Immunrise Biocontrol : l’histoire d'une microalgue antifongique, innovation à l’échelle européenne

Spécialisée dans la recherche et le développement de solutions biopesticides, Immunrise Biocontrol a récemment bénéficié de l’accompagnement d’Eurostars, un programme européen destiné aux entreprises à fort potentiel de croissance. Pour Big média, Laurent de Crasto, cofondateur et dirigeant de l’entreprise et Charlotte Glayrouse, directrice adjointe, nous parlent du projet Seeds of lava, réalisé en partenariat avec une entreprise islandaise et en partie financé par le programme Eurostars. 

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Immunrise Biocontrol : l’histoire d’une innovation à l’échelle européenne
©Algalif

L’Europe encourage l’innovation. À ces fins est né Eurostars, une sous-entité du Programme Européen « Horizon Europe », finançant notamment des projets de recherche et développement entre entreprises françaises et étrangères. Grâce à cette solution, de nombreuses sociétés ont pu bénéficier d’un accompagnement et d’un soutien pour accélérer leurs projets d’innovation collaborative. C’est le cas d’Immurise Biocontrol, une structure qui développe des solutions biopesticides destinées à remplacer les pesticides de synthèse à partir d’actifs naturels issus de l’océan.  

Immunrise Biocontrol : start-up spécialisée dans le développement de solutions de biocontrôle pour l’agriculture de demain

Face aux 75 000 tonnes de pesticides de synthèse répandues chaque année en France (la vigne étant le plus gros consommateur), ImmunRise Biocontrol s’engage à proposer des alternatives naturelles et biodégradables pour protéger les cultures. Opératrice d’un projet de microalgues à vocation phytosanitaire, l'entreprise espère développer dans un futur proche l’Amphidinium Carterae, capable de lutter contre un large spectre de champignons phytopathogènes grâce aux molécules naturelles qu’elle produit. À la tête d'Immunrise Biocontrol, Laurent de Crasto, ingénieur agronome spécialisé en viticulture. « En 2015, j’ai eu l’idée de fonder mon entreprise sur la base des travaux de Lionel Navarro, un chercheur ayant réalisé des études sur une microalgue antifongique capable d’éradiquer des champignons », détaille le dirigeant de l’entreprise spécialisée en solutions biopesticides. Aujourd’hui, les équipes d’Immunrise Biocontrol travaillent sur le projet collaboratif Seeds of lava avec Algalif, une entreprise islandaise spécialisée dans la production de microalgues. C’est pour ce projet que la société de Laurent de Crasto a bénéficié du programme Eurostars. Rencontre avec le cofondateur et dirigeant de l’entreprise et Charlotte Glayrouse, qui dévoilent, pour Big média, l’origine de Seads of lava et comment le programme européen leur permet de développer ce dernier.

Big média : Pouvez-vous détailler le cœur d’activité d’Immunrise Biocontrol ?

Charlotte Glayrouse : Nous souhaitons apporter une gamme de biopesticides dans l’agriculture, permettant de protéger les sols et les cultures. Notre solution se veut être une alternative écoresponsable aux pesticides de synthèse et se révèle particulièrement pertinente dans le cadre de la transition agroécologique européenne, mais aussi nationale. A l'échelle locale, notre région, la Nouvelle-Aquitaine, qui porte la surface agricole la plus étendue de France, a lancé l’ambitieuse initiative Néo Terra, qui vise la sortie des pesticides de synthèse à horizon 2030. Il est donc urgent de trouver des solutions.

Laurent de Crasto : Ce qui est intéressant avec notre bio-solution, c’est qu’on touche à des molécules marines qui n’ont jamais été en contact avec les champignons terrestres pathogènes que l’on souhaite éradiquer. Ainsi, ces derniers, qui font diminuer ou détruisent des rendements, n’ont pas eu le temps de développer des résistances face à ces agents que l’on importe de l’océan. Notre innovation se révèle donc être une véritable solution, non seulement efficace mais aussi plus responsable que les pesticides de synthèse.  

« L’idée est de sortir du laboratoire pour aller dans les champs »

BM : Quels sont les enjeux d’une agriculture durable ?

LDC : Ils sont immenses. Il s’agit de la pérennité de nos sols et de la qualité de notre alimentation. Il faut qu’on arrive à trouver des modes de fonctionnement qui soient respectueux et durables. C’est pour cela que j’ai créé Immunrise Biocontrol. Pour que les biopesticides puissent se développer, nous faisons face à des enjeux de production et de coûts associés, d’efficacité, de formulation, de développement, mais aussi de communication. Sur toute la chaine de création de nos biopesticides, nous avons des challenges à relever. Ce constat est en partie dû au fait que nous développons une innovation de rupture et que le marché n’est pas encore bien rôdé. L’accès au marché est conditionné par une démarche réglementaire très longue. D’autre part, les professionnels de l’agriculture doivent prendre confiance en cette nouvelle génération de produits. Nous avons donc un gros travail d’acculturation à réaliser.

