10 questions à Maxime Blondeau, précurseur d’une pensée écologique innovante

Enseignant, conférencier et entrepreneur, Maxime Blondeau jongle avec ses différentes casquettes pour faire entendre sa vision avant-gardiste. Rencontre avec un libre penseur pour qui l’écologie est intrinsèquement liée au numérique.

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10 questions à Maxime Blondeau, précurseur d’une pensée écologique innovante
© IG : maxim_blondeau

« Il est devenu vital d’améliorer notre perception du monde, et de réinventer notre regard sur le territoire. » Chaque matin depuis deux ans sur LinkedIn, Maxime Blondeau interroge notre représentation du monde. Celui qui appelle à une vision alternative de l’espace et du vivant, animé par le bonheur d'être au monde et de transmettre, s’est confié à Big média avant la sortie prochaine de son livre Géoconscience.

Big média : Qu’est-ce-qui vous anime chaque jour ? 

Maxime Blondeau : Peut-être la volonté de réconcilier la lucidité et la confiance. La première signifie pour moi regarder les problèmes en face. Et la confiance, c’est nourrir cette croyance dans le fait qu'on est capable d'évoluer, d’apprendre et de surmonter les obstacles. 

B.M : Vous possédez différentes casquettes, mais celle d’entrepreneur vous la définiriez comment ? 

M.B : Je suis entrepreneur dans le sens où j'ai créé des entreprises et aujourd'hui, j'en dirige deux. J'ai lancé en 2021 Sailcoop, une coopérative d'intérêt collectif avec d'autres cofondateurs et aujourd'hui, elle est constituée de plusieurs milliers de sociétaires. J'ai également créé une société de conseil et donc je rencontre des entreprises ou des collectivités un peu partout en France avec un médiateur. Dernièrement, en janvier, j'ai lancé une société de production de contenus audiovisuels, baptisée Cosmorama.

B.M : À quel moment avez-vous pris conscience qu’il fallait faire quelque chose pour la planète ? 

M.B : J’en ai eu deux en réalité. Une première aux alentours de 2013. J'avais 28 ans et j'étais en Asie, plus précisément dans l'Himalaya. J'ai regardé ma culture occidentale de loin et j'ai réalisé qu'il y avait une autre manière de penser le monde. Cela a été une prise de recul, une première prise de conscience. Et la deuxième, c'est en novembre 2015 lors duquel il y a eu successivement les attentats de Paris et la COP 21. Je vivais dans le centre de la capitale à ce moment-là et ça a été un vrai tremblement de terre, un mois de transformation totale. J'ai démissionné quelques jours après et je me suis engagé dans la vie associative en souhaitant participer à l’Histoire. Contribuer et résister aux dérives.

« Les technologies, quelles qu'elles soient, changent notre perception de l'espace et du temps » 

 

B.M : Vous avez cofondé Printemps Écologique en 2020, un éco-syndicat, en quoi ça consiste ? 

M.B : Le Printemps Écologique, c'est l'idée d'aller aider les salariés qui souhaitent devenir représentants élus de leurs collègues dans le cadre des négociations collectives et du dialogue social. On s'est dit, avec un certain nombre de personnes, qu’il pouvait être utile de créer un syndicat amenant de nouveaux sujets dans le champ des négociations collectives, notamment la question de la transition écologique, mais aussi celle de la gouvernance technologique. Est-ce-que dans une entreprise, on peut choisir une technologie ? Est-ce qu’on peut accélérer les sujets de transition ? Il y a aujourd’hui des milliers de personnes qui travaillent au Printemps Écologique, avec mon frère, Armand Blondeau et Anne Le Corre, qui s'en occupent à plein temps.

B.M : Vous pensez que le numérique est intrinsèquement lié à l’écologie, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? 

M.B : Cette pensée, je l’exprime dans mon cours à Sciences Po, qui s'appelle la programmation du Monde, mais également aux Mines de Paris, où je travaille sur l'écologie du numérique. Pourquoi est-ce-que je relie les deux ? Au travers de l'anthropologie, qui est ma discipline, j’ai découvert que les technologies, quelles qu'elles soient, changent notre perception de l'espace et du temps, notamment les technologies cognitives, comme le numérique. En fait, les médias changent notre perception de l'espace et du temps. Depuis 2015, j'ai déduit de ces années d'expérience que l’on avait un problème de perception. C'est-à-dire que la façon dont on envisage le territoire, ce qui nous entoure, n'est pas optimale. Mais on a la possibilité d'évoluer dans cette conscience et le numérique peut jouer un rôle négatif ou positif, en nous détournant d'un certain nombre de dimensions qui sont cruciales à prendre en compte ou, au contraire, en aidant à prêter attention à ce qui compte vraiment. 

