Intelligence artificielle générative : de quoi parle-t-on ?

Capable de générer des images, des vidéos, voire de la musique, l’intelligence artificielle (IA) générative reproduit la capacité cognitive humaine de manière globale et polyvalente. Entre aubaine pour les entreprises et source de questionnement au niveau éthique, on fait le point sur l’une des avancées technologiques majeures de la décennie.

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IA generative
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Le pape François vêtu d’une longue doudoune blanche Balenciaga, Emmanuel Macron en plein sprint à l’occasion d’une manifestation à Paris ou encore Barack Obama mangeant une glace sur la plage en compagnie d’Angela Merkel. La génération d’images par des intelligences artificielles comme Midjourney est bluffant de réalisme. Contrairement à l'IA spécialisée, qui se concentre sur des tâches spécifiques et limitées, cette dernière aspire à une compréhension et des compétences comparables à celles d'un être humain dans une grande variété de domaines. Une avancée technologique majeure non-exempte de quelques points d’interrogation.

Qu'est-ce que l'IA générative ?

L'intelligence artificielle générative (IA générative) est une catégorie d'IA qui se concentre sur la création de données, de contenu ou de choses artistiques, de façon indépendante. Elle diffère de l'IA classique, qui se concentre, quant à elle, sur des tâches spécifiques telles que la classification, la prédiction ou la résolution de problèmes. L'IA générative vise à produire de nouvelles données qui ressemblent à celles créées par des êtres humains, que ce soit sous forme de texte, d'images ou encore de musique par exemple.  

Comment fonctionne l'intelligence artificielle générative ?

L'IA générative fonctionne en utilisant des modèles d'apprentissage automatique (modèle Machine Learning) pour créer du contenu de manière autonome. L'une des techniques les plus couramment utilisées en IA générative est l'utilisation de réseaux de neurones artificiels : les réseaux génératifs adverses (GAN) et les réseaux de neurones récurrents (RNN). Les GAN reposent sur une architecture composée de deux réseaux de neurones dits concurrents : un générateur qui crée une image et la transmet à un discriminateur qui détermine si l'image est réelle ou synthétique. Quant aux RNN, ils sont le plus souvent utilisés pour générer du texte ou de la musique.

Exemples d'intelligence artificielle générative

  • ChatGPT : un chatbot développé par OpenAI, capable de générer du texte de haute qualité et de répondre à des questions ;
  • DALL-E : créé par OpenAI, cet outil permet de générer des images à partir de requêtes textuelles, d'effectuer des retouches sur des images et de créer des variations à partir d'images existantes ;
  • Midjourney : une intelligence artificielle génératrice d'images très puissante qui rivalise avec DALL-E et Stable Diffusion pour la création d'images synthétiques réalistes ;
  • Stable Diffusion : une technique d'entraînement de réseaux génératifs permettant de produire des images haute résolution de grande qualité ;
  • Bard : concurrent de ChatGPT, c'est une intelligence artificielle (IA) développée par Google, conçu pour engager des conversations et générer différents types de texte.   

Quelle utilisation de l’IA générative ?

Les applications de l'IA générative sont variées. On peut les utiliser pour créer de l'art généré par ordinateur, des textes automatiques, des modèles 3D, des musiques, des vidéos et bien plus encore. Ils sont également utilisés dans des domaines tels que la génération de contenus pour les jeux vidéo, la création de visuels pour la publicité et même la génération de médicaments. L'intelligence artificielle générative permet donc de créer tout type de contenu, que ce soit du texte, des images, des vidéos ou de la musique. 

Texte

Démocratisé par ChatGPT fin 2022, la génération de texte via une intelligence artificielle a explosé en seulement quelques mois. Gagner du temps, être plus efficace ou demander moins de ressources, tous les prétextes sont bons pour avoir recours à l’IA génératrice de texte. Si l’ordinateur n’a pas (encore) remplace l’humain dans son travail, ce que certaines IA sont capables de rédiger est assez bluffant. Ces générateurs de texte ont appris à jongler avec des milliards de mots sur le web, utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique pour transformer une simple requête d’utilisateur en un article complet. 

Images

Un générateur d’image avec intelligence artificielle est un type de logiciel qui va être à même de créer des images à partir de données brutes. Voici 10 exemples de générateurs d’images à l’aide d’une IA :  

  • Dream 
  • Craiyon 
  • Starry AI 
  • MidJourney 
  • Pixray 
  • Jaspert Art 
  • GauGAN2 
  • Neural.love 
  • Wombo 
  • Imagen AI.

