Avec sa start-up, Anaïs Barut facilite le dépistage des cancers de la peau

A trente ans à peine, Anaïs Barut, co-fondatrice et PDG de Damae Medical, a développé une solution pour améliorer la détection des cancers de la peau et le travail des dermatologues grâce à deepLive, technologie combinant un dispositif d’imagerie 3D et des algorithmes d’intelligence artificielle. Des bancs de l’école jusqu’à la scène du Bang à Big 2023, la lauréate Forbes 30 Under 30 évoque son aventure entrepreneuriale. 

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Anaïs Barut, PDG de Damae Medical

Le nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, et pourtant Damae Medical entend bien impacter la santé de tous les Français. Spécialisée dans la détection des cancers de la peau, la start-up de la French Tech a développé une solution innovante fondée sur la technologie deepLive™, soit l’alliage d’un dispositif d’imagerie 3D, de logiciels et d’algorithmes d’intelligence artificielle capable de détecter, sans avoir recours à une biopsie, d’éventuels cancers cutanés. Grâce à cette technologie de pointe élaborée au CNRS, la jeune pousse cherche à démocratiser sa solution sur le long terme et contribuer sur l’ensemble du territoire, tout comme à l’international, à la prévention des cancers cutanés.  

« Aujourd’hui, 1 cancer sur 3 diagnostiqué est un cancer de la peau – un mélanome ou un carcinome », rappelle Anaïs Barut, co-fondatrice de la start-up qui a levé 5 millions d’euros supplémentaires en 2022 pour accélérer le déploiement commercial de deepLive™ en Europe. Reconnue en 2015 par le MIT (Massachussetts Institute of Technology) comme l’un des dix meilleurs innovateurs français de moins de 30 ans, la jeune entrepreneure relate à Big sa découverte révélatrice de l’entrepreneuriat.  

Une technologie de biopsie digitale combinant IA et imagerie médicale 

DeepLive™repose sur une technologie d’imagerie optique propriétaire de LC-OCT (Line-field Confocal Optical Coherence Tomography), à savoir une technique d’imagerie cutanée non invasive qui génère des images 3D des différentes couches de la peau à l’échelle de la cellule – pour une résolution presque 100 fois supérieure à celle d’une échographie. Les images sont ensuite analysées par des logiciels et des algorithmes d’intelligence artificielle. Avec cet outil, les dermatologues sont en mesure d’étudier, en temps réel, la lésion suspecte sans conduire de biopsie et aussitôt d’établir un diagnostic clinique sur différents types de lésions cutanées (mélanomes, carcinomes, kératoses actiniques, maladies inflammatoires, etc.), puis d’établir un traitement si nécessaire. 

1 cancer sur 3 est un cancer de la peau

Avec entre 140 000 et 243 000 nouveaux cas recensés chaque année (chiffres Santé publique France), les cancers de la peau, dans une très grande majorité des cas dus à une trop forte exposition aux UV, s’avèrent être les cancers les plus fréquents. Mais détectés assez tôt, 90 % d’entre eux peuvent être guéris. « Généralement le dermatologue visualise d’abord vos anomalies cutanées à l’œil nu, ou à l’aide d’une loupe. En cas de doute, il peut être amené à effectuer une biopsie », note Anaïs Barut, rappelant que le résultat peut prendre jusqu’à une quinzaine de jours. « La grande majorité des biopsies sont en fait saines. Mais ce temps d’attente peut être anxiogène, sans parler des coûts assumés par les systèmes de santé ». Or, grâce à deepLive™, la start-up offre un gain de temps considérable aux dermatologues – et de facto aux patients. 

Mais ce n’est pas tout. « Certains mélanomes, à un stade très précoce, ne sont pas diagnostiqués car le dermatologue n’identifie pas assez de symptômes flagrants à la surface de la peau », remarque à juste titre Anaïs Barut. « C’est pour répondre à ce vrai problème de santé publique qu’on a développé un microscope non-invasif qui s’utilise directement sur le patient », détaille-t-elle. Un dispositif innovant et non invasif qui n’a pas pour but d’effectuer le travail des dermatologues à leur place mais, bien au contraire, de leur venir en appui. Au-delà du diagnostic et du suivi du traitement, cette solution doit leur permettre également de « suivre le traitement, connaître l’étendue de la pathologie pour guider l’acte chirurgical, éviter des ré-opérations ou bien des risques de récurrence », explique la co-fondatrice de Damae Medical.  

