Inclusion, écoresponsabilité, made in France : le triplé gagnant de la PME Payote

Redorer l’image de l’espadrille, c’est bien. La transformer en produit plus respectueux de l’environnement et en faire un symbole d’inclusion, c’est encore mieux. Tel est le pari du créateur de la marque Payote, Olivier Gelly. Sa dernière idée ? Proposer la vente des espadrilles non pas à la paire mais à l’unité, pour mieux sensibiliser au handicap, dans le cadre des Jeux Paralympiques de Paris 2024.  

Payote propose des espadrilles à l'unité

Tout a commencé un matin un peu hâtif : avant de quitter son domicile, le catalan Olivier Gelly veut chausser ses espadrilles favorites. Méli-mélo dans les placards : il attrape un 41 et un 43 et part travailler, mal chaussé. Pour les néophytes de l’espadrille, il faut savoir qu’il n’y a pas de distinction entre le pied gauche et le pied droit. Afin d’éviter une autre déconvenue et mieux distinguer ses souliers, l’homme pressé décide alors de les personnaliser avec des dessins de son cru : une customisation qui fera des envieux. L’espadrille relookée et nouvelle génération est née : ce sont les prémices de Payote 

La marque a depuis bien grandi, au point de s’inviter sur la scène des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Elle détient en effet une licence officielle qui lui permettra de proposer des modèles exclusifs bleu blanc rouge dans toutes les boutiques partenaires de Paris 2024. De plus, Olivier Gelly fait à nouveau preuve d’audace en proposant, sur le site marchand de la marque, la vente des espadrilles à l’unité et non à la paire, pour tous ceux qui n’ont besoin que d’un seul pied. L’objectif ? Adapter son offre aux personnes en situation de handicap et mettre un coup de projecteur sur les Jeux Paralympiques. « La communication des Jeux Olympiques et celle des Paralympiques sont assez différentes. Il y a moins d'éclairage sur ces derniers, regrette Olivier Gelly. Vendre l’espadrille à l’unité permet ainsi de proposer une mode inclusive qui célèbre la diversité et l'unicité de chacun. » 

L’entrepreneur, qui ne manque pas d’idées, a également songé à broder sur les Payote des inscriptions en braille en l’honneur des JOP de Paris 2024. « Il faut encore que j'envoie le prototype aux équipes de l’événement…», indique-t-il.  

Payote valorise un savoir-faire local  

Olivier Gelly, fondateur et président de Payote

Olivier Gelly espère ainsi faire la différence. Susciter la curiosité, faire chausser la mascotte Phryge à des milliers de personnes et surfer sur l’engouement des touristes pour les produits très « frenchy », à l’instar du béret par exemple. Car l’histoire de Payote est aussi intimement liée au Made in France 

Lorsqu’il crée son entreprise en 2016, Olivier Gelly entend bien capitaliser sur le savoir-faire basque. Il confie sa toute première production, soit 5 000 paires, à un partenaire local situé à Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques). « Mon souhait ? Proposer une nouvelle façon de porter des espadrilles. Je voulais quelque chose de décalé, qui me ressemblait et dépoussiérer ce produit. Aussi, j'arrivais avec des idées nouvelles, de la couleur, des motifs et des thématiques comme les animaux, les fleurs, les mangas, les reproductions de tableaux, etc. Il était important aussi d’être totalement transparent sur la fabrication : avec qui, où, comment. Ainsi, je créais de la proximité et de la confiance avec mes premiers clients, se souvient-il. D’ailleurs, plus que des clients, c’étaient des ambassadeurs ! »  

Grâce au bouche-à-oreille, la communauté Payote grandit, en même temps que le carnet de commandes. L’autodidacte qu’est Olivier Gelly apprend alors sur le tas le rôle de dirigeant. Il découvre le e-commerce et ses problématiques de logistique, d’envois, mais aussi de marges et de gestion des stocks.Il faut attendre 2019 pour que l’entreprise trouve son rythme de croisière. Elle parvient même à s’auto-financer et à accueillir ses premiers stagiaires. Petit à petit, Payote se consolide et réussit la prouesse de traverser 2020 et la crise sanitaire sans encombre. « La période nous a été bénéfique, assure Olivier Gelly. Nous étions présents sur Internet, nous avions du stock et l’atelier de production continuait à tourner. Finalement, j’ai réalisé le chiffre d’affaires d’un an en deux mois seulement ! »  

De l’écoresponsabilité au bien-être animal  

Rassuré, l’entrepreneur peut alors miser sur de nouveaux produits. Après une collection à partir de plastique recyclé, réalisée en partenariat avec l’entreprise Seaqual qui gère la récupération de déchets dans la Méditerranée, Olivier Gelly imagine des modèles en cuir végétal. Ce dernier est obtenu à partir de résidus de raisin, exploités et transformés par une entreprise basée à Milan, en Italie. L’espadrille se décline ainsi version cuir, mais dans le respect du bien-être animal. « C’est à nous entrepreneurs de participer, à notre échelle, à la protection de l’environnement. Cela fait partie de nos responsabilités, commente le patron de Payote. C’est comme avec le Made in France : je ne me suis pas lancé parce que c’est tendance, mais parce que c’est logique. »  

Olivier Gelly espère d’ailleurs renforcer son impact en augmentant la production de Payote. Jusqu’à présent, une petite unité de production vient compléter le travail du partenaire industriel historique de Mauléon-Licharre. Elle est en charge, notamment, des commandes spéciales JO et réunit 12 collaborateurs, sur les 28 que comptabilise l’entreprise. Mais bientôt, c’est une usine de 3 000 m2, juxtaposée à un terrain de 5 000 m2, qui permettra à Payote d’envisager une autre étape de son histoire. D’ailleurs, pour Olivier Gelly, ce sera bien plus qu’une usine. « L’un des axes de ce projet tourne autour du tourisme industriel. Nous avons déjà réfléchi au plan : chaque visite débutera dans une salle de cinéma où un film retracera l’histoire de la marque et dévoilera les coulisses de fabrication. Puis, sera prévu un escape game, où il faudra aider le personnage principal à trouver le deuxième pied en pointure 43…. Enfin, une boutique spéciale sera inaugurée », détaille le dirigeant. Ce dernier compte aussi sur la nouvelle unité de production pour permettre le recyclage des espadrilles et une meilleure gestion des produits usagés. Et l’enjeu, bien sûr, est de prétendre à des chiffres encore plus ambitieux. « En 2023, nous avons enregistré 3 millions de commande alors que notre capacité annuelle de production n’est que de 80000 paires. Notre objectif, pour 2027, année d’inauguration de notre usine, est de fabriquer un million d’espadrilles », annonce Olivier Gelly. D’autant plus que l’été 2025 de Payote est déjà rayonnant : la PME a obtenu l’accord de Warner Bros pour exploiter les licences Harry Porter, Friends, DC comics, Games of Thrones, etc. Une autre aura internationale sur laquelle miser, tout juste un an après les Jeux de Paris 2024. 

Céline Tridon

Céline Tridon

Rédactrice en Chef