Vidéos

Plusieurs modèles d’intelligence artificielle permettent de créer des vidéos à partir de quelques mots tapés dans une barre de recherche. Les outils de génération de vidéos IA Fliki, Flexclip, Pictory, Elai ou encore Lumen5 progressent à une vitesse folle et sont à même de générer un film ou un clip vidéo en quelques secondes. 

Musique

Plus besoin d’être un artiste chevronné pour poster en ligne sa musique. Si depuis quelques années, certains compositeurs utilisent les IA pour générer de la musique, la pratique est désormais accessible au plus grand nombre. Via des intelligences artificielles telles que SongR, Riffusion, Voicemod, Boomy ou encore Beatoven, la création de jingles ou de chansons devient un véritable jeu d’enfants. En témoigne le « faux » titre de la chanteuse belge Angèle, écouté et liké des millions de fois, mais créé de toute pièce grâce à une IA de ce type. 

L'intelligence artificielle générative en entreprise


L'IA générative offre de nombreuses possibilités aux entreprises, notamment :

  • Création de contenu : elle peut générer automatiquement du texte, des articles, des rapports, des emails et même des messages marketing, permettant de gagner du temps dans la production de contenu ;
  • Conception graphique : l'IA générative peut être utilisée pour la création d'images, de logos et de designs, facilitant ainsi la création visuelle pour les entreprises ;
  • Optimisation des opérations : l'IA générative peut aider à optimiser les opérations en générant des modèles de prévision, en planifiant la logistique ou en optimisant les chaînes d'approvisionnement ;
  • Support client : elle peut automatiser les réponses aux requêtes des clients, offrant ainsi un support sans faille via des chatbots ;  
  • Créativité : elle peut stimuler la créativité en générant des idées ou en collaborant avec les équipes créatives ;
  • Sécurité : elle peut être utilisée pour détecter les menaces de sécurité en analysant des données. 

L'usage de l’IA générative dans les TPE et PME 

Un besoin de pédagogie sur le fonctionnement des IA génératives  

La toute dernière étude Bpifrance Le Lab est sans appel : la révolution des IA génératives n'a pas encore eu lieu dans les TPE et PME. 72 % des dirigeants ayant répondu à cette enquête n'utilisent pas ces outils par choix ou n’en perçoivent pas l’usage. En revanche, un « shadow  AI» est susceptible de s’être développé par endroit : c’est-à-dire un usage masqué, non déclaré au supérieur par les collaborateurs.

Si les dirigeants de TPE et PME commencent tout juste à s’emparer des outils d’intelligence artificielle générative, cela reste encore bien marginal. Les raisons résident dans le manque de connaissance des usages potentiels de ces dernières. Si ces outils peuvent être un accélérateur pour certaines tâches d’écriture, reporting, analyse et construction de différents documents, les dirigeants ne semblent pas en saisir toutes les applications et le niveau de bouleversement qu’ils impliquent. Pour certains métiers, ne pas s’approprier ces outils génèrera un retard qui pourrait leur être fatal. Selon Xavier Lazarus, managing partner du fonds d’investissement Elaia : « Ne pas embrasser totalement ce changement de paradigme, c’est non seulement prendre le risque de rester à l’écart du progrès, mais également de perdre toute pertinence à l’avenir. » Selon le cabinet Roland Berger, 32 % des emplois dans le secteur privé en France sont directement exposés à une automatisation. Et pour tous les autres, cela représente autant d’opportunités manquées. 

Moins d’un dirigeant sur cinq utilise les IA génératives… 

Selon l’enquête Bpifrance Le Lab, 15 % des dirigeants de TPE et PME déclarent utiliser les IA génératives. L’utilisation varie selon les secteurs et atteint 24 % parmi les patrons du secteur des services. Les moins familiers avec les IA génératives sont les chefs d’entreprise des secteurs de la construction (4 %) et des transports (5 %), alors que les dirigeants de l’industrie et du commerce sont proches de la moyenne (respectivement 12 % et 11 % à les utiliser de manière régulière ou occasionnelle). L’utilisation des IA génératives par les dirigeants de PME (20 %) est légèrement supérieure à celle des dirigeants de TPE (15 %). Si ces résultats semblent faibles, ils sont en réalité en ligne avec le reste des Français, qui sont aussi 16 % à utiliser les IA Génératives selon une étude de l’Ifop / Talan datée de mai 2023. 13 % des dirigeants déclarent néanmoins vouloir s’en servir prochainement, démontrant au moins une curiosité envers ces technologies.