Damae Medical, un projet entrepreneurial impactant 

Lorsqu’elle fonde Damae Medical en 2014, Anaïs Barut est alors ingénieure étudiante à l’Institut d’Optique Graduate School (IOGS), où elle se spécialise en entrepreneuriat dans l’innovation. « J’étais en quête d’impact, je voulais travailler sur un projet qui me passionne, se confie-t-elle. L’entrepreneuriat m’a immédiatement plu. J’avais le bon mindset et le dynamisme pour, mais il me manquait encore le projet ». A 22 ans seulement, l’entrepreneure dans l’âme fait alors la rencontre de deux personnes qui l’épauleront dans la création de l’entreprise : David Siret, étudiant de sa promotion, actuel directeur technique de la start-up, ainsi qu’Arnaud Dubois, enseignant chercheur ayant inventé et breveté la technologie deepLive™.  

« On s’est rapidement associés autour de cette nouvelle technologie d’imagerie médicale. L’objectif était de créer une start-up deeptech autour d’un dispositif médical couplant de l’optique, du software, de l’engineering et de la data science », précise la PDG. Après plusieurs années de tests et de nombreux prototypes, la jeune pousse obtient, en 2020, le précieux marquage CE et lance enfin l’industrialisation et la commercialisation de sa solution. « Toutes ces étapes franchies nous procurent énormément de fierté », déclare Anaïs Barut en écho au thème de Big 2023. 

Un projet Healthtech innovant soutenu par Bpifrance 

L’aventure entrepreneuriale de la co-fondatrice de Damae Medical est jalonnée de plusieurs moments de fierté. « Au moment de la création de la société, en 2014, on continue la R&D au sein du laboratoire et on recrute nos premiers ingénieurs – tout cela rendu possible grâce au soutien financier de Bpifrance, qui pour moi est unique au monde », se remémore l’ingénieure lauréate du concours d’innovation i-Lab en 2015 ainsi que du Concours d’innovation, tous deux organisés par Bpifrance. Anaïs Barut intègre dans la foulée l’incubateur parisien Agoranov, au sein duquel elle peut compter sur d’autres entrepreneurs de la Medtech prêts à la conseiller. C’est dans cette bonne dynamique que la jeune pousse commence à nouer des partenariats avec des hôpitaux universitaires, à l’instar du C.H.U de Saint-Etienne. « A ce moment-là, je me suis sentie fière mais aussi privilégiée d’appartenir à un système structuré, accompagnateur et unique », déclare l’entrepreneure.  

Une solution de dépistage qui séduit les dermatologues 

Vient enfin, en 2020, le lancement du produit, certes mouvementé mais qui constitue là encore une source de fierté supplémentaire pour la présidente de Damae Medical. « On cible un congrès international. On est en plein Covid, donc c’est un congrès digital. On prépare tout ce qu’il faut – contenu marketing, support digital, stand, vidéos promotionnelles, etc. A la fin de la journée, une seule personne est passée sur notre stand et a vu notre vidéo. C’est alors une grande désillusion. Est-ce que notre marché existe vraiment ? », s’interroge alors la dirigeante, soucieuse. Mais quelques mois plus tard, à l’occasion d’un congrès à Séville, Anaïs Barut rencontre pour la première fois des dermatologues, unanimement enthousiastes. « Sept ans après la création de la société, on a enfin un retour de nos utilisateurs, se souvient-elle. Ça a été une immense fierté collective que de les entendre parler du produit et voir cette technologie développée en France rayonner à l’international ». 

Comment la PDG pourrait-elle être encore plus fière de son entreprise à l’avenir ? Pour Anaïs Barut, cela tient avant tout à une chose : « que notre technologie puisse être proposée à l’ensemble des patients français », supposant donc une prise en charge généralisée et un remboursement des soins. « La route est encore longue, mais on a déjà franchi de belles étapes. On en est extrêmement fier ». Et il y a de quoi !  

 

Felix Tardieu

Felix Tardieu

Rédacteur Web