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Chimie verte : définition, principes, exemples d'entreprise

  • Temps de lecture: 6 - 7 min
chimie verte
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Cette nouvelle crème anti-âge qui trône dans votre salle de bain, cet emballage autour de votre fromage, le vernis qui fait briller votre meuble préféré… Ils sont peut-être tous issus de la chimie verte, une alternative durable à la chimie industrielle classique qui vise à préserver la planète, et votre santé ! Zoom sur ce concept qui vous veut du bien.

Chimie verte, chimie renouvelable, chimie durable ou encore chimie écologique… Tous ces termes désignent une même réalité : celle d’une chimie plus durable qui diminue, voire supprime, l’usage et l’élaboration de substances dangereuses pour l’environnement et la santé. Vous souhaitez en savoir plus sur la chimie verte ? Définition, principes, exemples… Big média fait le tour de la question.

Qu’est-ce que la chimie verte ? 

La révolution industrielle et plus particulièrement l’après Seconde Guerre mondiale ont rapidement soulevé des questions quant aux divers impacts de la chimie intervenant dans presque tous les secteurs (cosmétique, alimentation, agriculture, construction, etc.). Le Sommet des Nations Unies sur l'Homme et l'Environnement à Stockholm, en 1972, marque une première prise de conscience mondiale sur les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement. La pollution qu’elle peut engendrer, avec des conséquences à court et long termes, devient un sujet politique qui donnera lieu à des rapports et des lois à l’échelle nationale et internationale. La notion de développement durable est introduite, et avec elle l’idée d’agir à la source, en préventif, plutôt qu’en correctif.

Le concept de « chimie verte » ainsi nommé fait réellement son apparition en 1991, à l’initiative de l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA). En lançant un programme de grande envergure pour repenser l’industrie chimique et en minimiser les impacts sur l’Homme et sur l’environnement, l’EPA la définit d’abord comme : « La conception de produits et procédés chimiques permettant de réduire ou éliminer l’utilisation ou la création de substances dangereuses. La chimie verte intervient tout au long du cycle de vie d’un produit chimique, de sa conception à son utilisation en passant par sa fabrication. »

Mais c’est finalement en 1998 que le concept est réellement formalisé et structuré par Paul Anastas (à qui l’on doit le terme même de « chimie verte ») et John Warner, deux chercheurs de l’Agence. Dans leur ouvrage, Green Chemistry: Theory and Practice, ils en dégagent les 12 grands principes qui font figures de référence, à l’époque et aujourd’hui encore. Ces principes couvrent plusieurs domaines de recherche et d’application mais poursuivent un même but : la durabilité moléculaire. Comment ? Grâce, par exemple, à la réduction voire l’arrêt de l’utilisation de solvants toxiques dans les procédés chimiques, l’optimisation des matières employées (de leur nature à leur quantité) afin de limiter les déchets issus de ces procédés, l’adoption de méthodes permettant de minimiser l’incidence des synthèses, la diminution de la dépense énergétique requise ou encore une analyse des matières à chaque étape (ce que l’on appelle « chimie analytique verte »). 

Bon à savoir :

La chimie bleue qualifie une catégorie de chimie verte axée sur le développement de technologies durables en utilisant les ressources marines. Elle offre un éventail d'applications prometteuses qui allient innovation technologique et respect de l'écosystème marin : alimentation et nutrition ; antibiotiques, antiviraux et anti-inflammatoires ; cosmétiques ; matériaux biodégradables grâce à des molécules issus d’organismes (biopolymères) marins comme les algues ; biocarburants et énergies renouvelables ; fabrication de textiles durables, etc.

Les 12 principes de la chimie verte

Le livre de Paul Anastas et John Warner énonce 12 principes de la chimie verte, articulés autour de deux groupes intitulés "Réduire le risque" et "Réduire le plus possible l'empreinte environnementale". 

PRINCIPE EXPLICATION
Prévention  

Prévenir la pollution à la source. Éviter la production de déchets.


