Investissement à impact social : de quoi parle-t-on ?

Les investisseurs, y compris les plus conventionnels, montrent un intérêt croissant pour l'incorporation de critères sociaux et environnementaux dans leurs opérations financières. Cette tendance a donné naissance aux concepts émergents d'investissement et de fonds à impact. Bien que largement employés pour décrire des investisseurs cherchant à générer un impact positif, leurs périmètres d'action, ce qu’ils impliquent et leurs définitions sont encore à spécifier.  

Qu'est-ce que l'Impact Investing ? 

Les investissements à impact social représentent une approche financière novatrice qui vise à concilier rentabilité et contribution positive à la société. Ce concept émergeant se focalise sur la génération d'effets bénéfiques mesurables dans des domaines tels que l'environnement, l'éducation ou la santé, tout en offrant des opportunités de croissance économique. 

Impact Investing : définitions et principes 

Selon la définition du Global Impact Investing Network (GIIN), l'Impact Investing ou investissement à impact correspond à des investissements réalisés dans les entreprises, les organisations ou les fonds afin de générer un « impact social et environnemental positif et mesurable tout en garantissant un rendement financier ».  On qualifie d'investissement à impact toute utilisation d’outils financiers qui répond aux critères suivants : 

• Intentionnalité : une démarche explicite visant à générer un impact social ou environnemental positif  

• Additionnalité : l'engagement et la contribution (qu'ils soient financiers ou extra-financiers) de l'investisseur permettant à l'entreprise bénéficiaire des fonds d'optimiser son impact social ou environnemental  

• Mesurabilité : la mesure de l'Impact Investing repose sur la définition d'objectifs sociaux ou environnementaux, le suivi des résultats, ainsi qu'un processus d'évaluation continu. 

En règle générale, les investissements à impact se concrétisent par des placements à moyen ou long terme. 

Avec 58 % des actifs mondiaux gérés par les États-Unis et le Canada, selon le rapport du GIIN (Sizing the Impact Investing Market en 2019), le secteur est aujourd’hui davantage présent sur le continent nord-américain. Pourtant, la finance durable s’impose de plus en plus au sein des marchés européens, notamment en France où le contexte est de plus en plus favorable au développement de l’investissement à impact. 

L’investissement à impact en Europe et en France : quelques chiffres 

Selon le Panorama 2023 de la Finance à Impact, 66 acteurs composent le paysage français de la finance à impact dont la quasi-totalité (47 %) sont des gestionnaires de fonds à impact. 30 % sont des sociétés de gestion généralistes. Plus en détails, voici comment les investissements sont repartis :  

• Véhicules gérés : en finance, un véhicule représente généralement un fonds préexistant conçu pour effectuer des investissements. L'investisseur sélectionne le véhicule qui correspond le mieux à ses exigences. Il s'agit souvent d'une entité juridique spécifique, créée sur mesure pour réaliser un arrangement financier particulier et n'ayant d'autre vocation que celle-ci. En 2022, les acteurs français de la finance à impact ont géré 153 véhicules d'investissement à impact, englobant des fonds et des programmes. 

• Actifs sous gestion : le marché français de la finance à impact valait 14,8 milliards d'euros en 2022. Il devrait croître de 21 % pour atteindre 17,9 milliards d'euros l'année suivante. 

• Capital investi : en 2022, le capital investi s'est élevé à 11,7 milliards d'euros, soutenant environ 9 000 organisations à impact social ou environnemental. Une croissance de 16 % est prévue pour l'année suivante, portant le capital investi à plus de 13,5 milliards d'euros et le nombre d'organisations soutenues à environ 10 800. 

• Nouveaux investissements : les investissements réalisés en 2022 ont totalisé 1,4 milliard d'euros, soutenant environ 2 280 organisations. Pour 2023, une prévision de 2,2 milliards d'euros d'investissement est annoncée, permettant de financer environ 3 270 organisations. 

ESG, SRI, ISR et investissement à impact : quelles différences ?  

Tous ces termes sont liés à des approches d'investissement responsables, chacun avec ses propres nuances. Les investissements socialement responsables, désignés par les acronymes ISR ou SRI en anglais, s'alignent sur des critères environnementaux et sociaux. Il y a 10 ans déjà, l'Association française de la gestion financière (AFG) et le Forum pour l'investissement responsable (FIR) en établissaient une définition précise. Il s'agit selon ces entités, d'un placement qui vise à concilier rendement financier et impact social et environnemental, en finançant des entreprises et des entités publiques contribuant au développement durable, quel que soit leur domaine d'activité. En influençant la gouvernance et les comportements des acteurs, l'ISR favorise une économie responsable. 

