Compensation carbone : comment optimiser ses projets ?

Si l’on entend de plus en plus parler de compensation carbone, le terme reste pourtant flou pour de nombreux entrepreneurs et dirigeants. Eric Beyma, expert référent climat chez Bpifrance éclaircit certains points sur le sujet afin de donner du sens à son projet de compensation carbone sans tomber dans le greenwashing. 

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Projet foyers compensation carbone / Soudan Ecoact
© EcoAct, Projet de foyers améliorés au Soudan

S’il n’est un secret pour personne que la révolution industrielle a engendré une concentration record d’émission de gaz à effet de serre, les entreprises et industries se sentent aujourd’hui concernées par la question environnementale. En effet, elles sont obligées ou ont à cœur de compenser leurs émissions de carbone. Pour Big média, l’expert référent climat de Bpifrance Eric Beyma nous parle de compensation carbone et décrypte la situation afin d'être en mesure de donner du sens aux futurs projets. 

La compensation carbone, qu’est-ce que c’est ? 

Big média : Qu’entend-on par compensation carbone et depuis quand en parle-t-on ? 

Eric Beyma : C’est l’action de compenser ses émissions de carbone, en réalisant des projets qui mènent à la création de crédits carbone ou en achetant ces derniers. Suite à la mise de ce protocole, certaines régions du monde ont mis en place des marchés du carbone. En Europe, il s'agit de l'EU-ETS, aussi appelé Système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne. En parallèle de ce système obligatoire pour certains secteurs s'est créé un système de compensation volontaire, à base de projets pouvant émettre et revendre des crédits carbones sur  le marché volontaire. le dioxyde de carbone (CO2),le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), l'hydrofluorocarbone (HFCs), l'hydrocarbure perfluoré (PFCs) 

Si les industries et entreprises des pays concernés par le pacte sont chargées de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), elles sont aussi amenées à compenser leurs émissions carbones. On peut parler d’un marché.  

BM : Comment cela fonctionne ? 

EB : Les industries très polluantes soumises à ce marché ont le choix entre deux options. La première consiste à entreprendre des actions propres de réduction des émissions, ce qui engendre un trop plein de crédit carbone qu’elles peuvent revendre. La seconde option pour une entreprise se résume à devoir en acheter car elle ne produit pas assez d’actions de décarbonation. Ça fonctionne comme une monnaie sur un marché.  

BM : On entend parfois parler de greenwashing en même temps que de compensation carbone, pourquoi ? 

EB : Si on se prétend vertueux ou neutre parce qu’on a fait de la compensation, c’est embêtant car le vrai sujet est de limiter les actes polluants. C’est trop facile de dire qu’on va faire de la compensation. Si on fait les choses dans le bon ordre, il faudrait commencer par se décarboner intrinsèquement, ce qu’on peut appeler insetting, avec des énergies renouvelables par exemple. Seulement ensuite, si on veut aller plus loin, faire de la compensation carbone. L’amalgame vient du fait que certaines entreprises ne réfléchissent pas du tout à la décarbonation de leur production, et parallèlement se lancent dans des projets de compensation carbone. 

Existe-il une bonne manière de faire de la compensation carbone ? 

BM : Qu’est-ce qu’il faut prendre en compte lorsque l’on veut compenser correctement ses émissions de GES ? 

EB : Il faut être rigoureux dans le choix du projet car ils ne tiennent pas tous leurs promesses et on n’est jamais sûr que ce soit un engagement viable et pertinent, même si l’on est de bonne foi. En effet, si les émissions de GES se font maintenant, il y a un décalage temporel avec le fait que l'arbre planté en compensation pourra peut-être absorber une certaine quantité de CO2 au cours de sa croissance dans des dizaines d'années. Je dirais également qu’il faudrait compenser dans sa chaîne de valeur, sur quelque chose qui a un rapport direct avec son activité. Le projet doit être crédible et raconter une histoire intéressante.  

BM : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon de rendre son projet de compensation viable ? 

EB : Tout d’abord il ne faut pas vendre comme une action de compensation quelque chose qui aurait eu lieu quoiqu’il arrive. Si l’on n’avait pas eu besoin d’émettre des crédits carbones pour que ça se fasse, c’aurait été un projet qu’on aurait pu réaliser de toutes façons car le projet était économiquement viable. Cette notion est importante car on est souvent dans une zone grise. La compensation carbone n’a de valeur que si elle transforme l’environnement, l’économie. 

Pour finir, Je dirai qu’un beau projet de compensation a une dimension robuste environnementale et qu’elle comprend aussi une partie sociale. Par exemple fournir des foyers pour faire du feu à des familles dans le besoin dans des pays défavorisés. Cela évite le brulage sauvage de bois et permet à des individus de vivre avec plus de confort. 

BM : Quels sont les différents labels existants ? 

EB : Il existe des labels avec des standards solides. On peut citer, pour le financement de projets, du Verified Carbon Standard (VCS), du Golden Standard (GS), du Plan Vivo et enfin du Climate Action Reserve (CAR) qui, tous les quatre garantissent que le projet financé répond à des normes et critères internationaux. On peut également mentionner le Label Bas Carbone français.

Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web