Ooolala, le studio d'animation qui fait des films bas carbone

A l’image de nombreux autres secteurs, l’animation s’engage en faveur du climat et adapte ses process. Rencontre avec le studio Ooolala, lauréat France 2030, qui mesure et limite l’impact carbone de ses productions.

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La rivière à l'envers ©Ooolala

Et si c’était à Valence que se dessinait l’avenir du film d’animation durable ? Niché au cœur de la Drôme, dans une ancienne cartoucherie transformée en haut-lieu de la création artistique, le studio Ooolala « fait briller les yeux des enfants » depuis maintenant cinq ans. A l’origine de ce projet pas comme les autres – vous comprendrez bientôt pourquoi – trois passionnés d’animation 2D. « Nous avons fait le constat que dans notre secteur d’activité, on était vraiment au point zéro sur tout l’aspect environnemental », note Jean-Baptiste Wery, directeur général de l’entreprise. « Même si notre secteur bouillonne de réflexions philosophiques et d’échanges sur les sujets écologiques, derrière, ça ne se traduit que très peu souvent par des actes concrets ». Une dichotomie qui s’illustre notamment par des outils de production encore très mal adaptés aux enjeux écologiques et à la réduction de la l’impact carbone.  

Produire des films d’animation bas carbone : mode d’emploi  

Pour mêler leurs convictions personnelles à un projet entrepreneurial concret, les trois associés doivent donc, dans un premier temps, adapter leurs outils de création afin de ne sélectionner que ceux dont l’empreinte environnementale est la plus faible. « Nos achats sont sourcés selon l’impact carbone de leur fabrication, de leur transport mais aussi de leurs performances énergétiques », note Jean-Baptiste Wery. L’entreprise prolonge également la durée de vie de son matériel grâce à une data room conçue de manière éco responsable (grâce à un système d’allée froide). La seconde vie de son matériel est gérée grâce à l’association La Cartouch’verte et la gestion des déchets est quant à elle orchestrée par Roval’terre qui les valorisent en compost à destination d'agriculteurs biologiques.  

Des actions qui ont progressivement permis au studio de mesurer et réduire son impact carbone avec l’objectif de bâtir une offre, jusque-là inexistante. « L’idée était de proposer à nos clients de réaliser des productions le plus bas carbone possible. A l’époque déjà, nous savions qu’un jour ça deviendra un élément de prise de décision pour les streamers à la Netflix ou même pour des chaines de télévisions européennes », affirme le directeur général d’Ooolala. « Je pense qu’on se dirige vers un monde où tous les produits vendus devront mentionner leur consommation carbone. Et le jour où ce sera le cas, nous pourrons en informer nos clients ! ». Avec la conviction que le combat écologique doit allier les intérêts de productivité aux intérêts de maitrise des ressources de l’entreprise, le studio mise sur un outil permettant d’avoir une vue d’ensemble sur la production de carbone. « On a mis des sondes un peu partout sur nos outils de production, afin de mesurer la consommation électrique de chaque élément du studio. A côté de ça, on a développé le logiciel Ecooo qui range et classifie toutes les données récoltées. Il interroge les ordinateurs et analyse, toutes les cinq secondes, le temps passé sur chaque logiciel ».  

Une fois ce traitement de données effectué, Ecooo est capable d’indiquer le temps que passe chaque personne ou machine sur une tâche, et in fine, sa consommation énergétique. Un exercice qui a permis au studio de mettre en exergue l’impact de ses salariés, à l’origine de 70 % de ce que Ooolala consomme en CO2. Car, à la différence de la 3D, une technique qui a bien souvent recours à de grandes salles faisant tourner en continu ordinateurs et climatisation, la 2D est, selon Jean-Baptiste Wery, « le mode d’expression le plus vertueux de tout le secteur de l’audiovisuel ». Le travail artisanal sur planche et par « aset » (des décors, des personnages ou de accessoires) est peu gourmand en énergie, notamment lorsqu’il est industrialisé. C’est pourquoi le temps passé et les outils utilisés sont les deux postes principaux à surveiller selon les observations d’Ooolala. 

Des commanditaires américains en retard par rapport à l’avant-garde française  

Si la démarche du studio valentinois séduit rapidement des réalisateurs français et européens, l’accueil outre-Atlantique reste quant à lui un peu plus mitigé. Grand donneur d’ordres en matière d’animation, le pays de l’oncle Sam est pourvoyeur de près de 50 % du travail des studios français. Et si ces commanditaires semblent apprécier la French Touch, la réduction de l’impact carbone de leurs productions semble davantage relever du bonus. « Ils aiment le discours, mais pour l’instant on est tellement en avance sur eux, que notre proposition leur apparait un peu comme de la science-fiction. Pour le moment, ça leur suffit complètement qu’on leur dise qu’on est hyper vertueux et que nos chiffres sont bons ». Un état de fait qui serait amené à changer d’ici quatre à cinq ans, selon le dirigeant.  

Du coté des Français, qu’il s’agisse des producteurs ou de ses salariés, Jean-Baptiste Wery observe une réelle prise de conscience environnementale. « Ce que je remarque de manière générale, c’est que les gens agissent très rapidement dans leur cercle privé mais qu’ils ont plus de mal à le faire dans la sphère professionnelle ». Selon l’entrepreneur, nombre d’employés se demandent comment faire pour réduire l’impact de leur activité professionnelle, mais peu d’entre eux passent généralement à l’action. « Ils attendent clairement que ce soient les patrons qui leur donnent la feuille de route et les guident. Ils sont d’ailleurs très demandeurs de conseils pratiques pour mettre cette routine en place », ajoute-il. En ce sens, Ooolala – lauréate du plan France 2030 dans la catégorie “Placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs” - travaille actuellement à l’édition d’un guide des bonnes pratiques, mis à disposition de toutes les sociétés françaises désireuses d’embarquer leurs collaborateurs dans des process plus vertueux. « Travailler à la réduction de notre impact environnemental est une démarche sur le long terme », conclut, philosophe, le dirigeant. 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web