 
Economie d'atomes Mettre au point des méthodes de synthèse permettant au produit final d'incorporer au maximum les matériaux utilisés dans le processus. 
Conception de méthodes de synthèse moins dangereuses Privilégier l’emploi de méthodes produisant des substances peu ou pas toxiques pour l’Homme et l’environnement.
Conception de produits chimiques plus sûrs Mettre au point de nouvelles molécules à la fois plus efficaces et non toxiques.
Solvants et auxiliaires moins polluants Rechercher des alternatives aux solvants (substances permettant de dissoudre d’autres substances) toxiques et polluants utilisés dans les procédés.
Recherche du rendement énergétique Économiser de l’énergie et/ou rechercher de nouvelles sources d’énergie à faible teneur en carbone.
Utilisation de ressources renouvelables Préférer l’utilisation de ressources naturelles ou de matières premières renouvelables à celle de ressources fossiles.
Réduction du nombre de dérivés Réduire l’utilisation de molécules intermédiaires en mettant en œuvre des réactions directes, lorsque possible.
Catalyse et environnement Privilégier les procédés catalytiques – c’est-à-dire l’intervention d’un agent (catalyseur) afin d'accélérer ou ralentir une réaction – aux procédés classiques, dits stœchiométriques, qui ne se basent que sur l’utilisation d’éléments chimiques en quantité précise afin d’obtenir une réaction déterminée. Cette méthode permet ainsi non seulement d'économiser de l’énergie nécessaire mais aussi la quantité de réactifs utilisés.
Conception de produits en vue de leur dégradation Concevoir un produit chimique avec l’idée qu’une fois en fin de vie, il doit devenir inoffensif, recyclable, voire biodégradable. 
Observation en temps réel en vue de prévenir la pollution Mettre en place des méthodologies analytiques permettant de surveiller et contrôler en temps réel les opérations en cours afin de prévenir toute formation de substances dangereuses.
Une chimie fondamentalement plus fiable Porter une attention particulière au choix des matières premières chimiques afin d’éviter les accidents (émanations dangereuses, explosions, incendies, etc.).

Chimie verte : les enjeux cruciaux pour un impact environnemental positif

Le monde est face à un grand défi : celui de concilier le développement de l’humanité, qui comptera 9,6 milliards d’individus à l’horizon 2050 (source : ONU), et la préservation de la planète. La chimie verte, parce qu’elle ambitionne de produire de manière plus vertueuse de la nourriture (agriculture, élevage), des médicaments, de l’énergie ou encore de l’eau potable, peut être une des réponses à cet enjeu d'envergure.

Elle peut notamment compter sur plusieurs éléments :

  • l’innovation et les avancées technologiques, telles que le développement de nouveaux processus de catalyse ;
  • la création de nouveaux modes organisationnels au sein des entreprises industrielles – grâce à l’adaptation des compétences et l’anticipation des aptitudes nécessaires demain (R&D, méthodes d’analyse et de contrôle, etc.) du côté des salariés – mais aussi entre les entreprises, afin de faire face au renchérissement et à l’épuisement des produits et dérivés pétrochimiques, aux obligations réglementaires et légales en matière de réduction des impacts sur l’environnement (notamment des émissions de gaz à effet de serre), ainsi qu’aux pressions relatives à l’usage de matières premières, d’intermédiaires de synthèse et de produits de l’industrie chimique ;
  • le développement de procédés durables dont la rentabilité est équivalente ou supérieure à celle des procédés traditionnels, pour améliorer le retour sur investissement des entreprises qui choisissent la chimie verte, et inciter les organisations encore réticentes à rejoindre le mouvement ;
  • la sensibilisation et la communication afin de maximiser la compréhension et l’acceptation de la chimie verte aussi bien par les consommateurs que par les entreprises productrices.

Exemples d’applications de la chimie verte dans divers domaines

Si le concept de chimie verte a vu le jour dans les années 90, son véritable essor est plus récent, faisant écho à la concrétisation de la transition énergétique et à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette démarche durable transforme en profondeur l’industrie chimique et représente un enjeu économique majeur. En 2021, Pôle Emploi estimait ainsi que le secteur en France allait être porteur de 120 000 nouveaux emplois d’ici 2026 afin de répondre aux problématiques environnementales. Un véritable vivier !

Le territoire national recense plusieurs centaines d’usines et sites de recherche en chimie verte, portés par des groupes renommés, tels que BASF, Michelin, TotalEnergies, 3V3, PPG ou encore Cosmed.

