Décret tertiaire : les clefs pour atteindre ses objectifs de réduction de consommation énergétique

Depuis 2019 le dispositif Eco-énergie tertiaire, aussi appelé « décret tertiaire », vise à décarboner les bâtiments à usage tertiaire via la réduction progressive de leurs consommations. En pleine transition écologique et énergétique, le Big Media revient sur les solutions existantes.

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Décret tertiaire

« il y a beaucoup d'entreprises du tertiaire qui ont augmenté leur production ou leur activité et qui ont néanmoins baissé leur consommation d'énergie » déclarait la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, au micro de Sud Radio ce 6 janvier 2023. Une nouvelle positive pour le secteur qui est responsable, d’après l’ADEME, de 15 % des consommations d’énergie en France.  

Décret tertiaire, de quoi parle-t-on ? 

Entré en vigueur en 2019 dans le cadre de la loi Elan et en faveur de la transition énergétique, le décret tertiaire impose aux entreprises de diminuer la consommation d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1000 m². 

Commerces, bureaux, espaces de restauration collective, cliniques et hôpitaux, hôtels, etc. Au total, 1,2 million de bâtiments sont concernés et mobilisés pour faire des économies d’énergie significatives. Cette obligation traduit l'engagement du gouvernement français à améliorer la performance énergétique du parc immobilier existant en France. 

Décret tertiaire : objectifs et calendrier 

Moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 : tels sont les objectifs de baisse imposés par ce décret qui prévoit d’accompagner le pays dans sa trajectoire de neutralité carbone à horizon 2050. Celui-ci prévoit également un seuil de consommation à atteindre en valeur absolue (en kWh/m²/an) pour les bureaux et services publics, les établissements scolaires et les logistiques du froid.

Ce dispositif Eco-énergie (DEET) tertiaire se distingue par deux grandes obligations. La première, à court-terme, imposait la déclaration de son bâtiment avant le 31 décembre 2022 sur la plateforme OPERAT de l’ADEME à destination des assujettis au décret. 
La plateforme offre aux entreprises et aux collectivités un moyen efficace de suivre et d'optimiser leurs performances énergétiques, facilitant ainsi la réalisation de leurs objectifs de réduction de la consommation d'énergie et d'émissions de CO2 grâce à des indicateurs pertinents et des outils de suivi personnalisés. « Il faut commencer par définir une situation de référence. C’est en quelques sortes une ligne de départ pour calculer ses taux de réduction à horizon 2030, 2040 et 2050 », déclare Olivier Perier, directeur commercial des marchés tertiaire et collectivités chez Dalkia. La filiale du groupe EDF continue par ailleurs de recevoir des demandes client d’accompagnement à la saisie de données. Une étape essentielle, puisqu’il faudra désormais faire un état des lieux annuel de la dépense en énergie de son bâtiment sur la plateforme, afin de mesurer les économies réalisées d’une année à l’autre. Cette obligation traduit l'engagement du gouvernement français à améliorer la performance énergétique du parc immobilier existant en France. 

La seconde phase est à moyen-terme. Selon l’année de référence retenue – entre 2010 et 2019 – il faudra commencer, non seulement à réfléchir, mais aussi à mettre en œuvre les premières opérations de réduction de consommation énergétique d’ici 2030. Première échéance conséquente « mais atteignable, estime le directeur commercial, car les premières actions sont les moins coûteuses et relativement facile à opérer. » 

Les professionnels du BTP devront rapidement s’équiper d’outils capables d’étudier la situation de leurs consommations. Quelques typologies de bâtiments semblent toutefois être exemptées des mesures fixées par le décret tertiaire : les chantiers ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire, les bâtiments liés à la défense, la sécurité civile ou la sûreté intérieure du territoire ou encore les bâtisses destinées au culte.

Décret tertiaire, qui est concerné concrètement ? 

Les bâtiments assujettis à ce décret sont ceux du secteur tertiaire au surface cumulées, de plus, ou égale à 1000m2. Cela peut donc concerner :

  • La santé
  • La justice
  • Les bureaux 
  • Les services publics
  • L’enseignement
  • Les commerces
  • L’hôtellerie et la restauration
  • Les résidences de tourisme & loisirs
  • Les structures sportives
  • La culture 
  • La vente et services automobiles, moto ou nautique
  • Les salles et centres d’exploitation informatique
  • Les aérogares
  • Les gares ferroviaires, routières, maritime ou fluviale
  • Le stationnement
  • La blanchisserie
  • L’imprimerie et reprographie

Décret tertiaire : quelles obligations d’économie d’énergie ?

Pour accompagner cette transition et la faciliter au plus possible, les concernés bénéficient d’un cadre plutôt souple avec des objectifs modulables. En effet, bien que tous ne soient pas confrontés aux mêmes contraintes techniques architecturales ou financières, ces modulations devront obligatoirement être justifiées par un dossier technique.

Ce sont finalement les actions qui sont récompensées. Qu’ils s’agissent de chantiers entrepris ou simplement de l’adoption de bonnes pratiques envers la maintenance des équipements. 