 … mais leurs collaborateurs utilisent ces IA dans l’ombre 

Dans la grande majorité des dirigeants qui déclarent ne pas vouloir utiliser les IA génératives, 14 % d’entre eux ne les utilisent pas par choix ou en ont interdit l’usage en entreprise. 58 % n’ont d’ailleurs pas l’intention des les utiliser à court terme. Pourquoi ? 10 % des dirigeants craignent une mauvaise utilisation des outils d’IA par leurs collaborateurs, à l’image du partage de données confidentielles ou un manque de vérification des réponses données par les outils. 14% des répondants en ont d’ailleurs interdit l’usage au sein de leur société. Mais selon la même étude Ifop/Talan de mai 2023, parmi les 16% des Français déclarant utiliser les IA, 44 % les utilisent dans le cadre professionnel et privé, et 68 % d’entre eux déclarent ne pas le dire à leur supérieur.

L’utilisation de ces outils en entreprise peut donc être plus répandue qu’on ne le croit, selon Stéphane Amarsy, fondateur de The Next Mind, avec une utilisation « dans l’ombre » (en anglais « shadow AI »). Au lieu d’interdire, les dirigeants gagneraient peut-être à ouvrir un dialogue afin de mieux comprendre les usages qui sont fait de ces outils.
 
Retrouvez l’intégralité de l’étude Bpifrance Le Lab sur les IA génératives
 

L’IA générative : évolution ou révolution ?

Chat GPT, QuillBot, DALL-E… Quelques mots clefs tapés dans l’un de ces outils d’IA générative suffisent désormais à un internaute pour générer une image, texte, une vidéo, voire un programme informatique. Si ce phénomène de création n’est pas nouveau, il est aujourd’hui accessible à portée de clics. À l’origine du phénomène, Chat GPT, lancé en collaboration ouverte fin 2022 par la société Open AI, qui a permis au plus grand nombre de se familiariser gratuitement avec l’intelligence artificielle et ses multiples possibilités. 
 
Si Chat GPT 3.5, accessible gratuitement en ligne, n’est qu’une IA spécialisée se limitant au texte, sa version 4, en service payant, est une intelligence artificielle générative. Chat GPT 4 dépasse en effet le simple stade du deep learning (procédé d'apprentissage automatique utilisant des réseaux de neurones possédants plusieurs couches de neurones cachées, NDLR) en étant capable de résonner comme un cerveau humain pour produire n’importe quel type de contenu. En ce sens, la démocratisation de ces outils est une révolution. Y compris pour les entreprises, puisqu’elles entrevoient un levier potentiel majeur d’amélioration de la productivité. Néanmoins il convient de garder en tête que ces modèles d’IA s’appuient sur des techniques développées depuis le milieu des années 2010.

Une régulation de l’IA générative possible ?

L’être humain réduit à l'état d'avatars et exploité comme source d'énergie pour alimenter la Matrice ? Le futur dystopique du film Matrix faisait froid dans le dos à sa sortie en 1999. Presque 25 ans plus tard, la réalité n’a heureusement pas dépassé la fiction, mais le développement de l’IA générative n’est pas sans poser des questions d’ordre éthique. Comment être certain que l’intelligence artificielle, qui envahit déjà de nombreux pans de notre quotidien, ne soit pas biaisée ? Capable de réfléchir par elle-même, est-elle à même de duper celui qui s’en sert pour le manipuler ?  
 
Une faille globale (erreur, discrimination…) au sein d’un outil d’intelligence artificielle pourrait avoir un impact mondial et causer un préjudice pour des millions de personnes. Doit-on brider l’innovation et légiférer ou au contraire laisser le champ des possibles aux ingénieurs ? L’Union Européenne, à travers l’IA Act (Artificial Intelligence Act), travaille depuis plusieurs mois déjà sur un projet de réglementation de l’intelligence artificielle. L’objectif est de garantir la sécurité et le droit des utilisateurs tout en permettant le développement des différents outils. Si les approches diffèrent, les Etats-Unis, avec un projet piloté par la National Telecommunications and Information Administration, et la Chine, à travers la Cyberspace Administration of China, souhaitent également une régulation rapide de l’IA.

Simon NAPIERALA
Simon Napierala Redacteur web