Réalité augmentée, communauté et amour du patrimoine : le trio gagnant de Revolt Games avec Neopolis

Lancé il y a quatre ans, le jeu Neopolis permet de devenir propriétaire virtuel de milliers de bâtiments au sein de sa ville. Une petite révolution ludique qui a immédiatement conquis les joueurs partout en France. 

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Ecran de chargement du jeu Neopolis par le studio Revolt Games.
Ecran de chargement du jeu Neopolis par le studio Revolt Games.

Transformer le monde en un plateau de jeu géant. Voilà la mission que se sont donné Ben Kaltenbaek, Lucas Odion et Roland Lamidieu, les trois fondateurs du studio Revolt Games lorsqu’ils ont imaginé Neopolis. Ce jeu mobile en réalité augmentée, en ligne, géolocalisé et massivement multijoueurs (MMO) offre aux utilisateurs la possibilité d’acheter virtuellement des bâtiments réels situés autour d’eux. 

Un concept qui n’est pas sans rappeler le légendaire Monopoly… la dimension sociale en plus. Car c’est bien sur ce pouvoir fédérateur que les créateurs ont misé en lançant leur version alpha à Lyon en 2019 : « L'idée était d'aller encore plus loin dans cette dimension sociale et locale, clé qu’avait déjà apportée Pokémon Go à l'époque », explique Ben Kaltenbaek. Cet instigateur de rassemblements géants de chasse aux fameux monstres de poche japonais avait déjà pu observer le fort pouvoir communautaire de celles-ci. 

Créer du lien entre joueurs et galvaniser leur attachement à la ville

C’est ainsi que le prototype de Neopolis voit le jour, dans la Cité des Gones, où les trois associés ont fait leurs études et se sont installés. L’engouement est immédiat, « malgré de nombreux bugs », précise le cofondateur du studio. Ce premier essai plus qu’encourageant pousse les créateurs à poursuivre le développement de leur jeu et de versions adaptables à toutes les villes de France. Paris, Marseille, Toulouse, Dijon, Caen, Nantes deviennent à leur tour des terrains de jeu grandeur nature où les « citoyens » (c’est-à-dire les utilisateurs de Neopolis) peuvent faire l’acquisition des bâtiments sur leur chemin, qu’il s'agisse des plus célèbres monuments, de l’hôtel de ville ou de la petite boulangerie de quartier. 

Pouvoir jouer avec son environnement proche et l’aspect novateur du gameplay proposé par Neopolis fédèrent rapidement une communauté. Mais plus que son côté ludique, c’est le nouveau rapport à la ville qu’il génère qui séduit. « On a très vite remarqué que tout le monde avait un attachement très fort avec sa ville. Le fait de pouvoir la découvrir ou redécouvrir et de jouer avec les bâtiments qui font partie de leur quotidien a vraiment passionné les utilisateurs », constate Ben Kaltenbaek. Preuve de cet engouement pour le patrimoine : le maire de Toulouse lui-même a écrit à l’équipe pour la remercier d’animer la ville rose et de participer au dynamisme local. 

Afin d’évoluer dans Neopolis, les joueurs ont la possibilité d’opter pour un mode compétitif ou bien avancer en collaboration avec d’autres citoyens. « La véritable finalité du jeu, c’est de créer des alliances avec d'autres joueurs, poursuit le co-créateur. Il y a un aspect très politique qui ne repose pas forcément sur le fait de couler l’autre mais d’avancer ensemble. »

Virtualiser les données du monde réel

Si la monnaie utilisée pour acheter ces éléments du patrimoine urbain est virtuelle, les bâtiments, eux, sont bien réels. L’un des principaux défis techniques de Revolt Games a donc été de digitaliser les métropoles. La première étape a consisté à cartographier les villes en utilisant diverses bases de données recensant les « points d’intérêt » (restaurants, monuments, musées, etc.). Pour cela, les trois associés se sont d’abord appuyés sur Google Maps avant de nouer des partenariats avec des tiers possédant ce type de data. Pour étendre aux adresses moins connues, ils se sont aussi servi de données en open source, et notamment d’OpenStreetMap, carte ouverte et collaborative, constamment mise à jour par les particuliers. 

Un travail d’agrégat considérable qui a fini par doter le studio d’une base de données comptant plus de 110 millions de bâtiments considérés comme des points d’intérêt dans le monde. Cette richesse, l’entreprise souhaite la mettre au profit d’autres développeurs. « Nous avons créé notre propre service agrégeant les données du monde réel, Terra, que voulons rendre accessible en open source », annonce Ben Kaltenbaek. 

Et pour garder le rythme des changements perpétuels qui font bouger les villes, Neopolis peut compter sur sa communauté de citoyens pour les signaler, afin que les développeurs puissent procéder aux modifications. Misant beaucoup sur l'aspect communautaire, le studio Revolt Games se fait épauler pour assurer modération du jeu par 150 joueurs bénévoles.

Un jeu en co-construction avec sa communauté

L’implication de la communauté dans cette co-mise à jour fait désormais partie de l’identité du jeu. À tel point que le studio a sorti l’année dernière Neoland. Dans ce nouveau mode de jeu lié à Neopolis, les joueurs possèdent et gèrent des parcelles de terrain du monde réel en tant que maire. Libre à eux d’y ajouter et personnaliser des bâtiments mais surtout, d’y organiser des événements (carnaval, apparition d’un coffre, fête des voisins, etc.) auxquels pourront participer d’autres citoyens. « Nous leur laissons les clés et le pouvoir de changer le jeu à leur échelle », résume Ben Kaltenbaek. 

Aujourd’hui, Neopolis recense plus de 3 millions d’utilisateurs dans le monde, dont la moitié en France, et le studio compte 15 collaborateurs. Alors qu’il a démarré sur les fonds propres de ses créateurs, une récente levée de fonds a permis à l’entreprise de grossir ses rangs. Depuis peu, le jeu s’est exporté et existe maintenant en Italie, au Royaume-Uni et en Allemagne. Ce déploiement à l’international concentre une grande partie des efforts du studio qui vise un lancement aux États-Unis d’ici six mois puis dans le reste du monde. Mais la priorité de Revolt Games reste avant tout l’expérience joueur, qui nécessite une amélioration continue du jeu et une écoute constante de ses citoyens. « Notre objectif principal, c’est vraiment que les utilisateurs soient enchantés par le jeu », conclut le co-fondateur.