Disquaire Day : de directeur du digital chez Philips à disquaire à Biarritz, la folle reconversion de Mathieu Parisot

Tel le phœnix qui renaît de ses cendres, le vinyle est revenu en force dans l’industrie musicale à l’orée des années 2010. À l’occasion du Disquaire Day 2024, Big média a pris la direction Biarritz pour parler de cette tendance avec Mathieu Parisot, le fondateur d’Aberdeen Records.

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Mathieu Parisot, fondateur d’Aberdeen Records à Biarritz
Mathieu Parisot, fondateur d’Aberdeen Records à Biarritz (crédit photo : Antoine Fouchard)

Quelle est la première chose qui vous vient en tête à l’évocation de Biarritz ? On ne va pas se mentir, le surf, les tapas ou le casino, mais pas nécessairement le vinyle. Pourtant la petite ville de 25 000 habitants compte un disquaire atypique en la personne de Mathieu Parisot, entrepreneur de la première heure et fondateur du désormais célèbre Aberdeen Records. À l’occasion du Disquaire Day 2024, qui aura lieu ce samedi 20 avril, nous sommes donc allés à la rencontre de celui qui dispose de la meilleure planque à vinyles du Pays basque. 

Mathieu Parisot, la passion du vinyle comme moteur 

Chiner, collectionner, « digger ». Trois verbes fortement associés aux passionnés de musique. Dans le cas de Mathieu Parisot, l’histoire débute tôt, à l’âge de dix ans, époque à laquelle il commence à collectionner ses premières galettes. « Les vinyles originaux de ma collection personnelle ont été achetés lorsqu’ils sont sortis », clame-t-il d’entrée. « Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant le vinyle en tant qu’objet, mais plutôt sa fonction, le rapport charnel que tu as avec la musique en l’écoutant. » Sans perdre de vue qu’acquérir un support musical, c’est aussi (et surtout) contribuer à la carrière d’un artiste. « Acheter le vinyle d’un groupe que tu aimes lui permettra potentiellement d’en faire un nouveau, puis un autre », abonde le disquaire biarrot. 

Le retour en force du vinyle depuis bientôt quinze ans, Mathieu Parisot l’explique assez facilement. « C’est avant tout pour le rapport à l’objet, l’envie de posséder quelque chose de l’artiste qu’on apprécie. » Avant d’ajouter : « Le vinyle te donne également un cadre. Tu es obligé de l’écouter du début à la fin, à l’inverse des plateformes de streaming par exemple sur lesquelles tu vas picorer des morceaux à droite et à gauche. » Car le format album perdure, quoiqu’il arrive. « Lorsqu’un artiste s’adresse à la jeune génération en 2024, c’est peut-être davantage via un titre, mais derrière il y a toujours un album qui t’immerge dans un univers. » 

L’entrepreneuriat, une évidence : de l'ouverture d'un magasin à la vente de vinyles

Pourtant, de sa passion, le fondateur d’Aberdeen Records va mettre du temps à en faire son métier. « Plus jeune, je ne sais pas vraiment pourquoi, j’ai toujours dissocié musique et métier », confie-t-il. S’il enchaîne les concerts et se tient au courant de l’actualité musicale, notamment par la lecture de nombreux magazines spécialisés, Mathieu Parisot s’oriente vers une formation en marketing digital. Après avoir fait l’ESSEC à Cergy, le Parisien travaille tour à tour chez Philips et Parrot mais avec cette once de créativité propre à sa future profession : « Je cherchais quoiqu’il arrive à valoriser le contenu pour raconter de belles histoires », raconte le biarrot d’adoption. 

Ce sont ses envies d’ailleurs et sa soif d’entreprendre qui vont définitivement faire basculer sa vie. En 2016, il décide de partir s’installer dans le Pays basque avec sa compagne et d’y ouvrir un magasin en franchise de l’enseigne de meubles design BoConcept. « J’ai toujours eu la fibre entrepreneuriale et, finalement, c’est en partant loin de chez moi et en ouvrant ce premier magasin que je me suis dit que c’est ce que j’avais toujours eu envie de faire », ajoute le disquaire. Une séparation, une revente de boutique et des questions plein la tête. En 2021, Mathieu Parisot prend une décision : il se consacrera à plein temps à sa passion pour la musique. Pour nous expliquer sa démarche, il en vient à citer du Pablo Picasso : « On est que ce que l’on garde. » Le film de sa vie finalement, ce sont les milliers de vinyles qu’il collectionne depuis près de 40 ans. 

Mathieu Parisot dans son shop Aberdeen Records à Biarritz

Crédit photo : Antoine Fouchard

Un disquaire atypique  

L’entrepreneuriat, c’est prendre des décisions. Et en ce sens, on peut dire que Mathieu Parisot est un patron dans l’âme. « Je fais des choix. Je suis toujours l’actualité musicale car c’est mon moteur, mais j’essaye de m’en libérer car je ne peux décemment pas tout couvrir », concède-t-il. Son crédo, c’est de mettre en avant ce qui lui plait et qui peut toucher les gens qui le suivent. « J’ai un site mais la plupart de mes ventes, je les réalise via Instagram. Les gens m’envoient des DM et me demandent de leur mettre tel ou tel vinyle de côté », se réjouit le boss d’Aberdeen Records. 

Autre particularité : lorsqu’il apprécie un artiste, Mathieu Parisot se procure, pour son shop, tout ce que ce dernier a pu produire. « Il y a des choses qu’on va moins aimer que d’autres effectivement, mais c’est ma démarche. » Si la surface de son magasin n’est que de 30 m2, il dispose d’environ 4 000 références. Il concède être un peu à l’étroit au 13 rue Gambetta et aimerait dénicher un local plus grand à l’avenir, mais son emplacement à quelques encablures des Halles est des plus stratégiques. « Ma clientèle est éclectique, cela va des ados qui achètent du Taylor Swift aux aficionados de la première heure. Mais j’essaye de dialoguer avec chacun pour qu’ils se sentent bien ici. Qu’ils achètent ou pas, ce n’est pas le plus important, c’est la passion qui compte. » 

La nécessité du Disquaire Day 

Si l’homme aux manettes d’Aberdeen Records est à l’affut de la nouveauté, c’est avant tout de celle qui repousse les frontières et apporte de nouvelles choses à la musique. Mais ne comptez pas sur lui pour vous prendre de haut du fait de sa culture sur le sujet. « Le côté snob du disquaire, je déteste. J’aime quand les gens m’apprennent des choses, me font découvrir de nouveaux artistes, c’est excitant d’en apprendre tous les jours. C’est en cela que je vénère mon métier. » Le Disquaire Day qui se profile est clairement une superbe opportunité, selon Mathieu Parisot, pour que les gens découvrent de nouveaux courants musicaux ou artistes. « Et puis clairement, on n’a jamais fait de meilleur événement pour faire venir du monde en magasin. J’ai d’ailleurs ouvert mon shop l’année passée à l’occasion du Disquaire Day », glisse-t-il. 

Si après avoir lu cet article, l’envie vous prend de pousser la porte d’Aberdeen Records pour y dénicher une pépite, pensez bien à ne jamais évoquer le terme de « guilty pleasure » à Mathieu Parisot. « Je hais ce concept, clairement ! Se replonger dans des émotions sur un morceau que l’on a aimé lorsqu’on était plus jeune, il n’y a rien de plus beau. » Qui lui donnera tort ? 

Simon NAPIERALA

Simon Napierala

Redacteur web