Luna, une solution de diagnostic et prise en charge de l’endométriose

Comment raccourcir le délai de diagnostic de l’endométriose et améliorer l’accompagnement des personnes qui en souffrent ? Luna souhaite porter ces questions auprès des patientes concernées, mais aussi du grand public, pour affiner la compréhension de cette maladie et participer à une amélioration globale de la prise en charge de la santé des femmes. 

Inès Ben Amor et le Dr Jean-Philippe Estrade, fondateurs de Luna
Inès Ben Amor et le Dr Jean-Philippe Estrade, fondateurs de Luna

2 millions de femmes françaises, soit une personne sur dix, sont atteintes d’endométriose. Mais qu’est-ce que cette maladie au juste ? L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire chronique, qui se définit par la présence d’endomètre (un tissu semblable à la muqueuse utérine) hors de l’utérus et qui peut toucher plusieurs organes. Une pathologie complexe, en partie parce que les symptômes varient. La plupart du temps, il s’agit de douleurs chroniques, aiguës, parfois insupportables, et qui peuvent être accompagnées de douleurs pelviennes, de nausées et de fatigue. Et dans certains cas, de dépression, d’angoisse et d’infertilité.

Une situation qui peut aboutir à une hystérectomie, une ablation de l’utérus. C’est ce que raconte la chanteuse Lorie Pester, atteinte d’endométriose depuis plus de 10 ans, dans son livre « Revivre », publié aux édition Robert Laffont le 21 mars 2024. Elle y raconte son combat face à la maladie, la façon dont la douleur est arrivée petit à petit et son quotidien de souffrances, jusqu’à sa décision de recourir à une ablation de l’utérus.

 

Femtech : des technologies pour diagnostiquer et détecter l’endométriose  

Pendant longtemps, la situation des personnes atteintes d’endométriose stagnait au prétexte que « c’est une maladie qu’on ne peut pas soigner». Mais pas à pas la recherche avance, la prise en charge s’améliore et le diagnostic peut se faire de plus en plus tôt, notamment grâce aux femtechs telles que Luna. Cette startup à impact, qui propose un service permettant de faciliter l’accès aux professionnels de santé spécialisés, a été créée à la suite de 15 ans de recherche et une étude clinique sur 2 500 patientes menée à l’hôpital Cochin, à Paris. De ces travaux ont abouti « un algorithme permettant de prédire un score de risque de développer une endométriose fiable à hauteur de 89% », selon sa co-fondatrice et CEO, et vice-présidente de la French tech Aix-Marseille, Inès Ben Amor, que Big média a rencontrée.

 

L’endométriose : pourquoi le diagnostic est-il compliqué ?

Si la recherche sur cette maladie avance, le diagnostic de l’endométriose est encore, à l’heure actuelle, complexe : selon Inès Ben Amor, pour 70% des femmes concernées il faut 5 médecins différents et un délai de 7 à 15 ans, entre la première consultation et le diagnostic, qui se fait grâce à un examen d’imagerie.  

Au-delà de la complexité de la maladie, quelles sont les causes de ces délais ? Pour la co-fondatrice de Luna, plusieurs facteurs permettent de comprendre cette situation, le premier étant d’origine culturelle. « En tant que femmes, on nous a toujours dit que c’était normal d’avoir mal au ventre au moment des règles », expose-t-elle. Selon elle, cette normalisation de la douleur s’accompagne d’une intériorisation de potentiels symptômes, qui freine leur prise en considération. Le manque de formation des professionnels de santé est aussi pointé du doigt par la co-fondatrice. « Très peu sont aujourd’hui formés sur le sujet de l’endométriose, cela ne fait que quelques années qu’elle est étudiée par la médecine de manière conséquente, auparavant cette maladie était assez négligée voire ignorée. Certaines femmes peuvent aller voir un professionnel qui va faire les bons examens, mais n’est pas qualifié et donc ne va rien voir du tout », poursuit la CEO, qui estime qu’il faudra encore une dizaine d’années avant de voir sortir d’études un bon nombre de personnes qualifiées pour diagnostiquer correctement l’endométriose.

La santé des femmes, une problématique sociale autant que de santé ? Le cas de l’endométriose paraît révélateur d’une problématique elle aussi complexe, celle d’une méconnaissance des personnes tant de leur corps que de leur santé globale, et notamment chez les femmes. Entre ne pas avoir de réponse quand on souffre, le fait que son généraliste ou son gynécologue puisse donner une fausse piste, l’habitude de ne pas exprimer les douleurs ni de savoir comment son corps fonctionne, il en résulte une maladie difficile à diagnostiquer. Mais aussi, d’une prise en considération trop récente de ces maladies qui touchent exclusivement les femmes : « C’est assez incroyable, la santé des femmes, on fait face à une méconnaissance, voire à un désintérêt. Les premières publications de recherches scientifiques à ce sujet datent d’une trentaine d’année alors que les publications de scientifiques de recherches en santé en général sont bien plus anciennes. Les mentalités doivent aussi changer pour un meilleur équilibre » s’indigne Inès Ben Amor. Une situation qu’elle s’applique à changer avec Luna.

