La mise aux normes environnementale des bâtiments culturels : entre nécessité écologique et authenticité patrimoniale

Comment rénover un bâtiment culturel pour coller aux normes environnementales ? A l’heure de la transition et de la planification écologique, les acteurs de la culture s’organisent. L’innovation, notamment dans le secteur du BTP, est l’une des grandes lignes directrices de ces changements.

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Les édifices culturels sont eux aussi concernés par les enjeux de performance énergétique.
Les édifices culturels sont eux aussi concernés par les enjeux de performance énergétique.

Entre savoir-faire séculaire des métiers d’art et innovation technique et scientifique, le monde de la culture se met au diapason des enjeux écologiques et du développement durable. La restauration des bâtiments, clé de voûte pour une transition réussie, est au cœur des aspirations. Face à l’urgence climatique les acteurs de cette évolution avancent, pierre après pierre vers un bâti plus écologique. Il s’agit de repenser le patrimoine et de construire de nouvelles perspectives d’écoresponsabilité, pour une meilleure transmission.  

 

L’utilisation de matériaux écologiques pour répondre aux normes environnementales 

La conciliation des enjeux de la transition énergétique et de la protection du patrimoine culturel (architectural, mais aussi urbain et paysager) est un objectif affiché du ministère de la Culture. Il se base notamment sur sa « Feuille de route pour la transition écologique de la culture », et les villes lui emboîtent le pas. L’objectif : améliorer la performance énergétique du bâti existant et des sites patrimoniaux remarquables. Karen Taïeb est adjointe à la Marie de Paris en charge du patrimoine, de l’histoire de Paris et des relations avec les cultes. Elle illustre la transition écologique à l’œuvre dans le secteur de la culture par cette nouvelle importante : la restauration de la toiture de l’Eglise Saint-Martin des Champs, dans le Xème arrondissement dans une optique de réhabilitation thermique, a fait l’objet d’un protocole opératoire scientifique à vocation environnementale. 

En lien avec la DRAC, la Direction régionale des affaires culturelles, ce comité expert s’est réuni sur les problématiques de développement durable et a conclu qu’il était possible d’utiliser, pour ce chantier, des matériaux de construction à la fois durables et écologiques. « Nous sommes parfois dans l’obligation d’utiliser du plomb, qui reste très efficace pour isoler car facilement malléable. Les architectes n’ont pas toujours de matériaux de remplacement à disposition. Mais pour ces travaux d’isolation (de l’Eglise Saint-Martin des Champs, ndlr), nous avons pu utiliser des matelas de jeans recyclés ainsi que du chanvre », explique l’adjointe à la Mairie de Paris, avant de poursuivre : « Nous commençons à utiliser des matériaux qui répondent parfaitement aux normes environnementales ». 

 

« Restaurer, c’est une forme de respect environnemental » 

Le mot d’ordre pour la mise aux normes des bâtiments culturels : privilégier les interventions durables et entretenir l’existant avant que des travaux de grande ampleur ne soient nécessaires. Et bien entendu, faire la différence entre rénover et restaurer. En effet, rénover consiste à détruire pour reconstruire ou à enlever pour remettre. Alors que restaurer c’est partir de l’existant, conserver ce qui fait l’essentiel du bâtiment, et l’améliorer, sans nécessairement en enlever. 

Dans le secteur du BTP, même si les contraintes sont là il y a une volonté de rénover. S’agissant des bâtiments culturels en revanche, la réalité du terrain fait qu’il est inenvisageable la plupart du temps de détruire pour reconstruire. Karen Taïeb rappelle que nos édifices culturels nous ont été transmis et que nous jouons un rôle-clé : celui de les léguer aux générations futures dans une logique de solidarité intergénérationnelle. Cela, en pensant à alléger le poids environnemental dont nos descendants vont hériter. Et, généralement, la meilleure manière de limiter cette empreinte c’est de restaurer le bâtiment, améliorant de fait ses performances énergétiques autant que faire se peut, et en restant le plus fidèle possible à l’original lorsqu’aucun matériau de substitution n’existe. C’est en ce sens que des lois et norme européennes, telle que la NF EN 16 883, ont été instaurées, pour accompagner les acteurs du BTP dans l’amélioration durable de la performance énergétique d’édifices possédant une valeur historique. 

 

L’innovation pour répondre au défi de l’amélioration énergétique du patrimoine bâti 

L’enjeu de la mise aux normes écologiques des édifices culturels repose donc sur un juste milieu entre des travaux d’amélioration tout en évitant le caractère systématique de ceux-ci. Faudrait-il préférer, dans la poursuite de cet objectif, la prise en compte de l’intérêt patrimonial et paysager du bâti ? Les architectes en charge de la restauration et de la conservation incluent cette variable dans leur travail. D’autant que dans le cadre de la restauration d’un bâtiment culturel, l’Etat a obligation de faire appel à des professionnels de la construction agréés, formés d’une part aux enjeux de réduction de l’empreinte carbone des bâtiments et d’autre part au risque de banalisation et de disparition du patrimoine. « Le défi des restaurateurs, des conservateurs, quand on refait une tour ou un clocher, c’est de trouver les pierres - et autres matériaux - les plus proches de celles utilisées à l’origine. En ce sens, restaurer est très écologique, c’est une forme de respect environnemental », nous dit Karen Taïeb, qui ajoute : « l’architecture, c’est une science qui utilise des matériaux dont certains peuvent être remplacés ou améliorés par l’innovation ». Une invitation, pour celles et ceux qui souhaitent entreprendre dans le BTP, à mobiliser l’écosystème entrepreneurial pour trouver les matériaux et techniques à la fois écologiques, durables, comme les matériaux biosourcés, permettant de réduire l’impact environnemental du secteur. Une manière de concilier conservation, transmission du patrimoine, temps passé, présent et à venir de notre société et prise en compte des enjeux environnementaux, durablement. 

Jean baptiste Ganga
Jean Baptiste GANGA Rédacteur web