Alimentation, habitat, industrie… comment Planète-Chanvre accompagne ces secteurs dans leur transition écologique

En Seine-et-Marne, 12 agriculteurs visionnaires ont relancé en 2009 la production de chanvre industriel, sous le nom de Planète-Chanvre. A mi-chemin entre l’agriculture et l’industrie, l’entreprise présidée par Franck Barbier répond aujourd’hui à la demande croissante de ses clients de décarboner leur activité. Portrait.

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graines de chanvre planete chanvre big media
Graines de chanvre

« Comment proposer à la société civile des éco-matériaux ? » C’est la question que se sont posée plusieurs agriculteurs du Nord Seine-et-Marne, en compagnie de Franck Barbier en 2007, alors en quête d’un nouveau défi professionnel. Diplômé d’ingénierie en agriculture et agroalimentaire, ce fils d’agriculteur a déjà repris la ferme familiale en 2004 après plusieurs expériences professionnelles dans ce type d’industrie, aux quatre coins de la France. « Finalement s’est réveillée en moi cette fibre rurale quand mon père a souhaité prendre sa retraite. Je voulais participer à l’effort national de nourrir nos concitoyens, en essayant de trouver d’autres solutions », témoigne Franck Barbier. Une ambition honorable, au regard du déclin du nombre d’agriculteurs en France. S’ils étaient près de 2,5 millions en 1955, ils ne sont plus que 496 000 en 2023, selon la Cour des comptes. 

En cultivant les terres de son héritage familial, l’ingénieur fait plusieurs rencontres professionnelles fortuites. Le lien qu’il crée avec les agriculteurs voisins lui permettent, d’une part, de mettre fin à la solitude qui touche ces derniers, et d’autre part, de découvrir la culture du chanvre industriel (cannabis sativa, en latin). « On a rapidement constitué un groupe de 12 agriculteurs pour aller voir ce qui pouvait être fait avec du chanvre », se souvient Franck Barbier lors de la création en 2009 de l’association et entreprise labellisée Coq Vert, Planète-Chanvre. Avec plus de 900 hectares cultivés par près de 100 producteurs aujourd’hui, la société agricole n’en finit pas de démultiplier les usages de cette plante aux nombreuses vertus ! 

Le choix du chanvre, une plante agroécologique et multifonctionnelle 

« Le chanvre offre tellement de possibilités de débouchés ! » s’enthousiasme Franck Barbier. Utilisé depuis 10 000 ans par l’Homme, il a pourtant vu sa production drastiquement chuter au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ses usages ayant été remplacés. Il connaît cependant un regain d’intérêt à la fin des années 1990, vanté pour son côté écologique et polyvalent. Depuis, la France s’est d’ailleurs peu à peu imposée comme leader sur ce domaine, puisqu’elle est la troisième productrice mondiale de cannabis sativa, derrière la Chine et le Canada ; et première en Europe, d’après FranceAgriMer. 

La pluralité des transformations et utilisations de ce végétal rustique est permise par sa constitution. « Il y a à la fois la graine, qui présente un intérêt nutritionnel pour les humains et les animaux car très protéinée, et il y a la tige. Celle-ci peut être séparée en deux éléments, la fibre avec laquelle on peut tisser du fil, et la chènevotte, située à l’intérieur et qui est un peu plus rigide », détaille l’agriculteur. De quoi proposer en sortie d’usine aussi bien de la litière pour chevaux, que du béton de chanvre ou des fibres végétales pour les industries.  

« C’est une plante peu sensible aux maladies, qui ne nécessite pas de produits phytosanitaires. Nos cultures ne perturbent ainsi pas le cycle de l’eau et de l’air environnant. Comme tous les végétaux, elle capte le carbone présent dans l‘air, qui sera ensuite “fossilisé” une fois le chanvre transformé », poursuit Franck Barbier. C’est dans cette usine située à Aulnoy, entourée de champs, que le président de Planète-Chanvre et ses collaborateurs tentent de continuer à exploiter vertueusement le chanvre. Il a d’ailleurs déjà trouvé quelques transformations intéressantes dont il peut tirer parti. 

Planète-Chanvre, un modèle agro-industriel engagé 

« Il y a 10 ans, le projet était un peu fou et ambitieux, voire risqué, car les problématiques environnementales étaient moins prégnantes », observe l’agriculteur. Il faut dire que cultiver un végétal minutieusement réglementé, tout en supervisant la production industrielle de transformation de celui-ci à des fins commerciales relève bel et bien du défi. Pour y parvenir, Franck Barbier et son équipe ont misé sur le béton de chanvre, un matériau végétal obtenu en ajoutant de la chaux à la chènevotte. « Dans un logement, on peut réduire d’environ 70 % la consommation énergétique grâce à cet isolant naturel. Il gère très bien les variations d’humidité, ce qui permet de chauffer moins, et de disposer d’une bonne inertie à la chaleur, en été », détaille l’ingénieur. 

Planète-Chanvre vend ainsi une partie de sa production à la start-up voisine de 50 mètres, Wall-Up Préfa. Cette jeune pousse achève la construction de murs prêts à l’emploi pour des chantiers environnants. « L’intérêt pour nous est d’avoir recours à du BtoB, dans le BTP, car c’est un secteur enclin à repenser sa consommation énergétique. S’adresser à des professionnels nous permet de massifier la demande, en ne conservant qu’un interlocuteur extrêmement local », explique le président de Planète-Chanvre. Aujourd’hui calibrée pour alimenter la construction de 1 500 logements par an, l’usine Seine-et-Marnaise pourrait bien s’agrandir d’ici peu. « Nous avons prévu un investissement pour un démarrage en 2025 d’une nouvelle entité de défibrage sur notre site », dévoile Franck Barbier, qui souhaite accompagner à plus grande échelle le secteur du textile dans sa décarbonation. 

elc
Emma-Louise Chaudron Rédactrice Web