Florence Lambert (Genvia) : « Donner et redonner de la fierté a été l’un des moteurs de mon management »

Ex-directrice du CEA-Liten, Florence Lambert est aujourd’hui à la tête de Genvia, société produisant de l’hydrogène décarboné à travers une technologie de rupture de l’électrolyse. Le 5 octobre dernier, la dirigeante est venue évoquer lors de Big 9 les différentes formes de fierté ressenties au cours de sa carrière. 

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Florence Lambert, CEO de Genvia

Fruit d’un partenariat public-privé unique entre le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), SLB (ex-Schlumberger), Vinci, Vicat et la région Occitanie, Genvia a été créée en mars 2021 avec pour ambition de développer, à l’échelle industrielle, une technologie d’électrolyseur à haute température. Développée au CEA, cette innovation de rupture permet la production d’hydrogène décarboné et s’inscrit ainsi dans la stratégie nationale de déploiement de l’hydrogène vert (dont l’un des objectifs est d’atteindre une capacité de production de 6,5 Gigawatts en 2030). La présidente de Genvia, Florence Lambert, est revenue lors de Big 9 sur son parcours et sa fierté d’appartenir au secteur innovant de l’énergie. 

Une vocation pour les énergies renouvelables qui remonte à l’enfance 

Fille d’ouvrier, Florence Lambert a grandi non loin du CEA de Grenoble – anciennement centre d'études nucléaires de Grenoble (CENG). « J’ai toujours cultivé une curiosité pour la science et la technique, ayant le sentiment que ce sont des choses nobles, sérieuses et parfois un peu secrètes », confesse la présidente de Genvia. Invitée sur la scène du Bang, la chercheuse au CEA se remémore le moment fondateur d’une visite scolaire de la centrale hydroélectrique de La Bâthie, dans la vallée de la Tarentaise (Savoie), alors qu’elle est au collège. « Ça a été le choc, confie-t-elle. J’ai compris que l’énergie allait être le moteur de l’humanité. Cette centrale faisait vivre les villages des vallées reculées de la Tarentaise. C’est l’accès à l’énergie qui a guidé mes premiers pas d’ingénieure ». 

Chercheuse aguerrie, Florence Lambert va rapidement se spécialiser dans le stockage des énergies renouvelables en effectuant sa thèse au CEA de Cadarache (Provence-Alpes-Côte-d’Azur). « Mon travail visait le concept de fontaines de l’électricité dans le cadre de l’électrification rurale au Maroc. L’idée était de développer de petits systèmes photovoltaïques dans les villages et de manière décentralisée », précise-t-elle. Une application qui, d’après son témoignage, redonnait notamment de la fierté aux femmes qui étaient jusque-là chargées de remplir quotidiennement les batteries pour les villages, après avoir marché sur plusieurs kilomètres pour atteindre un groupe électrogène centralisé. « En trouvant cette solution, elles ont pu faire des choses beaucoup plus valorisables et on a pu leur redonner de la fierté », se souvient la PDG de Genvia.  

Energy Observer, laboratoire mouvant de la transition écologique et énergétique  

Redonner de la fierté aux autres, c’est ce que Florence Lambert se rappelle avoir également ressenti en embarquant, en 2017, dans l’aventure Energy Observer, un ancien catamaran transformé en laboratoire au service de la transition écologique et énergétique, dont elle a été la marraine au côté de Nicolas Hulot (alors Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire). « Avec le navigateur Victorien Erussard, nous sommes partis d’une coque de catamaran complètement nue à laquelle nous avons intégré un tas d’objets innovants issus du CEA », lequel demeure le champion européen en matière d’innovation.  

Premier navire à hydrogène autonome sans émission de CO2 ni particules, l’Energy Observer fonctionne grâce à l’électrolyse de l’eau de mer et réalise encore à ce jour un vaste tour du monde avec pour objectif de sensibiliser et d’éduquer la population aux enjeux de transition. « Ce projet m’a rendue fière de mes collaborateurs, car pour la première fois on parlait publiquement et internationalement de mes chercheurs, déclare-t-elle sur la scène du Bang. Donner et redonner de la fierté a été l’un des moteurs de mon management. » C’est en effet au CEA que Florence Lambert œuvre à des projets ambitieux, « à un moment où l’hydrogène ou le solaire photovoltaïques n’étaient pas forcément à la mode », confie-t-elle. « Il fallait défendre ses convictions avec courage. Cette fierté d’appartenance au CEA a vraiment été le ciment entre mes collaborateurs et moi. » 

Une entrepreneure fière de ses collaborateurs  

C’est enfin une fierté plus personnelle que Florence Lambert, sous sa casquette d’entrepreneure, finit par évoquer. La Grenobloise, devenue cheffe de laboratoire à seulement 29 ans, n’a à vrai dire jamais caché sa fibre managériale. « Je suis fière de m’être quelque part libérée de ce costume de bonne élève, d’une carrière préétablie » déclare celle qui, après avoir dirigé pendant huit ans un institut de plus de 1000 chercheurs à la pointe de l’innovation, s’est lancée dans la création d’une entreprise s’imposant progressivement en France comme un acteur majeur de l’hydrogène décarboné grâce à sa technologie disruptive d'électrolyseur haute température. « La chercheuse que je suis, qui a fait beaucoup de transferts de technologies vers l’industrie, a sauté le pas pour créer une start-up qui aujourd’hui n’en est plus une (…) Cette faculté que j’avais à résoudre des problèmes complexes pouvait finalement dégager de la valeur industrielle. » 

La réussite de cette entreprise, elle la partage avec ses collaborateurs. « J’étais complètement fière d’eux », se souvient avoir ressenti la PDG lors de la visite du Président de la République sur le site de l’entreprise en novembre 2021. Genvia a par ailleurs franchi un nouveau palier, en juin dernier, avec l’inauguration de sa ligne pilote de fabrication d’électrolyseurs, étape clé vers la production à grande échelle. Le projet prendra encore plus d’ampleur avec, d’ici 2030, la construction d’une mégafactory d’électrolyseurs haute-température dans la région de Béziers. « Derrière toutes ces fiertés, c’est simplement l’aboutissement d’une forme de courage. Risquez, osez et au bout du chemin vous serez fiers », conclut sur une note encourageante Florence Lambert. 

Felix Tardieu

Felix Tardieu

Rédacteur Web