D'autre part, une tendance croissante concerne les investissements ESG, se concentrant sur les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance. Cette approche implique d'investir dans des actions ou des obligations d'entreprises qui respectent des normes spécifiques liées à l'environnement, au social et à la gouvernance. En d'autres termes, l'investissement ESG dépasse l'évaluation des seuls critères financiers classiques tels que le rendement, en considérant également le comportement et les actions des acteurs économiques avant toute décision d'investissement. 

Alors que l'ESG et le SRI intègrent des considérations éthiques et sociales dans les décisions d'investissement, l'investissement à impact se distingue en visant des résultats concrets et mesurables en termes de bénéfices sociaux ou environnementaux. 

Pourquoi l'investissement à impact est-il important ? 

L'investissement à impact revêt une importance capitale de nos jours, puisqu’il représente bien plus qu'une simple stratégie financière. En concentrant les ressources financières sur des entreprises et des projets qui génèrent un impact social ou environnemental positif, il constitue un levier puissant pour résoudre des défis pressants tels que la pauvreté, les inégalités, et les problèmes environnementaux. Cette approche aligne les aspirations éthiques des investisseurs avec leurs objectifs financiers, offrant ainsi une manière concrète d'investir en accord avec ses valeurs. De plus, l'investissement à impact stimule l'innovation en encourageant le développement de solutions novatrices, tout en contribuant à créer des entreprises plus résilientes et viables financièrement. En mettant l'accent sur la responsabilité, la transparence et la création de valeur à long terme, l’investissement à impact incarne un changement majeur dans la façon dont nous percevons et utilisons le pouvoir de l'argent pour façonner un monde meilleur. Pour cela, les investisseurs peuvent compter sur pléthore d’outils et de leviers.  

Quels sont les différents outils de l’Impact Investing ? 

L'Impact Investing dispose d'une grande diversité d'outils pour canaliser les fonds vers des initiatives à fort impact social et environnemental. Parmi ces outils, on retrouve : 

• Private equity : le capital investissement en français. Il concerne les entreprises non cotées en bourse, offrant des possibilités de croissance et d'innovation dans des secteurs à fort potentiel d'impact positif. 

• Public equity : il s'agit de la mise à disposition des parts d'une entreprise déjà cotée en bourse qui intègrent des critères ESG (Environnementaux, Sociaux, de Gouvernance), les rendant ainsi accessibles à de potentiels investisseurs, favorisant ainsi des pratiques responsables. 

• Obligations vertes : Elles prennent la forme d’emprunts émis sur le marché financier par une entreprise ou une entité publique, destinés à lever des fonds auprès des investisseurs en vue de financer des projets qui favorisent la transition écologique. Ces projets incluent notamment les initiatives liées aux énergies renouvelables, à l'efficacité énergétique, à la gestion durable des déchets et de l'eau, à l'utilisation responsable des terres, au transport écologique et à l'adaptation aux changements climatiques, principalement dans le domaine des infrastructures.  

• Obligations à impact social : Similaires aux obligations vertes, ces obligations financent des projets à impact social définis, comme l'accès à l'éducation, aux soins de santé, ou encore à des logements abordables. 

• Investissements immobiliers : Ils portent sur des biens immobiliers éco-responsables ou des projets de développement urbain durables, contribuant à favoriser une vie en société dans un cadre viable du point de vue environnemental. 

Il existe d’autres investissements à impact social et environnemental dont les fonds sont spécifiques à des thématiques (par exemple, l'eau, l'éducation), les prêts à impact, les fonds communs de placement à impact, et d'autres produits financiers adaptés à des objectifs spécifiques de changement social ou liés au climat.  

L’investissement à impact : pour et par qui ? 

L'investissement à impact se destine à une vaste gamme d'acteurs, attirant aussi bien les investisseurs institutionnels que les investisseurs individuels soucieux d'aligner leurs placements avec des valeurs éthiques. Les entreprises, qu'elles cherchent à lever des fonds pour des projets à impact social ou environnemental ou à intégrer ces critères dans leur stratégie d'investissement, sont également impliquées. Quant aux forces motrices de cette tendance, elles proviennent de diverses entités : fonds d'investissement spécialisés d’une part, et organismes philanthropiques désireux d'allier rentabilité financière et progrès social et environnemental, d’autre part. Cette diversité d'acteurs et de moteurs démontre l'essor d'une approche de l’investissement plus responsable et engagée envers le bien-être collectif sur tous ses pans.  

