Plan Deeptech : quel impact sur les startups du secteur avec l’exemple d’Alice & Bob

Le Plan Deeptech, qui vise à faire émerger les leaders économiques de demain dans le domaine des technologies de rupture, accompagne depuis cinq ans les startups du secteur. Parmi elles, Alice & Bob, une deeptech spécialisée dans le domaine du calcul quantique a levé 30 millions d’euros depuis sa création en 2020. Chloé Poisbeau, COO (Chief Operating Officer, Directeur des Opérations) de l’entreprise revient avec Big média sur l’aide apportée par le Plan Deeptech à Alice & Bob.  

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Chloé Poisbeau

1 300. C’est le nombre de startups deeptech créées depuis le lancement du Plan Deeptech en 2019. Cette décision du gouvernement est destinée à créer les leaders économiques de demain dans le domaine des technologies de rupture et de faire de la France l’un des principaux acteurs du secteur. Autre point positif du Plan Deeptech : la création de startups. En effet, 340 pépites deeptech ont vu le jour depuis l’an dernier, soit une hausse de 6 %. C’est plus du double par rapport à 2018.  

Alice & Bob référence française du Calcul Quantique  

De nombreuses startups ont donc été accompagnées à travers ce plan, y compris Alice & Bob, reconnu aujourd’hui comme l’un des leaders dans le domaine du Calcul Quantique. La deeptech, co-fondée en 2020 par Raphaël Lescanne et Théau Peronnin, a notamment réalisé une levée de fonds de 30 millions de dollars lors de sa Série A afin de mettre au point un ordinateur quantique reposant sur des "qubits parfaits".  

Outre cette innovation, l’entreprise a également ouvert de nouveaux bureaux à Boston (Etats-Unis) et prévoit aussi d’inaugurer prochainement sa première usine en Île de France afin de permettre une fabrication encore plus rapide des puces tout en continuant à améliorer ses designs. Une ascension à mettre également sur le compte du Plan Deeptech et dont. Chloé Poisbeau, COO de l’entreprise, revient lors de cet entretien.  

 

« J’étais très heureuse de voir que la deeptech devenait un enjeu national » 

 

Big média : Quelle a été votre réaction il y a 5 ans, lors de l’annonce du Plan Deeptech ?  

Chloé Poisbeau : Enfin ! Au moment de l’annonce du plan je travaillais chez Agoranov, un incubateur spécialisé dans l’accompagnement des deeptechs qui a l’habitude de suivre des chercheurs sortant de la recherche publique pour créer des entreprises. Il existait également depuis de nombreuses années des parcours qui les soutenaient comme HEC challenge +, le programme d’accompagnement du CNRS, RISE et Deeptech Founder qui est arrivé plus tard. L’enjeu principal et la grosse difficulté des deeptechs depuis 1999, repose sur le financement. Lorsqu’il y a une technologie disruptive, le financement privé est difficile et plus particulièrement sur des sujets hardware.  

J’étais très heureuse de voir que la deeptech devenait un enjeu national et plus seulement pour quelques acteurs. Tout cela a un impact à la fois sur les financements publics mais aussi sur la vision des financeurs privés. Puisque soutenus par l’Etat, ces derniers trouvent le secteur plus attractif et se sentent capables de soutenir des startups deeptech. Je pense que c’est très porteur comme initiative.  

BM : Quels enjeux représente le plan our le secteur de la Deeptech ?  

CP : Cette initiative plante des graines et donne des exemples. Il génère également plus de possibilités au niveau de la création de startups. D’un seul coup nous avons davantage de chercheurs qui se sentent capables de « franchir le cap ». C’est quelque chose qui est devenu plus connu de tous et ça lance une dynamique.  

Cet effet est d’ailleurs porteur sur de nombreuses années. Par exemple, chez Alice & Bob nous faisons partie d’une vague de deeptechs qui pourra servir d’exemple à d’autres créateurs de startups issus de la recherche qui se diront : « C’est possible. Ce n’est pas une voie facile mais on peut trouver du financement et l’écosystème se porte bien. »  

 

« Le fait que Bpifrance soit un point d’entrée et d’ancrage du secteur simplifie les choses pour les entrepreneurs » 

 

BM : De quelle façon le plan vous a-t-il accompagné au cours du développement de votre entreprise ?  

CP : Par le biais des concours comme i-PHD, i-Lab, et I-Nov. Le fait que Bpifrance soit un point d’entrée et d’ancrage du secteur, à travers ces dispositifs, simplifie les choses pour les entrepreneurs. Le Plan Deeptech a éclairé de nombreux acteurs sur l’ensemble des sujets du secteur et a permis de donner une définition commune à ce qu’était une start-up deeptech. Il a planté le décor en quelque sorte.  

Ce qui est intéressant maintenant c’est de voir comment ce plan va s’emparer de la suite. Nous arrivons actuellement à la fin d’un chapitre. Est-ce que l’objectif est de rester uniquement sur la phase d’amorçage et de Série A, qui fonctionne actuellement ? Aujourd’hui chez Alice & Bob, nous arrivons dans une phase de scaleup la vraie interrogation va être de savoir comment le plan deeptech va accompagner de tels acteurs dans le futur. Même s’il récolte déjà beaucoup de fruits, et d’étudier comment cet arbre va t’il continuer de grandir ?  

BM : Qu’est-ce que le Plan Deeptech peut encore vous apporter et qu’attendez-vous de cet outil sur le long terme ?  

CP : La suite des enjeux pour les startups qui vont arriver au stade de scale-up, c’est d’avoir la capacité de rester en partie françaises ou européennes. Et, ce, malgré une raréfaction des dispositifs de financement, au niveau français et européen sur des très gros montants. Il faut réussir à accompagner cette transition, pour les pépites vers le statut scale-up, certainement avec de la coordination entre les actions françaises et européennes pour faire un effet levier. Il est également important d’avoir la capacité, via les fonds Bpifrance qui effectuent un travail impressionnant, de motiver d’autres fonds privés à s’intéresser aux Deeptechs et oser prendre des risques au niveau des investissements de ce secteur.   

Il est nécessaire également d’encourager le secteur privé d’entreprise afin de permettre l’investissement, l’achat ou le partenariat de manière plus fréquente pour aider les sociétés à passer à la phase suivante. Même chose pour ce qui est de dynamiser le vivier de financement pour les prochaines phases. Nous possédons énormément de deeptechs au sein de l’Hexagone, avec un vivier de recherches très dense et performant.  

 

« Nous avons sur le territoire français des acteurs qui sont capables de challenger les géants américain » 

 

BM : En quoi le Plan Deeptech est-il à même de vous aider pour vos prochaines échéances ?  

CP : Parmi l’ensemble des financements, nous nous attendions évidemment à être aidés par le Plan Deeptech, puisque chaque euro est important dans cette course au quantique. C’est un mix entre un sprint et un marathon parce que le marché n’est pas encore à portée de main et en même temps on lutte face à des acteurs qui sont très différents. Nos concurrents principaux, tels que AWS ou Google, ont des niveaux de financement d'une autre échelle. De notre côté, nous n'avons pas à rougir de nos innovations.  

C’est une situation assez rare car nous avons sur le territoire français des acteurs capables de "challenger” les GAFAM. Chaque aide, accompagnement, facilitateur du développement est un point très important dans notre aventure.  

Emmanuel Lanoe

Emmanuel Lanoe

Rédacteur Web