Permettre aux femmes de mieux appréhender la ménopause : le défi d’Omena

Omena, c’est l’application mobile qui aide les femmes en période de ménopause à mieux comprendre leur corps et les bouleversements qu’il traverse. Un projet humain et plein d’ambition que nous raconte Hahyeon Park, directrice produit et co-fondatrice de cette femtech.

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Jane Douat (à gauche), Hahyeon Park (au centre) et Mathilde Nême (à droite)

« Oui la ménopause annonce la fin de la fertilité, mais ça ne veut pas pour autant dire que votre vie de femme est derrière vous. Vous ne vous résumez pas à votre fertilité ! » Le message est clair. Du haut de ses 29 ans, Hahyeon Park, directrice produit et co-fondatrice de la femtech Omena, en est persuadée : il faut donner matière aux Français à porter un regard plus objectif sur la ménopause.  

Médias comme séries ont pris pour habitude de dépeindre la femme ménopausée comme une dame d’âge mûr, flirtant davantage avec les 65 ans qu’avec les 45. Pourtant, la réalité est tout autre si l’on en croit les co-fondatrices d’Omena, une application mobile entièrement dédiée au bien-être des femmes qui traversent la ménopause. « En France, la moyenne d’âge se situe aux alentours de 51 ans, et la périménopause, qui est la période qui précède la ménopause pendant 4-5 ans, arrive quant à elle aux alentours de 45 ans ». On est effectivement bien loin de l’image de la sexagénaire s’apitoyant sur ses bouffées de chaleur autour d’une partie de bridge.  

Omena pour mieux informer sur la ménopause et ses symptômes 

Et c’est justement pour endiguer définitivement cet a priori que Jane Douat, Hahyeon Park et Mathilde Nême (toutes trois issues du même master X-HEC Entrepreneurs) ont décidé de créer une entreprise axée sur la ménopause. « En balayant tous les projets liés à la santé féminine, on a trouvé pas mal de solutions dédiées à la détection ou à la prévention de l’endométriose, des entreprises spécialisées dans le suivi de grossesse et quelques projets pour accompagner les femmes pendant leur post partum. Mais il n’y avait que très peu d’initiatives concernant la ménopause », se rappelle Hahyeon Park. Un état de fait qui pourrait s’expliquer par la nature de ce trouble, encore mal appréhendé par le corps médical et souvent tabou pour les femmes quel que soit leur âge. « Jane, Mathilde et moi, n’avions jamais évoqué ce sujet ensemble. Pire encore, aucun gynécologue, professeur ou membre de notre famille ne nous en avait jamais parlé alors que c’est une étape par laquelle toutes les femmes passent ».  

Dans un premier temps, les trois jeunes femmes décident de collecter le plus de témoignages possibles pour identifier les maux dont souffrent de nombreuses françaises en période de ménopause ou de périménopause. Des éléments qui seront au fondement de leur solution. C’est d’ailleurs pendant cette phase de recherche qu’elles mesurent à quel point leurs comparses sont mal informées sur les divers symptômes possibles. « Certaines se sont même retrouvées à appeler les urgences à cause de palpitations ou de bouffées de chaleur », affirme Hahyeon Park. C’est dans le but d’éviter à d’autres de vivre les mêmes aléas qu’Omena se dessine dès ses débuts comme un accompagnateur qui dévulgarise et informe ses utilisatrices sur les maux qu’elles traversent. Une fois l’application téléchargée, s’en suit une phase de personnalisation du profil, détaillée et anonymisée, dans laquelle chaque femme peut exposer l’étendue de ses symptômes, afin d’avoir accès à des contenus adaptés. Les conseils peuvent aller d’astuces nutritionnelles à des exercices de thérapie comportementale et cognitive, en passant par des séances de sport adaptées. Une stratégie qui permet à l’entreprise de se faire une place de choix dans le quotidien de nombreuses utilisatrices. Et ce, malgré les embuches que les co-fondatrices ont rencontrées. 