Les structures financées par les investisseurs à impact 

Les structures financées par les investisseurs à impact peuvent aussi bien être des entreprises sociales que des projets d’infrastructures durables. Les organisations à but lucratif comme les ONG qui intègrent des objectifs sociaux ou environnementaux au cœur de leur modèle économique, en cherchant à résoudre des problèmes tels que l'accès à l'éducation, aux soins de santé ou à des services essentiels, sont dans la liste des bénéficiaires. Des initiatives visant à développer des infrastructures respectueuses de l'environnement, comme les énergies renouvelables, les transports verts ou les solutions de gestion des déchets, peuvent également compter sur les différents investisseurs consciencieux de construire un monde plus durable. Sur des périmètres plus précis, des Fonds d'aide et de développement communautaire apportent un soutien financier et social à des zones économiquement défavorisées, faisant la part belle à l'autonomie économique, l'éducation et à l'inclusion sociale. 

Les acteurs de l’Impact Investing en France  

Plus concrètement, la France compte de nombreux acteurs dans l’investissement à impact. Parmi eux :  

• La Nef : une coopérative de finances solidaires proposant des solutions d'épargne et de crédit orientées vers des projets sociaux, culturels et environnementaux. 

• La Fondation RAISESHERPAS : cette fondation soutient des start-ups à fort impact social en leur offrant un accompagnement financier et opérationnel. 

• Bpifrance : la banque publique d'investissement, qui intègre des critères ESG dans ses décisions d'investissement et soutient les entreprises innovantes à impact.

• Investir&+, Groupe MACIF : une plateforme d'investissement solidaire permettant aux particuliers d'investir dans des projets à impact social et environnemental. 

• France Active : un réseau d'associations qui accompagne financièrement et techniquement les structures de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS). 

• Les fonds de capital-risque orientés impact : Alter Equity, Citizen Capital, ou encore Quadia, qui investissent dans des start-ups et des entreprises à fort potentiel d'impact social ou environnemental. 

Comment mesurer l'Impact Investing ? 

Mesurer l'Impact Investing implique l'évaluation des retombées sociales et environnementales générées par les investissements. Cela se fait via des indicateurs spécifiques, comme ceux de performance sociale (nombre de personnes bénéficiant d'un programme etc.) ou les indicateurs environnementaux (empreinte carbone réduite, augmentation de la biodiversité, etc.). Des cadres de référence tels que les Principes pour l'Investissement Responsable de l'ONU ou les normes de rapportage comme le Global Reporting Initiative (GRI) permettent de guider cette évaluation. Les données recueillies sont utilisées pour évaluer l'efficacité des investissements à impact, identifier les domaines d'amélioration et assurer la transparence envers les parties prenantes. Cette mesure de l'impact permet aux investisseurs de mieux comprendre les retombées tangibles de leurs investissements, favorisant ainsi une prise de décision plus éclairée et une optimisation de l'impact social et environnemental. 

Startups/Entreprises : comment se lancer dans l'Impact Investing ? 

Se lancer dans l'Impact Investing en tant que startup ou entreprise implique d'abord de définir des objectifs clairs en matière d'impact social ou environnemental, alignés avec la mission de l'entreprise. Ensuite, il est essentiel de rechercher des opportunités d'investissement qui correspondent à ces objectifs, que ce soit à travers des fonds dédiés, des partenariats avec des entreprises sociales ou en intégrant des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans les décisions d'investissement. Le suivi et la mesure de l'impact généré sont également fondamentaux pour évaluer la réussite de ces investissements axés sur l'impact. 

Quels sont les enjeux de l’investissement à impact ? 

L'investissement à impact représente une réponse aux enjeux sociaux et environnementaux urgents de notre époque, en alignant les valeurs éthiques avec les décisions financières. Il encourage l'innovation, la transparence et la responsabilité tout en visant une durabilité financière à long terme. Il s’inscrit aussi dans les objectifs gouvernementaux français de réindustrialiser le pays.  

Seulement, la concurrence n’est jamais bien loin. Avec des subventions attractives portées par la loi IRA pour les investisseurs (Inflation Reduction Act), certains grands industriels prennent le large. En effet, les coûts énergétiques avantageux proposés par le Plan Biden ont su attirer les actifs européens outre-Atlantique, particulièrement dans les secteurs liés aux énergies vertes. Globalement, en favorisant des solutions novatrices, une inclusion accrue et des pratiques commerciales plus responsables, les politiques européennes et internationales contribuent tout de même à façonner un avenir plus durable et équitable.