Alors que l'ancien décret tertiaire fixé en 2010, par la loi « Grenelle II » évoquait des obligations de travaux, il ne spécifie que des résultats à atteindre, sans imposer de méthodes particulières pour y parvenir. Les économies pouvaient ainsi être réalisées grâce à des changements de comportement des occupants, une meilleure gestion des équipements ou l'intégration de solutions domotiques. Toutefois, il semble que les parties prenantes aient choisi de supprimer certains termes pouvant prêter à confusion, bien que l'intention derrière ces obligations reste inchangée.

Comment appliquer le décret tertiaire

L'application du décret tertiaire en France représente un défi majeur pour les entreprises, mais aussi une opportunité de contribuer significativement à la transition énergétique. Pour répondre à ces exigences, les entreprises doivent entreprendre une série d'étapes cruciales. Tout d'abord, une compréhension approfondie du décret est indispensable. Ensuite, une évaluation minutieuse de la consommation énergétique actuelle du bâtiment est nécessaire pour établir des objectifs de réduction. De cette étape doit découler un plan d'action détaillé, comprenant des mesures visant à améliorer et optimiser l'efficacité énergétique de l’entreprise. Les moins initiés peuvent faire appel à des experts en la matière pour garantir une mise en œuvre optimale des mesures requises. 

Aussi, il est primordial de suivre et d'évaluer régulièrement les progrès réalisés en tenant des registres précis. Si nécessaire, le plan d’action peut être ajusté. 
En suivant ces étapes de manière proactive, les entreprises peuvent non seulement se conformer aux obligations légales, mais également réduire leurs coûts énergétiques et leur empreinte carbone, tout en contribuant à la construction d'un avenir plus durable.

Faire de la sobriété énergétique une priorité  

Entamer une stratégie d’économie d’énergie efficace passe en premier lieu par la sensibilisation à la sobriété de tous les usagers d’un bâtiment. « Avec 200 jours par an passés sur son lieu de travail, l'entreprise offre justement un cadre idéal pour changer la donne », rapporte l’ADEME dans son guide “Ecoresponsable au bureau”. Mobilité personnelle, mise en place de l’écoconduite pour les salariés itinérants, bonnes pratiques numériques en passant par le télétravail, l’adoption de comportements vertueux contribuera à l’atteinte des objectifs

Dans cette même continuité, les actions liées au pilotage efficace du bâtiment permettront une baisse de la consommation. « Prenons l’exemple d’une voiture électrique. Si vous ne faites qu’accélérer et freiner elle consommera beaucoup. C’est la même chose dans un bâtiment : si vous le pilotez mal, les résultats ne seront pas au rendez-vous », explique le directeur commercial de la filiale d’EDF. La gestion de la température, de l’éclairage, de l’eau… Autant d’équipements énergivores qu’il est désormais possible d’automatiser via des outils de pilotage (GTB) pour garantir une consommation minimale.

Ces actions combinées ont un effet presque immédiat et assuré. Pour répondre aux objectifs de réduction imposés par le décret tertiaire, elles devront s’accompagner de démarches plus importantes. 

« Le chauffage est la première énergie consommée dans un bâtiment tertiaire » 

Pour assurer une baisse des consommations d’énergie dans la durée, il faut s’intéresser à la source de cette énergie. La surface tertiaire fonctionne-t-elle au gaz ? A l’électricité ? Si oui, est-elle issue de sources renouvelables ? Le choix de substituer son approvisionnement actuel par une « énergie verte », comme l’autoconsommation d’électricité produite par des panneaux solaires sur le toit de son bâtiment ou l’implémentation d’une chaufferie biomasse, s’inscrit dans une réduction pérenne.

L’isolation du bâtiment est l’une des clés de réussite de cette obligation réglementaire. « Comptant pour plus de 50 %, le chauffage est la première énergie consommée dans un bâtiment tertiaire », analyse Olivier Perier. De quoi se pencher avec attention sur la manière dont est chauffée la surface tertiaire. Du sol au plafond, en passant par la tuyauterie, il faudra maintenir en intérieur une température constante si l’on souhaite éviter les gourmands « pics énergétiques ».  

Mettre en application de telles solutions nécessite des investissements conséquents, rendus possibles par des dispositifs dont il faut se saisir. Notamment le Contrat de Performance Energétique (CPE), qui coordonne les actions et assure au client une réduction des consommations par son énergéticien ; et le Certificat d’Economie d’Energie (CEE) qui « bonifie » – dans le cadre d’un CPE – et valorise financièrement les économies réalisées. « Aujourd’hui, le prix de l’énergie est extrêmement élevé, donc toute économie est un gain pour l’entreprise, qui pourra financer de nouvelles actions. C’est vraiment une boucle vertueuse », conclut le directeur commercial de Dalkia. 

Décret tertiaire : quelles sanctions en cas de manquement ?

En cas de non-respect des obligations fixées par le DEET, des sanctions financières peuvent être appliquées, pouvant aller jusqu'à des amendes importantes. De plus, les contrevenants s'exposent à des mesures coercitives, telles que des astreintes journalières, jusqu'à la mise en conformité de leur bâtiment avec les exigences réglementaires. 

Pour aller plus loin : Thibault Gimond, Ingénieur énergie / environnement Bâtiment de La Fédération Française du Bâtiment et Catherine Gerniou  Dirigeante engagée de La Fenetrière et membre de La Fédération Française du Bâtiment présents à l’édition 2023 de Jour E, accordaient une masterclass à cet événement Bpifrance d’envergure, autour des sujets.
 

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