BTP : état des lieux de la transition écologique et énergétique du secteur du bâtiment

Alors que les solutions pour verdir le monde du BTP, 2e émetteur de gaz à effet de serre, se multiplient, nous avons rencontré Émilie Garcia, responsable climat à la direction de l’innovation chez Bpifrance et Laurent Demasles, président directeur général de l’entreprise Les Zelles, pour faire le point sur la situation.

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BTP état des lieux de la transition écologique et énergétique du secteur

-50 % d’émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2050 pour le monde de la construction. Voici les objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), introduite par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte. « Cette feuille de route créée en 2015, et révisée en 2018-2019, occupe aujourd’hui une place très importante pour tous les acteurs de la filière », précise Émilie Garcia, responsable climat à la direction de l’innovation chez Bpifrance. Au total, le secteur est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Un chiffre qui varie selon les pays « mais qui concerne toujours le même top 4 des plus gros secteurs émetteurs, à savoir, le transport, l’agriculture, le bâtiment et l’industrie », ajoute Émilie Garcia. 

Alors qu’il était indispensable de faire bouger les choses, le Ministère de l’Environnement s’est emparé de la question avec plusieurs normes imposées aux acteurs du secteur du BTP. « Des premières mesures sont apparues comme les réglementations thermiques (RT), mises en place dans le cadre des Grenelles de l’environnement, encadrant les caractéristiques thermiques des bâtiments neufs », rappelle la responsable climat de la direction de l’innovation de Bpifrance. La RT 2012 fixait notamment des exigences de résultats en matière de conception du bâtiment, de confort et de consommation d’énergie ainsi que des exigences de moyens. En 2020, jugeant qu’il fallait élargir les réglementations au-delà de l'aspect thermique des bâtiments neufs, le Ministère de l'Environnement fait adopter une nouvelle réglementation, cette fois-ci environnementale : la RE 2020. « Désormais on prend en compte toute l’empreinte carbone d’un chantier au sens large, dont la fabrication des matériaux et la gestion des déchets », précise Émilie Garcia. 

Transition environnementale des entreprises du BTP : entre réglementations et prise de conscience 

« De plus en plus d’acteurs de la construction sont sensibilisés à la question environnementale. À différents niveaux de la chaîne de valeur, les choses sont en train de bouger », ajoute la responsable climat à la direction de l’innovation chez Bpifrance. « En tant qu'entreprise du BTP, nous sommes au front. Grâce à nos compétences et la connaissance de notre métier, nous sommes force d’innovation et capables de mettre en œuvre des stratégies destinées à réduire notre impact carbone », ajoute Laurent Demasles, président directeur général de l’entreprise Les Zelles, une entreprise fabricante de fenêtres en PVC et en aluminium. 

Si les réglementations obligent petit à petit les acteurs du BTP à se plier aux contraintes environnementales, ce sont bien souvent des convictions personnelles qui les poussent à agir. Les Zelles, dirigée par Laurent Demasles est récemment devenue entreprise à mission. « On s’est donné comme objectifs de créer de la valeur financière mais également sociale, sociétale et environnementale », explique le président directeur général de l’entreprise. Après deux ans de travail et la création d’un centre de démantèlement, Les Zelles s’enrichit de sept centres de recyclage de fenêtres, employant des individus en insertion professionnelle. « Nous souhaitions faire du recyclage en circuit fermé. Aujourd’hui, on récupère des fenêtres et déchets sur les chantiers qu’on envoie dans nos centres afin d’en refaire du PVC », déclare Laurent Demasles. Si certaines entreprises, à l'image de Les Zelles ont fait le choix de l'économie circulaire, d'autres proposent désormais des matériaux de construction plus respectueux de l'environnement comme le béton bas carbone. « Les procédés de cuisson et de fabrication du ciment et du béton sont très énergivores et polluants. Le béton bas carbone, notamment à base d’argile crue, ne nécessite pas de cuisson et donc ne rejette pas de GES », éclaire l’experte Bpifrance. 

Faire rimer performance et budget pour généraliser la rénovation 

Si l’écoconception, la gestion des déchets et le recyclage des matériaux sont au cœur de la réflexion des acteurs du BTP, l’usage du bâtiment et l’efficacité énergétique sont eux aussi pointés du doigt. « Les constructeurs doivent penser en amont de la création des matériaux à l’efficacité énergétique des bâtiments. Comment l’usager va chauffer, garder l’énergie, bien isoler etc. », précise Émilie Garcia.

L’enjeu est double pour les acteurs : réaliser des produits efficaces et peu coûteux, afin que le plus grand nombre d’individus puissent les acheter. « Faire des fenêtres performantes c’est assurer une bonne isolation thermique. L’impact carbone de notre fenêtre recyclée est aussi faible que celui du bois, pour un prix trois à quatre fois moins important, avec une performance thermique au moins aussi bonne », assure Laurent Demasles. Non seulement, l’impact carbone est inférieur à la fabrication, mais il aide à réduire les émissions en utilisation grâce à la rénovation. « Malheureusement, en termes de rénovation, nous ne sommes pas assez rapides comparé aux objectifs fixés. Nous sommes à 300 000 habitations rénovées par an contre les 500 000 demandés », regrette Émilie Garcia. En effet, si toutes les nouvelles réglementations obligent les acteurs à passer par des solutions plus vertueuses pour le neuf, la rénovation se place en second plan et demeure un enjeu important.

« La complexité de la chaîne de valeur entraine des difficultés à faire bouger les choses »

Malgré des initiatives qui se multiplient, des acteurs de plus en plus concernés, et de nombreuses aides à la transition, le secteur peine encore à se transformer durablement. « Il y a peu de marge dans le milieu du BTP, 3 % seulement en moyenne, et la priorité des acteurs est déjà de générer du chiffre d’affaires », partage Laurent Demasles. D’autre part, la chaîne de valeur du secteur est très fragmentée avec de multiples acteurs : donneurs d’ordres, designers, architectes, opérateurs etc. « La complexité de la chaine entraine des difficultés à faire bouger les choses car on n’est pas sur un système dans son ensemble mais sur une suite de produits », ajoute-t-il. 

Afin d’aider les acteurs du secteur à accélérer leur transition, l’État a mis en place des dispositifs d’aide et de financement, notamment dans le cadre de France 2030. « Des appels à projets pour valoriser les constructions en bois, l’écoresponsabilité des matériaux et l’efficacité énergétique des bâtiments ont vu le jour », commente Émilie Garcia. Alors que les entreprises du secteur, vieux de centaines d’années, nécessitent un accompagnement et une formation aux nouvelles solutions vertueuses, Bpifrance propose par exemple l’Accélérateur Bois. « Les différents diagnostics et formations vont aider les entreprises du milieu à aller plus vite dans le verdissement de leur process », conclut l’experte.

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Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web