Un secteur qui touche la moitié de la population 

« Communiquer sur la ménopause n’a rien de facile, car pour beaucoup c’est un sujet tabou. D’autant plus quand cela touche aux troubles urinaires ou à la sécheresse vulvovaginale par exemple. D’ailleurs, des gynécologues nous ont confié que c’était souvent à eux d’évoquer ces sujets car peu de femmes entamaient la conversation d’elle-même ». Pour certaines, témoigner et partager leur expérience auprès d’autres relèverait même, selon la cofondatrice, du suicide professionnel. « C’est terrible de penser ça, et c’est encore plus terrible de se dire que c’est peut-être vrai ».  
Un sujet tabou dans la société donc, mais également sur les réseaux sociaux puisqu’il arrive très régulièrement que les publicités d’Omena soient bloquées par les algorithmes d’Instagram ou Facebook, sans raison valable. « Ça élimine beaucoup de points de contact avec nos utilisatrices », déplore la directrice produit.  

Et si le regard de la société n’est pas tendre, celui des partenaires financiers s’est heureusement révélé plus constructif. Même si, paradoxalement, ce sont les investisseuses qui ont donné le plus de fil à retordre aux trois entrepreneures. « On a observé que certaines investisseuses percevaient notre solution par le prisme personnel, mais que si la solution ne s'adaptait pas parfaitement à leurs propres besoins, elles décrochaient tout de suite », détaille la jeune femme. Du côté des investisseurs, c’est presque avec surprise que les co-fondatrices d’Omena ont noté une approche plus objective de ces derniers, contrairement à leurs homologues féminines, puisqu’ils se focalisaient davantage sur des éléments tels que le benchmark ou le poids du marché. Un état d’esprit dont ne sont pas spécialement dotés les jeunes investisseurs, moins au fait des sujets de santé féminine. « Nous avons rencontré des personnes qui nous ont affirmé que c’était un secteur de niche. Or, la moitié de la population va traverser cette étape dans sa vie. Je ne pense donc pas qu’on puisse parler d’un secteur émergeant ou à faible potentiel. Bien au contraire ». 

Du BtoC au BtoB 

D’autant plus qu’à l’heure de la grande démission et des reconversions professionnelles, de nombreuses entreprises soucieuses de fidéliser leurs collaborateurs souhaitent désormais amplifier leur volet RSE et faire du bien-être de leurs collaboratrices une priorité. Outre-Manche, il existe par exemple une Menopause Friendly Accreditation, qui récompense les employeurs inclusifs soucieux de sensibiliser et comprendre comment la ménopause peut avoir un effet sur le travail. « En France, ce sujet n’est pour le moment absolument pas traité par les entreprises, c’est pourquoi nous avons décidé de faire évoluer notre offre pour les accompagner dans cette étape clé, affirme la jeune femme. On sait que la ménopause arrive aux alentours de 51 ans en France. À cet âge-là, les femmes sont encore loin de la retraite et sont même au sommet de leur carrière, c’est pourquoi il est crucial de bien les accompagner sans quoi elles pourraient se sentir incomprises et démotivées ».  

Ainsi, les co-fondatrices développent depuis peu une formule BtoB à destination des entreprises. Un accompagnement qu’elles aimeraient d’ailleurs pouvoir rendre le plus accessible et le plus juste possible afin de toucher davantage d’utilisatrices. « Actuellement, nous proposons un abonnement à 59,99 euros par an. Nous sommes conscientes que tout le monde ne peut pas se permettre ce type de dépense. C’est pourquoi nous souhaitons multiplier les contrats BtoB afin que les collaboratrices n’aient plus à payer, mais que ce soit à la charge de leur entreprise ou de leur mutuelle ».  
Prochaine étape pour Jane Douat, Hahyeon Park et Mathilde Nême : initier un travail de mise en lumière de la ménopause en partenariat avec le Gouvernement. Un projet qui prend exemple sur les efforts fait en faveur d’une meilleure compréhension de l’endométriose. « À l’époque, c’était loin d’être un sujet ‘sexy’, mais grâce à l’aide du Gouvernement, le secteur a bénéficié d’un coup de projecteur sans précédent. C’est ce que j’aimerais voir pour la ménopause, car c’est important d’y être préparé avant qu’elle ne survienne ».  

 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web