B.M : En quoi votre pensée est novatrice ? 

M.B : Peut-être parce que j'essaye d'articuler une nouvelle vision de l’espace et du territoire, entre conscience globale et locale. La conscience planétaire, qui est née au XXᵉ siècle, est à réconcilier avec l’antique responsabilité locale. Je vis en Bretagne et j'ai ce rapport très fort au sol. Articuler les deux, c'est déjà un peu novateur. Et puis il y a le rapport au temps, je vais vraiment dans le temps long. Donc je dirais que ce qui est novateur, c'est cette façon de traiter les enjeux géographique, biologique et technologique avec un très grand spectre d'espace et de temps. 

« On est plus aisément aveugles en groupe, mais ça peut s'améliorer vite si on le décide » 

 

B.M : Il y a une prise de conscience individuelle en termes d’écologie, mais pas encore nécessairement collective, qu’est-ce-qui coince selon vous ? 

M.B : Travailler sur sa propre conscience écologique à l'échelle individuelle, c'est dur, mais c'est faisable. Cela nécessite un certain nombre de moyens, d'apprentissage et d'engagement. En revanche, quand on réfléchit à la conscience d'une organisation sur le monde, ça devient plus compliqué. Il y a plus de paramètres en jeu et, typiquement, c’est ce sur quoi je travaille. Quelle est la conscience de telle entreprise, de telle organisation, de telle collectivité du territoire ? Qu'est-ce que l'entreprise perçoit du vivant et de la réalité géographique ? Comment on crée une conscience collective ? En fait, on est plus aisément aveugles en groupe, mais ça peut s’améliorer vite si on le décide. C'est lourd, car il y a des infrastructures techniques à prendre en compte. Tout ce qui est technologique va guider notre regard. Et lorsque l’on fait partie d’une grande entreprise, avec des dizaines de milliers ou des centaines de milliers de personnes, il est compliqué de changer les dispositifs techniques et de braquer notre attention différemment sur ce qui nous entoure. 

« Je retournerais le sujet de la décroissance en parlant du problème qui lui est opposé, celui de l'excroissance » 

 

B.M : Que pensez-vous du concept de décroissance ? 

M.B : C’est une question centrale, qui est liée justement à cette relation entre écologie et numérique, puisqu’avec ce dernier, c'est la promesse de l'infini. Or l'écologie, c'est la prise de conscience d'un certain nombre de réalités finies. Dans ce rapport entre l'infini et fini, il y a quelque chose de crucial à débloquer. Si on veut passer à l'étape d'après, je retournerais le sujet de la décroissance en parlant du problème qui lui est opposé, celui de l'excroissance. Nous vivons dans une société où il y a beaucoup trop d'excroissances. Plutôt que de décroître, ou en tout cas de parler de la décroissance, nécessaire sur certains aspects, il faut faire prendre conscience des excroissances, c'est-à-dire ce qui est démesuré. Et c’est pareil avec la sobriété. Il peut être intéressant de réfléchir à notre état d'ébriété, de prendre conscience que nous sommes dans une situation où on est ivres d'un certain nombre de dimensions. Donc oui la décroissance est nécessaire sur certains aspects, mais la première étape, c'est de s’apercevoir des excroissances. 

B.M : Quel conseil donneriez-vous à une entreprise qui souhaite réduire son empreinte écologique ?  

M.B : D'abord, ce serait d’utiliser des cartes. La cartographie est un langage extraordinaire pour représenter de façon graphique le territoire qui nous entoure. Mais que placer dans les cartes ? Du vivant ? Des dispositifs techniques ? Uniquement du géographique ? Le conseil que je donnerais : voyez s'il n'est pas possible de représenter vos flux, vos activités ou votre relation au territoire grâce aux cartes. Et regardez ce que cela peut créer comme élévation du niveau de conscience collective. 

B.M : Quelle est votre ambition dans un futur proche ?

M.B : J’ai terminé de rédiger un livre, le 22 avril dernier et lancé une campagne de financement participatif pour que celui-ci puisse être vendu en librairie d’ici la fin de l’année. Donc ça va être de lancer la campagne autour de ce livre qui va s'appeler Géoconscience, premier d'une série de trois. C'est mon ambition la plus proche. 

Simon NAPIERALA

Simon Napierala

Redacteur web