Biomimétisme : Comment CorWave prévoit d’aider les patients atteints d’insuffisance cardiaque

La healthtech CorWave est en passe de révolutionner le quotidien de patients atteints d’insuffisance cardiaque grâce à un procédé inspiré de la nature. Rencontre avec Louis de Lillers, CEO de la startup.  

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Louis de Lillers

« Notre mission est d’aider les chirurgiens et les cardiologues à sauver les patients atteints d’insuffisance cardiaque, mais aussi d’offrir à ces patients une vie pleinement active », partage Louis de Lillers, le CEO de la startup CorWave. Si ces volontés sont communes à tous les fabricants de pompes cardiaques, la healthtech créée en 2012 se démarque par le principe de fonctionnement de ces dernières, inspiré de la nature.  

Alors que l’insuffisance cardiaque touche 64 millions de personnes dans le monde, Big média a rencontré Louis de Lillers pour en apprendre davantage sur les volontés de la startup, qui vient d’inaugurer son usine à Clichy. 

Big média : Vous avez développé une pompe cardiaque un peu particulière, pouvez-vous nous en dire plus ?  

Louis de Lillers : Nous avons développé une technologie de rupture qui s’inspire de la nature. On parle de biomimétisme. Notre pompe cardiaque tend à imiter la nage ondulatoire des animaux marins. Mais ici, ce n'est pas un poisson qui se déplace dans l'eau mais une membrane, prisonnière de la pompe, qui reproduit cette ondulation. C’est donc le liquide qui se déplace et non la membrane, mais c’est exactement la même mécanique des fluides. C'est pourquoi on peut parler de rupture, car depuis la haute Antiquité, l’Homme fabrique des pompes, avec les travaux dans le Delta du Nil par exemple. Pourtant, jamais l’humanité n’avait utilisé cette technologie propre aux animaux marins. Ce procédé a mûri dans la tête d’un ingénieur des Arts et Métiers et notre mission a été de transformer cette invention en innovation. C’est énormément de travail, car c’est une technologie sophistiquée et on l’applique au domaine le plus exigeant qui soit, celui des pompes cardiaques. On n’a pas le droit à l’erreur car on va mouvoir du sang, qui est un fluide particulièrement délicat. 

« Notre métier a été de transformer cette invention en innovation » 

BM : Qu’est-ce qui démarque votre innovation des autres pompes cardiaques ?  

LDL : Aujourd’hui les pompes d’assistance circulatoire sont posées aux patients les plus malades, ce qui représente une minorité de patients. Ces dispositifs, quand bien même bien qu’ils apportent une qualité de vie extraordinaire, sont associés à un niveau de complication assez important, et le ratio bénéfice / risque n’est pas assez avantageux.  

On pense que notre dispositif CorWave va permettre d’une part de réduire les complications et d’autre part d’améliorer la qualité de vie des patients et de faciliter le travail des professionnels de santé. Les dispositifs actuels ne permettent pour le moment qu’une vie au ralenti car ils pompent toujours le même débit et ne vont pas s’adapter à l’activité physique du patient. Notre pompe va s'activer davantage si vous montez les escaliers et moins si vous dormez. Enfin, nous développons notre pompe pour qu’elle soit en symbiose avec le cœur natif. On pense qu’elle va permettre une récupération du cœur. En effet, on a observé que des pompes pulsatiles d'ancienne génération, bien que trop lourdes, entraînaient plus de rémissions du cœur.  

BM : Vous avez commencé vos essais cliniques et avez inauguré votre nouvelle usine à Clichy le 9 octobre dernier. Où en êtes-vous aujourd’hui ?  

LDL : Les pompes cardiaques, c’est l’Himalaya de la medtech. Dans ce domaine, entrer en phase clinique est très long. Le leader a passé 16 ans en recherche et développement (R&D, NDLR). En revanche, après, ça va très vite ! Au bout de quelques mois, l’entreprise commençait déjà à vendre ses dispositifs. De notre côté, on est à la fin d’une décennie de R&D et on s’apprête à rentrer en phase clinique. Pour assurer des essais concluants, nous avons décidé d’ouvrir une usine nous permettant de produire en série notre pompe. En effet, dans le domaine, c’est très important d’avoir des unités similaires.  

Avant même la phase clinique, on a donc fait le choix d’industrialiser la fabrication de notre pompe pour être sûr qu’on aurait des unités identiques, avec les performances attendues et des qualités médicales reconnues. Quitte à industrialiser notre innovation, autant préparer le passage à l’échelle. Notre usine est aujourd’hui programmée pour faire en une rotation l’équivalent de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires. Nous avons même eu l’occasion de tester notre technologie, et ce dans les conditions les plus difficiles. 

« Si notre innovation représente une révolution technologique, on aimerait également que ce soit une révolution médicale » 

BM : À quels défis avez-vous du faire face pour mettre au point cette innovation de rupture ?  

LDL : Nous avons dû faire face à des défis technologiques et ensuite financiers. Technologiques et industriels dans un premier temps, car il a fallu trouver les bonnes personnes qui ont l’expertise, l’énergie et l’expérience nécessaires pour développer ce type de projet. En ce qui concerne CorWave, on a la chance d’avoir une équipe de direction qui a participé à de grandes réussites et succès médicaux, et notamment dans les pompes cardiaques. Notre directeur industriel, par exemple, a déjà monté deux autres usines de pompes cardiaques. La dernière, il l’avait fait passer de quasiment zéro à 300 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel. Concernant les autres fonctions, on a des personnes d’origine anglosaxonne avec des profils similaires. Dans les rangs de l’équipe, on a beaucoup d’ingénieurs qui ont fait leurs premières armes dans d’autres sociétés industrielles. 

Côté financement, lorsqu’on dispose d’une technologie qui fonctionne, qui est très différenciée, et attendue par des chirurgiens et qu’il y a une bonne équipe, je ne dirais pas que c’est facile, mais ça aide. Sur ce point, Bpifrance entre autres a joué un rôle de catalyseur pour apporter des financements, notamment privés, ce qui nous a beaucoup aidé

BM : Comment avez-vous prévu d’acculturer le monde de la santé cardiaque à votre innovation ?  

LDL : La pompe, de l’extérieur, ressemble énormément à ce qui se fait aujourd’hui. C’est la même implantation chirurgicale et donc proche en termes d’utilisation. Cependant, elle a pour objectif d’être plus facile à utiliser.  

Si notre innovation représente une révolution technologique, on aimerait également qu’elle soit médicale, mais ce n’est pas une révolution dans la pratique. Il s’agit de la même chirurgie, du même code de remboursement, pour les mêmes patients, au sein du même parcours de soin. 

Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web