C’est quoi la low-tech ?

Face aux effets du réchauffement climatique, de plus en plus d’entreprises et d’individus développent de nouveaux concepts résilients et écologiques. Les low-tech en font partie. Entre admiration et interrogation, ces technologies douces pourraient bien s’avérer plus utiles qu’il n’y paraît. Explications.

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C'est quoi la low tech

« On peut faire baisser les émissions carbone des rizières avec... des canards. Ils brassent l'eau et la filtrent pour se nourrir. C'est low-tech mais efficace ! », déclarait il y a peu Jean-Marc Jancovici. Le polytechnicien co-fondateur de Carbon4, un cabinet de conseil de référence sur les enjeux énergie et climat, en est persuadé : la lutte contre le réchauffement climatique passera aussi et surtout par des innovations « basse technologie » (low-tech).  

Si nous avons déjà tous entendu parler à maintes reprises de la « high tech » (technique de pointe), son antonyme, plus sobre et moins gourmand en énergie, ne semble pas encore avoir de définition officielle. Big média vous éclaire sur ce concept parfois méconnu et pourtant bien établi, dont l'application et l'usage à grande échelle semble nécessaire à l'heure où le respect des ressources planétaires est une priorité. 

 

Définition de la philosophie low-tech 

Imaginée pour répondre à des besoins dits primaires (se nourrir, se chauffer, se déplacer, etc.) à l’échelle de l’individu ou de la collectivité, la technologie douce (low-tech) s’inscrit dans une véritable remise en question des modes de vie modernes basés essentiellement sur la consommation. Plutôt que prôner la propriété, la low-tech préfère l’expérimentation locale, et le questionnement sur l’utilité attribuée aux objets qui nous entourent. Pour Anne-Charlotte Bonjean, ingénieure réparabilité à la direction économie circulaire de l’ADEME, « il s’agit à la fois de réduire la complexité technologique, d’entretenir l’existant plutôt que de le remplacer, de donner accès aux solutions au plus grand nombre et de maîtriser les usages ».  

Théorisé dès la fin des années 1960, parallèlement à l’émergence des high-tech et le questionnement légitime lié à leur coût carbone, le concept de low-tech a toujours trouvé écho aux quatre coins du monde. Caractérisées par la recherche de solutions simples et de la nécessité d'utiliser les technologies de pointes à meilleur escient, les technologies douces visent à mettre en avant le savoir-faire artisanal et le sens pratique de l'Homme au centre de toute activité. A la manière du DIY (Do It Yourself, « faites-le par vous-même »), les technologies douces peuvent être prises en mains par n’importe quel individu et ne requièrent aucun équipement particulier, d’où leur usage simple. En réalité, ce qu'on appelle pratique low-tech regroupe ce que l'être humain utilisait avant l'apparition des nouvelles technologies : la terre, la laine, le bois, ... Tous ces matériaux sont recyclables, biodégradables et peu, voire non polluantes. 

Aujourd’hui, certaines habitudes quotidiennes telles que se rendre au travail à vélo ou réparer soi-même ses appareils avec ce que l’on trouve chez soi sont parfois considérées comme des pratiques low-technologie. Ce concept polyvalent et évolutif ne se rapporte donc pas seulement à une pratique uniforme, comme peut l’être la high-tech, mais bel et bien à une philosophie.  
 

Les trois grands principes low-tech 

« Utile », « accessible », et « durable » : tels sont les trois grands principes low-tech, d’après le Low-tech Lab, acteur référent en la matière depuis 2013. Pour cette institution, qui s’est donné comme mission de partager les solutions et l’esprit low-tech en France au plus grand nombre, « afin de susciter chez tous l’envie et les moyens de vivre mieux avec moins », les technologies douces répondent à 3 conditions bien spécifiques. 

  • Utilité : Une technologie douce répond aux besoins fondamentaux des individus ou de la collectivité. Elle joue un rôle crucial en permettant des modes de vie, de production et de consommation sains qui soient pertinents pour tous. Ils couvrent une multitude de secteurs, tels que l'énergie, l'alimentation, l'eau, la gestion des déchets, les transports, l'hygiène et même la santé. En encourageant un retour aux éléments essentiels, elle redonne un sens profond à nos actions. 
  • Accessibilité : Les solutions low-tech sont conçues pour être à la portée d’un large éventail de personnes, y compris dans les régions où l'accès aux technologies de pointe est limité. Cela signifie qu'elles sont généralement abordables en termes de coût, mais aussi qu'elles prennent en compte les besoins spécifiques des populations mal desservies ou marginalisées. 
  • Durabilité : La durabilité est un élément clé de la low-tech. Les solutions low-tech sont conçues pour être robustes et durables, tout en minimisant l'utilisation de ressources rares et en réduisant la production de déchets. L'objectif est de créer des technologies qui ont un impact environnemental moindre et qui peuvent fonctionner sans maintenance à long terme. 

D’autres principes fondamentaux comme la localité ou l’autonomie sont inhérents à la philosophie low-tech. Dans son livre L'âge des low tech : Vers une civilisation techniquement soutenable (éditions du Seuil, 2014), le Directeur de la filiale SNCF, AREP, Philippe Bihouix faisait déjà écho à ces 3 grands principes. Le centralien décrit la low-tech comme une alternative aux modes de consommation actuels. En outre, de plus en plus de startups ont émergé ces dernières années, persuadées que l'avenir se construira selon ce concept. 
 

Développement durable et RSE : quelques exemples de low-tech 

Au cœur des préoccupations contemporaines, la transition écologique et énergétique (TEE) et la responsabilité sociale des entreprises (RSE), poussent tout type de sociétés, dont les startups, à explorer de nouvelles approches plus respectueuses de l’environnement (FabBRICKS, Bilum, …). Les low-tech s'inscrivent amplement dans cette démarche. A l’instar des incubateurs, certaines structures comme le Low-tech Lab ou le Low-tech Nation accompagnent individus et collectivités dans leur quête de sens

Plusieurs secteurs d’activités sont par ailleurs concernés par ces innovations bas carbone. L’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie), par la publication de son rapport Etat des lieux et perspectives des low-tech (2023), met en avant les technologies douces déjà existantes qui ont fait leurs preuves dans de nombreux domaines. De la construction d’un four solaire fonctionnant sans énergie, à la récupération de bouteilles en plastique pour façonner un ventilateur, en passant par la machine à laver à pédales ; les low-tech apparaissent comme une notion pertinente au service de la TEE. Le manque de visibilité et les barrières partisanes, logistiques et règlementaires entravent néanmoins leur déploiement à plus grande échelle.  

elc
Emma-Louise Chaudron Rédactrice Web