BM : Quelles sont les étapes de développement ?

LDC : On partait d’une feuille blanche donc il a fallu que l’on prenne le temps d’étudier quelle microalgue produisait les polychétites dont nous avons besoin. Ensuite, nous avons dû apprendre à produire cette microalgue, Amphidinum Carterae, en quantité laboratoire afin de la tester. Nous avons choisi d’adopter dans un premier temps une approche exploratrice, avant de nous lancer dans l’étape préindustrielle. En parallèle nous avons dû étudier les molécules en vue de passer les réglementations d’homologation. Vient ensuite le moment de la mise en contact de notre microalgue avec les champignons et les plantes. Une fois cette étape réalisée qui prouvera, ou non, l’efficacité de notre solution, nous pourrons nous lancer dans la stabilisation et la formulation puis la production au niveau industriel. L’idée est de sortir du laboratoire pour aller dans les champs.

BM : Vous êtes à l’origine d’un projet collaboratif avec une entreprise islandaise, pourriez-vous nous en dire un peu plus ?  

CG : Nous travaillons avec Algalif, une entreprise islandaise spécialisée dans la production de microalgues, sur Seeds of lava. Ce projet court sur une période de trois ans, depuis septembre 2023 jusqu’à août 2026. Le nom du projet est important car il réunit notre expertise dans le cadre du projet sur les semences et incarne la typicité des sols d’Islande. C’est en effet la géothermie, source d’énergie naturelle et décarbonée très typique des terres islandaises, faites de lave, qui va nous permettre de cultiver nos microalgues à vocation phytosanitaire, l’Amphidinum Carteraes. L’objectif de ce projet est la mise à l’échelle préindustrielle de la microalgue à partir de biomasse micro-algale pour le traitement des semences de céréales et des semences potagères. Nos partenaires sont des leaders en production d’algues. Ils ont des grosses installations, avec notamment des photo-bioréacteurs contenant de l’eau de mer monitorés avec des conditions contrôlées. Notre équipe de production R&D avait identifié que c’était la bonne technologie pour optimiser la culture de notre microalgue. 

Eurostars, un programme qui finance les projets innovants  

BM : Grâce à cette collaboration internationale, vous avez pu bénéficier du programme Eurostars. Comment ce financement a-t-il contribué à soutenir la croissance de votre entreprise innovante ?

LDC : L’accès au marché est conditionné par une démarche réglementaire très longue. En attendant, on ne peut pas générer de chiffre d’affaires, donc on ne vit que grâce aux levées de fonds et aux aides publiques. Le programme Eurostars nous a aidé à mettre le pied à l’étrier de la collaboration internationale avec les Islandais. Grâce à ce programme, on ne va pas payer nos premiers lots de production et nous avons pu couvrir nos dépenses de mise en place de production préindustrielle. En somme, Eurostars nous a permis de renforcer les premières étapes de collaboration avec Algalif. Cette aide nous a permis d’accélérer, de concrétiser et de structurer le partenariat. Ça a également permis de créer un climat de confiance entre nos structures.

BM : Comment ce dispositif encourage-t-il la collaboration européenne et internationale en matière de recherche et innovation au sein d’Immunrise Biocontrol ?

CG : Si on fait une photo des pays européens, on observe énormément de compétences, avec des entreprises aux savoir-faire variés, aux compétences diverses et parfois même des brevets. Si l’innovation de rupture nécessite la combinaison de startups et laboratoires de différents horizons, les solutions comme Eurostars permettent de mettre en relation des structures qui ne se seraient pas croisées en temps normal. C’est cette combinaison qui va faire l’opportunité de l’innovation. Les outils tels qu’Eurostars sont très intéressants car ils créent des climats de confiance et contribuent aux efforts financiers pour générer des solutions innovantes.

BM : Quels sont les objectifs à court et long termes ?

CG : Pour le projet, c’est d’atteindre l’échelle de production préindustrielle avant la fin de la campagne. Nous souhaitons arriver à une capacité de production de 500 kg de biomasse par an, avec un objectif de qualité et un processus optimisé. Globalement, nos objectifs s’orientent de plus en plus vers la maîtrise et la production des actifs, des molécules qui joueront un rôle important. À terme, notre but est d’apporter une solution saine pour rendre l'agriculture durable en commercialisant rapidement notre microalgue marine à vocation phytosanitaire.  

 

Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web