Avec La Maison des Femmes, Ghada Hatem soigne les victimes de violences

Gynécologue-obstétricienne, Ghada Hatem a créé La Maison des Femmes à Saint-Denis, avec pour objectif de guérir les victimes de tout type de violences. Elle a profité de sa venue, lors de la 9e édition de Big, pour nous présenter plus en détails son association.  

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Ghada Hatem, fondatrice de La Maison des Femmes
Ghada Hatem sur la scène de l'Ampli à l'occasion de Big 9

93 000 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viol et 220 000 sont sujettes à des violences conjugales, chaque année en France. Toute première structure à proposer une prise en charge globale, alliant soins médicaux et accompagnement psychosocial, dans notre pays, La Maison des Femmes compte aujourd’hui une trentaine de salariés, ainsi que des intervenants extérieurs et des bénévoles. Sa fondatrice, Ghada Hatem, est venue nous parler de ses combats sur la scène de l’Ampli, lors de Big 9. Extraits.

La Maison des Femmes : pour lutter contre des violences parfois invisibles  

Si le nom évoque un hébergement, l’endroit n’est pourtant pas dédié à cela. Lancée en 2016 par Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne de profession, La Maison des Femmes est en réalité un lieu de soin unique en France. Un sanctuaire qui propose un parcours de soin complet pour les victimes de maltraitances. « La violence abime la santé mentale et physique de nombreuses personnes, isole et appauvrit, c’est une véritable catastrophe », explique la sexagénaire. « Cela fait quarante ans que je soigne des femmes, des couples et que je suis intime avec mes patientes, en tant que gynécologue. À force de discussions avec elles, je me suis aperçue que certaines portaient les stigmates de blessures importantes, invisibles parfois car tolérées par la société. Des violences psychologiques que l’on retrouve notamment dans les milieux socio-professionnels élevés. On peut détruire des personnalités facilement, sans que cela ne se voit. » C’est en approfondissant le sujet avec certaines de ses patientes, ne pouvant les laisser dans des situations à risques, que Ghada Hatem décide de se lancer dans l’entrepreneuriat avec son association.

« Tout doit être repensé, à commencer par l’éducation »

Née en 1959 au Liban, Ghada Hatem doit quitter son pays en 1977 en raison de la guerre civile. Elle garde de cette époque « une intolérance à toute forme de violence ». Si elle se tourne vers la gynécologie-obstétrique dès le début de sa carrière de médecin à Paris, ce sont les histoires de ses patientes qui vont la convaincre de fonder La Maison des Femmes. « Des histoires parfois très dures », s’émeut la franco-libanaise. « On encaisse et on finit par se dire que quelque chose doit être fait. En France, une femme sur trois a subi la violence au moins une fois dans sa vie. » Son association est aujourd’hui à même de proposer un accompagnement médical complet. « C’est d’ailleurs ce que j’essaie de faire comprendre aux institutions, ainsi qu’au ministre de la Santé », ajoute-t-elle. « La première approche que nous avons, avec les femmes qui franchissent notre porte, est médicale. S’en suit un accompagnement social, parfois juridique, des aides à l’éducation des enfants… Notre action est complémentaire à ce qui est mis en place au niveau de la santé dans notre pays. » 
 
Au quotidien, Ghada Hatem se démène pour trouver des solutions concrètes et rapides pour celles et ceux qui souffrent. « Depuis la pandémie de Covid-19, la santé mentale de nos concitoyens s’est empirée et la médecine traditionnelle peine à prendre en charge cette détresse. Il faut aussi donner plus de moyens à la police et à la justice pour qu’ils puissent traiter toutes les affaires de violence. L’hébergement d’urgence doit se développer, l’aide aux enfants également. Tout doit être repensé, à commencer par l’éducation. » 

Apporter une réponse plus rapide aux violences 

En complément de leur mission de santé, Ghada Hatem et ses collaborateurs passent énormément de temps à convaincre des entreprises et des fonds de dotation d'investir dans son projet. « Pour que nos centres fonctionnent, j’ai dû mettre mon métier initial entre parenthèse », assure la sexagénaire. « Nous essayons d’apporter une réponse dans les 48h à chaque personne. Cela demande une organisation sans faille mais également beaucoup de moyens. Nous le faisons pour le bien des victimes, pour qu’elles soient prises en charge au plus vite. » Son urgence du moment ? Accroître ses effectifs. « Nous recevons 5 000 femmes par an, c’est énorme. L’objectif principal de mes équipes est de comprendre rapidement si la personne qui se présente à nous est en danger immédiat. C’est une énorme charge mentale, d’où un besoin de rotation. » 
 
La tâche est ardue, mais l’avenir de La Maison des Femmes semble néanmoins assuré. « Une jeune collaboratrice va prendre la relève quand je partirai prochainement à la retraite. Nous restructurons l’association pour la renforcer. Aujourd’hui nous disposons de 15 centres, bientôt 20, répartis sur l’ensemble du territoire national. Nous allons enfin pouvoir organiser un plaidoyer puissant à destination des pouvoirs publics : plus de moyens, de ressources et, je l’espère, une société qui se portera mieux. » 

Si la parole des femmes au sujet des violences se libère depuis quelques années, Ghada Hatem insiste : « Chacun doit regarder autour de soi avec un œil averti. Que ce soit en entreprise, dans le cercle familial ou autre, on ne peut plus laisser passer certains actes. À être vigilants tous ensemble, on peut déjà changer une grosse partie de la donne », conclut la franco-libanaise.

Simon NAPIERALA
Simon Napierala Redacteur web