Les secteurs concernés et les applications de la chimie verte sont multiples. On citera par exemple : la santé et l’industrie pharmaceutique pour des médicaments plus respectueux de l'environnement, la cosmétique verte ou “green beauty”, l’électronique, l’énergie, les plastiques biodégradables utilisant des végétaux pour remplacer le pétrole, les matériaux composites, les peintures écologiques et biosourcées dans le bâtiment, les textiles, les détergents ou encore la nutrition animale.

Chimie verte dans l’industrie : l’exemple des plastiques biodégradables

Les plastiques biodégradables sont élaborés à partir de sources renouvelables, souvent dérivées de matières végétales (maïs, canne à sucre, etc.) réduisant ainsi l'empreinte environnementale des produits chimiques. Contrairement aux plastiques traditionnels, ces variantes biodégradables se décomposent naturellement, contribuant ainsi à atténuer le problème mondial de la pollution plastique.

Chimie verte au service de l’industrie cosmétique

La “cosmétique green”, également connue sous le terme de "green beauty" ou "cosmétique verte", fait référence à une approche axée sur la durabilité, la responsabilité environnementale et la transparence. Des ingrédients éco-responsables aux emballages durables, chaque aspect est pensé pour révéler la beauté sans compromettre l'environnement, ni la santé. Adieu parabènes, sulfates, phtalates et autres produits chimiques controversés, exclus des formulations au profit d’extraits naturels, de biopolymères et de procédés respectueux de la nature. Plusieurs marques françaises de cosmétique green se distinguent par leur engagement durable et éthique, ainsi que par l'utilisation d'ingrédients naturels, comme L’Oréal, Caudalie, L'Occitane en Provence, Melvita...

Chimie verte dans l'industrie pharmaceutique : vers des médicaments plus éco-responsables

Selon l'ACS Green Chemistry Institute, « après tous les progrès de la recherche dans la chimie et l'ingénierie vertes, les entreprises chimiques généralistes n'ont pas encore pleinement adopté cette technologie. Aujourd'hui, plus de 98 % des produits chimiques organiques sont encore dérivés du pétrole ». L'ACS Green Chemistry Institute encourage les laboratoires pharmaceutiques (AstraZeneca, Bayer, GlaxoSmithKline, Novartis, Pfizer...) à intégrer la chimie verte dans l'industrie pharmaceutique. La production de produits pharmaceutiques est très coûteuse, en raison notamment des mécanismes de synthèse complexes et exigeants requis pour produire certains médicaments. De la conception de médicaments à base de sources durables à l'adoption de processus de fabrication éco-efficaces, elle promet des solutions thérapeutiques innovantes et efficaces tout en réduisant l'empreinte écologique de l'ensemble du secteur pharmaceutique.

La peinture écologique dans le bâtiment 

Les peintures éco-responsables jouent un rôle crucial dans la réduction des substances toxiques, des solvants nocifs, et des métaux lourds dans les revêtements. Cette démarche vise à privilégier des matières premières durables, tout en maintenant la qualité et la durabilité des peintures et pigments. En France, plusieurs marques adoptent des pratiques éco-responsables. Camaëlle propose des peintures écologiques, biosourcées et 100 % Made in France. Argile formule ses peintures avec des huiles végétales biosourcées à plus de 95 %. Colibri Peinture fabrique quant à elle des peintures 100 % françaises, composées d'eau, d'huile de pin, de lin et de ricin, sans rejet de polluants. Algo se démarque avec des peintures à base d'algues, labellisées Ecolabel Européen, tandis que Circouleur offre des options décoratives recyclées. Ces initiatives illustrent l'engagement croissant du secteur de la peinture dans une démarche respectueuse de l'environnement.
 

Sources

« La chimie verte. Approche nouvelle et responsable de la chimie », DUCAMP Christine, Éducagri éditions
Anastas, Paul T. et Warner, John C. "Green Chemistry Theory and Practice", Oxford University Press, New York, 1998
Lancaster, M., “Green chemistry, an introductory text”, Cambridge, Royal Society of Chemistry, 2002
Green Chemistry: Principles and Practice - Chemical Society Reviews (RSC Publishing) DOI:10.1039/B918763B
12 Principles of Green Chemistry - American Chemical Society (acs.org)