De la transformation locale aux industries culturelles et créatives, les nouvelles stratégies de l’Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest reste la zone africaine généralement favorisée par les entreprises françaises pour leur développement sur le continent. Yves Battesti, chargé de développement senior en Afrique de l’Ouest et du Centre et Christophe Plastre, adjoint responsable régional en Afrique de l’Ouest et du Centre chez Bpifrance, basés respectivement à Abidjan et Dakar, reviennent sur les nouvelles stratégies des Etats ouest-africains qui ne cessent de développer des opportunités d’affaires.

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Abidjian
Le Plateau, quartier d'affaires d'Abidjian

A horizon 2030, on trouvera en Afrique la plus grande zone de libre-échange au monde, la ZLECAf. Dans cette zone, les pays d’Afrique de l’Ouest affichent une croissance en augmentation constante, qui ne devrait pas faiblir avec l’explosion démographique. « Au Sénégal, 60 % de la population a moins de 24 ans et les jeunes en âge de travailler représentent plus de la moitié de la population active », pointe Christophe Plastre, adjoint responsable régional en Afrique de l’Ouest et du Centre chez Bpifrance, basé à Dakar. « La démographie africaine est l'un des principaux atouts structurels qui hissent plusieurs marchés du continent au rang des plus prometteurs au monde », complète Yves Battesti, chargé de développement senior sur cette même zone. Cette statistique prend véritablement forme avec une recrudescence des commandes publiques visant à développer les infrastructures, aussi bien pour les transports, la santé, l’énergie ou la gestion d’approvisionnement en eau. « Toutes ces infrastructures vont permettre de drainer et de renforcer tout un tissu de PME et ETI locales qui participent à la construction de ces chantiers. Cela permet de renforcer et densifier l’économie ». Dans cette stratégie de développement, l’exploitation et la transformation des ressources, à commencer par l’agriculture, devient cruciale.  

Vers une valorisation des matières premières 

A l’instar de l’Afrique de l’Est, les Etats ouest-africains cherchent à atteindre leur souveraineté alimentaire depuis la guerre en Ukraine et le Covid-19. Leur stratégie : substituer les importations avec de la production de blé, mais aussi de céréales locales comme le sorgo ou le mil. Christophe Plastre y voit déjà des opportunités pour les entreprises françaises : « L’industrie agroalimentaire est un secteur où elles sont reconnues pour leur savoir-faire, aussi bien pour la production que pour la transformation ». Sur ce deuxième créneau, l’agro-alimentaire n’est pas la seule industrie concernée. L’adjoint responsable régional s’attarde sur l’exemple de la Guinée, un des plus grands producteurs mondiaux de bauxite. Ce minerai est notamment utilisé pour la production d’aluminium et de gallium, composant essentiel des semi-conducteurs. « Le pays souhaite désormais transformer la bauxite en local de manière à garder la valeur ajoutée sur son territoire, puis de vendre l’alumine en Europe et en Chine ».  

Le Plan National de Développement ivoirien 2021-2025 place également la transformation des matières premières au rang des priorités. Les industriels français peuvent donc avoir une carte à jouer, mais non sans faire attention à leur stratégie de développement sur place. Yves Battesti et Christophe Plastre insistent tous deux : la priorité doit être donnée à la coopération et à la co-construction de projets entrepreneuriaux et industriels, « seule à même d’assurer les transferts de connaissance croisés et leur installation dans la durée » pour le chargé de développement senior en Afrique de l’Ouest et du Centre. 

Le transfert de compétences, la clé de la coopération avec l’Afrique de l’Ouest 

Difficile de se développer sur cette zone sans réfléchir sur la durée. S’associer avec des partenaires locaux devient crucial. « Les entreprises françaises ont l’avantage de proposer un SAV de qualité et de la formation. C’est un avantage comparatif supplémentaire sur le long terme », explique Christophe Plastre. « Le transfert de compétences se fait aussi de l’entrepreneur local, avec toute sa connaissance des marchés et de l’environnement des affaires, vers l’entrepreneur français », poursuit Yves Battesti. La tech pourrait être un des secteurs clés qui pourrait intéresser les entreprises françaises.  

L’Afrique de l’Ouest connaît un rattrapage par rapport aux pôles habituels d’innovation que l’on trouve en Afrique de l’Est et du Sud. « Les fonds de venture capital qui ont fortement investi au Kenya, en Tanzanie, en Afrique du Sud … sont à la recherche de nouveaux débouchés et de nouvelles cibles dans lesquelles investir. Le marché phare actuellement est celui d’Afrique de l’Ouest », souligne l’adjoint responsable régional basé à Dakar. « L'éléphant dans la pièce, c'est le Nigéria, première économie et démographie d’Afrique. Le pays possède un écosystème tech ultra développé et constitue un des berceaux de licornes du continent aux côtés du Kenya et de l'Afrique du Sud », précise Yves Battesti depuis Abidjan. La tech continue de se structurer sur zone avec l’apparition de communautés en local comme avec la French Tech à Lagos ou encore la Lions Tech au Sénégal, qui offrent des opportunités de partenariats internationaux.                                                                                                                            

L’essor des industries culturelles et créatives et le tourisme en Afrique de l’Ouest 

En pleine croissance également, les industries culturelles et créatives (ICC) trouvent leur public en Afrique de l’Ouest. « La classe consommatrice, qui s’accroit notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire, choisit d’orienter une partie de ses revenus vers la culture », indique Christophe Plastre. La Biennale de Dakar, biennale d’art contemporain africain, réunit des milliers de personnes tous les deux ans. Fin 2022 coté mode, la capitale sénégalaise a également accueilli le premier défilé d’une maison de luxe européenne sur le continent africain, celui de Chanel. Côté cinéma, difficile de passer à côté de Nollywood, l’industrie cinématographique nigérienne, la deuxième à l’échelle mondiale. Pathé a d’ailleurs ouvert un multiplex à Dakar plus tôt en 2023 et prévoit l’ouverture prochaine de celui d’Abidjan. Les pays d’Afrique de l’Ouest choisissent également de miser sur le développement de leur tourisme.

Le Sénégal, où le secteur compte pour 7,6 % du PIB, a accueilli 1,8 millions de visiteurs en 2022 et compte dépasser les 3 millions d’ici 2035. Sublime Côte d’Ivoire, le plan de développement du secteur, doit permettre au pays de « devenir d’ici à 2025 la cinquième destination touristique africaine et peser 12 % du PIB » selon le ministre du Tourisme ivoirien Siandou Fofana. « Le gouvernement investit massivement dans les infrastructures et dans les écoles hôtelières pour développer les compétences en hôtels, entre autres », souligne Yves Battesti. Le secteur touristique en plein essor laisse, là encore, entrevoir des possibilités de coopération avec les entreprises françaises.   

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