Bpifrance.  

Conforté par ses résultats pour 2021, déjà en baisse comparés à 2019 (- 8 %) grâce, notamment, à une politique de télétravail maintenue après la pandémie, Sogedi a ainsi décidé de continuer sur sa lancée de sobriété énergétique. « Comme nous sommes situés dans une zone industrielle non-desservie par les transports en commun, le déplacement des collaborateurs au quotidien représentait un poste d’émissions important », analyse Estelle Kerdranvat. Installation de bornes électriques, remplacement du véhicule commercial pour un hybride rechargeable, nettoyage régulier des boîtes mails, structuration de notre politique d’achat et contrats d'électricité verte… La PME nantaise prévoit une batterie de mesures complémentaires afin de réduire de 12,5 % ses émissions de GES d’ici 2026. « C’est une date très proche mais nous sommes confiants », assure-t-elle. 

Chez Foodiz, les actions à mener ont rapidement été mises en route. « Notre bilan a révélé que notre système de froid à fluide frigorigène R-449A représentait une part importante de nos émissions, indique la direction. Nous sommes donc en train de changer pour un système sans hydrofluorocarbures (HFC), ce qui nous permettrait de réduire de 7 % nos émissions de GES. » L’entreprise travaille par ailleurs sur son taux de perte des produits alimentaires et a déjà réussi à faire baisser son taux de déchets de 5 à 3 %. Elle prévoit également une sensibilisation à l'éco-conduite ou le changement de son système de flotte afin de réduire la consommation de gasoil de son parc de camions.  

S’interroger sur son business model et sa filière 

L’intégration du scope 3 dans la compatibilité carbone implique non seulement du temps, mais aussi de la transparence et de la bonne foi de la part d’une entreprise. « Il est facile de se dire qu’on n’intègre pas telle ou telle donnée car elle n’est pas de notre fait, constate Eric Beyma. C’est un exercice d'introspection au cours duquel on essaie d’être honnête en comprenant que pour que son activité ait lieu, il y en a d’autres en amont et en aval qui ont, elles aussi, un impact. » De l’usine qui fabrique la matière première utilisée à l’essence que le consommateur du produit va mettre dans sa voiture pour venir l’acheter en magasin, ou même à la fin de vie de ce fameux produit, la chaîne s’avère effectivement complexe. 

Pour l’expert de Bpifrance, un bilan carbone représente une belle opportunité de remettre en question son activité et son business model. Mieux encore, il incite à pousser au changement toute sa filière en cherchant à réduire les émissions de GES sur l’ensemble de la chaîne et chez tous les acteurs. La décarbonation d’un métallurgiste aura, par exemple, un impact immense sur les émissions indirectes des entreprises qui emploient et transforment ensuite ses métaux. La dynamique doit être collective mais chacun peut agir à son échelle. Chez Sogedi, les équipes en sont intimement convaincues : « On ne peut plus aujourd’hui ignorer l’urgence climatique, estime Estelle Kerdranvat. Cette démarche encourage chacun à se positionner. En ce qui nous concerne, cela nous a permis de prendre conscience des enjeux et des actions possibles, à notre échelle, pour nous améliorer sur le long terme. » Si l’entreprise n’impose aucune exigence en matière d’empreinte carbone à ses sous-traitants, elle partage volontiers son expérience avec ses clients pour les y sensibiliser.  

« Il ne faut surtout pas prendre ça comme un exercice de calcul scolaire et espérer être meilleur que le voisin, conclut Eric Beyma, Expert référent Climat chez Bpifrance. Le vrai but, c'est essayer d'être meilleur vis-à-vis de soi-même, de rentrer dans une démarche d'amélioration continue en examinant son entreprise, son activité, ses flux avec un regard nouveau. » Le bilan carbone, un nouveau départ plus qu'une fin en soi.   

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