Entrepreneur et agriculteur, la double vie de Felix Noblia

Si le secteur agricole connaît des temps difficiles, celui de l’agritech est quant à lui en plein essor. Parmi les acteurs de ce dernier, Felix Noblia, qui porte à la fois la casquette d’entrepreneur et d’agriculteur avec ReGeneration, entreprise œuvrant pour la transition écologique des fermes. Récit.

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Felix Noblia

15 000 milliards d’euros de coûts cachés d'ici 2050. C’est ce que représenterait le secteur de l’agriculture selon Felix Noblia : « A travers l’impact sur les gaz à effet de serre, les ressources en eau, la biodiversité, la perte de diversité cultivée, les impacts sociétaux humains, etc. » Un constat alarmant pour tous les acteurs du secteur et dont Felix Noblia a fait son combat. S’il est aujourd’hui entrepreneur, l’originaire du Pays basque n’avait pourtant pas prévu de s’immiscer dans le monde de l'entrepreneuriat. « Après des études axées autour de la biologie et l’agronomie j’ai repris une ferme en 2008. » Pas forcément partant pour exercer ce métier toute sa vie, le fermier ne s’imagine pas un jour intégrer ou créer une entreprise. « En tant qu’agriculteur il n’existe pas de progression de carrière à proprement parler, poursuit le basque. On est loin de s’imaginer lancer une société puis la faire grandir. » Pourtant, Felix Noblia, comme de nombreux entrepreneurs, va être rapidement concerné par le sujet de l’environnement par le biais de sa ferme. « Je l’ai progressivement fait évoluer dans un modèle régénérateur, poursuit-il. C’est-à-dire avec une pratique qui soit la plus durable et vertueuse possible. »  

Pour y parvenir, l’agriculteur a notamment organisé des circuits courts afin de valoriser ses produits, sous forme coopérative, associative ou individuelle en fonction de ces derniers. « J’ai également mis en place des techniques de non-labour puis de non-travail du sol ainsi que d’optimisation de la gestion des animaux que l’on appelle pâturage tournant, détaille Felix Noblia. Cette dernière consiste à faire changer les animaux de parcelles fréquemment pour optimiser et maximiser la pousse de l’herbe et la génération de biomasse. » Un moyen pour l’agriculteur de gagner en activité sur les prairies tout en diminuant les charges de mécanisation associées. Tout un ensemble de moyens mis en place qui permet de réduire les charges. En effet, entre 2016 et 2017 l’agriculteur a réussi à abaisser les charges totales de sa ferme d’un quart avec des profits qui avaient diminués de 5 %. « Tout cela est possible parce qu’on s’appuie sur des mécanismes de biomimétismes. »  

Agriculture et entrepreneuriat, deux mondes avec des similitudes 

S’il ne l’avait pas prévu, Felix Noblia va bien rejoindre le monde de l’entrepreneuriat, et cela grâce à sa rencontre avec Thomas Rabant. « Nous venons de deux mondes différents », explique l’agriculteur. Et pour cause, ce dernier issu du monde rural, a grandi sur la côte basque et n’en est quasiment jamais parti. Alors que Thomas Rabant à quant à lui sillonné le monde grâce à son poste de directeur de la stratégie de Limagrain, une coopérative agricole et un groupe semencier international détenu par des agriculteurs français. « Nous avons donc des visions très complémentaires des enjeux et des problèmes que ce soient les levées de freins sur la transition agricole de mon côté et les questions de finances vertes et modèles économiques », raconte Felix Noblia. Les deux hommes s’entendent et quelques mois après avoir créé l’équipe naissante de ReGeneration, Thomas Rabant propose à l’agriculteur de les rejoindre.  

Une nouvelle expérience pour Felix Noblia mais un univers pas si éloigné de celui de l’agriculture, où le risque paie selon lui. « J’ai rejoint le monde de l’entrepreneuriat de manière assez naturelle. Ce qui m’a fait évoluer et modifier mes pratiques en tant que fermier, ce sont mes prises de risques qui étaient différentes par rapport à mes pairs agriculteurs. » En effet, selon l’entrepreneur, nombreux sont ceux qui préfèrent ne rien tenter, et rester dans des schémas très sécurisés. « Certaines personnes préfèrent rester en CDI plutôt que de se mettre en danger et tenter l’aventure entrepreneuriale, raconte l’agriculteur. Je n’ai donc pas pris goût au “danger” lors de ma découverte de l’entrepreneuriat mais déjà en tant qu’acteur du secteur de l’agriculture. » 

ReGeneration, la startup qui veut faire changer d’échelle l’agriculture régénératrice 

C’est donc en prenant un nouveau risque que Felix Noblia rejoint l’aventure de l’entrepreneuriat en cocréant en 2021, avec Thomas Rabant, ReGeneration. « Nous avons pour mission d’œuvrer pour accélérer la transition vers l’agriculture régénératrice. » Un enjeu de taille puisque la jeune pousse part du principe que l’agriculture est responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et promeut donc la diffusion de pratiques agricoles régénératrices. « Elles permettent d’accroître la séquestration du carbone et de réduire les émissions des exploitations agricoles », d’après Felix Noblia. Outre le stockage de CO2, l’agriculture régénératrice apporte d’autres points positifs au secteur. « Elle contribue à l’enrichissement de la biodiversité, à un meilleur stockage de l’eau, à assurer une alimentation saine et sûre, et, plus globalement, à accroître la résilience écologique et économique des exploitations agricoles. » 

L’entreprise intervient donc sur le marché du carbone volontaire issu de l’agriculture régénératrice, estimé à 6,2 milliards d’euros à horizon 2030, soit une multiplication de 50 par rapport à 2020, tant les besoins des entreprises dans ce domaine sont amenés à croître, compte tenu de leurs contraintes environnementales exponentielles. « Nous sommes là pour accompagner le risque des changements de pratiques des agriculteurs, qui peuvent engendrer une perte de rendement et nécessitent des investissements, en valorisant les externalités environnementales obtenues, détaille l’entrepreneur. Ces dernières sont mesurées, puis vendues dans les schémas de contribution environnementale des entreprises. » Un moyen pour ReGeneration de financer plus de 500 agriculteurs (soit l’équivalent de 100 000 hectares) vers l’agriculture régénératrice d’ici deux ans, soit potentiellement le stockage de 1,5 million de tonnes de CO2 sur ces sols là pour les 10 prochaines années. 

Emmanuel Lanoe

Emmanuel Lanoe

Rédacteur Web