Don't Nod : la stratégie payante d'un studio devenu éditeur de jeux vidéo

Les studios de jeux vidéo français s’imposent à l’international par leur style et leur direction artistique originale. Don’t Nod s’appuie sur cette notoriété pour devenir éditeur de jeux vidéo. Oskar Guilbert, l’un des cofondateurs explique les enjeux économiques derrière ce choix stratégique.

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Le genre narratif est le plus répandu dans le milieu du livre. Dorénavant, il se fait aussi une place dans celui du jeu vidéo, notamment grâce aux studios français. Don’t Nod est l’un des plus réputés, notamment grâce à Life is Strange, sorti en 2015. Le jeu a remporté une dizaine de prix internationaux et s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires. Il aborde des problématiques jusqu’alors peu traitées dans l’univers des jeux vidéo et davantage abordées dans des séries télés comme le harcèlement sur les réseaux sociaux par exemple. « Notre volonté est de créer de belles histoires, qui touchent le public. Ce sont des héros ordinaires placés dans des situations extraordinaires. Le jeu vidéo apporte un côté immersif et engageant, où les joueurs sont acteurs », affirme Oskar Guilbert, cofondateur de Don’t Nod.

Le studio français, connu pour sa créativité et qui a fait de ce genre narratif son ADN, a annoncé récemment l’ambition de doubler son catalogue d’ici 3 ans. L’entreprise qui en compte déjà huit depuis 2015, met les bouchées doubles, notamment en affirmant sa position d’éditeur et en coproduisant avec des studios internationaux.

Une entrée en bourse et une levée de fonds pour plus d’indépendance

« Jusque-là, une grande partie de la valeur créée par le studio nous échappait », explique Oskar Guilbert. Avant l’introduction en bourse du studio en 2018 et la récente levée de fonds de 50 millions d’euros incluant l’entrée au capital du studio chinois Tencent, référence mondiale du jeu vidéo, Don’t Nod développait des jeux vidéo mais n’était pas propriétaire des droits. « Produire un jeu coûte plusieurs dizaines de millions d’euros. Avant cette introduction et ce tour de table, nous passions par des éditeurs pour nous aider à financer nos projets. Or, on s’est rendu compte que les éditeurs obtenaient jusqu’à 90 % des revenus générés ».

En devenant éditeur, Don’t Nod assure son indépendance. En 2020, le succès du jeu Twin Mirror, autoédité, a conforté ce choix. Le studio a remis le couvert en septembre 2022 avec le jeu Gerda : A Flame in Winter, salué par la critique. Mais l’entreprise française ne ferme pas la porte au modèle de coproduction qui permet au studio de produire des jeux plus ambitieux en réduisant les coûts, de conserver une partie de la propriété intellectuelle du titre et de toucher de l'argent dès la première vente. Récemment, l'entreprise a d'ailleurs annoncé le lancement du jeu "project 8", une coproduction avec le studio français Focus Entertainment, dont le budget est estimé entre 30 et 40 millions d'euros.  « C’est un moyen de partager le risque financier et de se partager les revenus, tout en développant notre renommée à l’international. C’est gagnant-gagnant pour tout le monde », assure Oskar Guilbert. Sur les huit jeux prévus d’ici trois ans, cinq sont prévus en autoédition et trois en coproduction.

Dans le jeu vidéo, la French Touch rayonne à l’international

Si le studio a, dès l’origine, adapté une stratégie internationale en faisant appel à des partenaires comme Sony, Capcom ou encore Square Enix, pour éditer ses jeux, il est dorénavant sollicité pour sa French Touch. « Au départ, je ne voulais vraiment pas être considéré comme un studio français, mais comme étant international. Or aujourd’hui, nous et les autres studios hexagonaux sommes reconnus pour construire des jeux narratifs originaux et pour notre direction artistique. Il faut l’admettre, la French Touch plaît, c’est un véritable atout ». L’entreprise a prévu d’éditer trois jeux développés par des studios européens dont un belge, un italien et un danois.

En s’inspirant des séries, et en sortant le jeu Life is Strange par chapitre, Don’t Nod a su se faire une réputation internationale en adaptant le modèle au secteur du jeu vidéo, à tel point que deux de ses succès ont attiré l’œil des studios hollywoodiens pour une adaptation… en série. Life is Strange devrait être adapté par Legendary Pictures, tandis que Fox21 a racheté les droits d’adaptation de Vampyr, un jeu du catalogue de Don’t Nod vendu à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde. Pour autant, Oskar Guilbert, tient à nuancer la situation, car nombreux sont les projets qui n’aboutissent pas et en restent à l’étape de l’acquisition des droits. Sachant que l’adaptation de Life is Strange a été retardée et n’est toujours pas annoncée à l’heure actuelle. La suite, donc, au prochain épisode.