 

La prise en charge de l’endométriose avec Luna : plus qu’une application, un parcours de soins

Réduire les délais permettant de constater la maladie, c’est la vocation première de Luna. « Le dispositif permet de poser un diagnostic en seulement quelques semaines », présente sa co-fondatrice. Et ce, à travers une application, Luna For Health. Après l’avoir téléchargée, la patiente suit cinq étapes qui mêlent notamment questionnaire médical, proposition de téléconsultation et mise en relation avec un professionnel de santé. « La souffrance est déjà par définition pénible à endurer, Luna permet que le reste soit notre job à nous », affirme l’entrepreneure.

Plus qu’une application permettant de réduire le délai de diagnostic de l’endométriose, « Luna, c’est aussi un parcours phygital optimisé aussi bien pour les patientes que pour les professionnels de santé, les réseaux de soins ou encore les centres des dépistage physiques. C’est un vrai environnement que nous sommes en train de créer. Nous voulons aller plus loin qu’un simple diagnostic, qui est déjà assez fou dans la vie des femmes après des années de douleurs et d’incompréhension », expose la CEO. Chaque patiente, via la plateforme, a la possibilité de donner un maximum d’informations, précises et scientifiques, sur ses symptômes ainsi que sur ses traitements au jour le jour, et de les transmettre sous forme de synthèse la veille de chaque consultation. Une démarche d’autant plus importante que « chaque patiente a sa propre endométriose et qu’il y a un gros enjeu de collecte de données pour faire avancer la recherche », selon Inès Ben Amor. La data récoltée nourrit en effet les algorithmes de machine learning de l’application, et sont une aide à la décision précieuse pour le médecin ayant accès au bilan de santé complet, personnalisé, et qui sera nécessairement mieux aiguillé sur le traitement à prescrire et améliorer les parcours de soin. « L’intelligence artificielle est là pour aider à la prise à la décision lorsque le nombre de paramètres est trop important pour qu’un cerveau humain à lui seul puisse déterminer la meilleure issue », précise-t-elle.

Miser sur la digitalisation pour simplifier le parcours de soin et récolter de précieuses données issues de la vie réelle pour les utiliser à bon escient, c’est le souhait de la vice-présidente de la French Tech Aix-Marseille. Pour elle, la technologie est un « super-pouvoir incroyable dont on dispose, et dont il faut se servir, surtout dans un secteur comme la santé qui peut avoir un impact considérable sur l’humanité ».

 

Comment former et éduquer à l’endométriose ?

Pour l’entrepreneure, des solutions existent pour continuer de faire évoluer les mentalités, à la fois du personnel de santé et du grand public. Pour ces derniers cela résiderait dans des temps dédiés à la compréhension de notre corps et de notre santé. « Depuis que je suis sur le projet Luna, j’apprends des choses sur mon corps et ma santé, et je me rends compte que j’ignore des choses pourtant assez basiques. Et quand j’en parle autour de moi je me rends compte que tout le monde les ignore aussi. On connaît très peu le fonctionnement de notre corps », confie la co-fondatrice, qui insiste sur le fait que dans le cas de l’endométriose, il y a un vrai intérêt à ce que le diagnostic soit posé tôt pour un meilleur accompagnement, sans lequel les lésions peuvent mener jusqu’à l’infertilité.

Et pour les professionnels de santé ? Selon Inès Ben Amor, qui propose des formations sur l’endométriose aux sages-femmes, l’effort de formation serait, d’une part, à faire évidemment sur cette maladie, mais aussi plus globalement sur toutes les maladies gynécologiques chroniques. Mais aussi d’autre part, à former les professionnels de santé à la tech et à l’innovation pour favoriser la synergie et l’émergence d’innovations à impact. Elle témoigne de la rencontre avec son associé : « J’ai un background tech, ingé, mon associé en a un en médecine, il est expert en endométriose, j’ai 25 ans, il en a 50. On est issus de deux mondes, on aurait pu ne jamais se croiser. Luna existe parce qu’on s’est rencontrés par le plus grand des hasards. Mais si on faisait encore plus collaborer la tech et la médecine, ça pourrait favoriser ce type d’idée essentielles à la santé, inciter les professionnels de santé à se lancer dans l’entrepreneuriat, ça pourrait tout changer ».  

Jean baptiste Ganga
Jean Baptiste GANGA Rédacteur web