CNC : 402 millions d’euros pour aider la filière du cinéma et de l’audiovisuel en France

A l’occasion du Festival de Cannes, La French Touch part à la rencontre des acteurs de l’industrie du cinéma tricolore. Aujourd’hui, entretien avec Maxime Boutron, directeur des affaires financières du Centre National du Cinéma (CNC), autour des grands enjeux de la filière.

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« Les salles ont rouvert ! Nous sommes aujourd’hui face à une reprise définitive et à une suppression des mesures de distanciation physique, notamment via le retrait des jauges », explique Maxime Boutron. Pendant la crise sanitaire, le CNC a tenu un rôle de protection. A la fois par l’instruction de mesures d’urgence, ayant vocation à éviter la disparition définitive de talents, ainsi que par des mesures de relance, pour accélérer le mécanisme de reprise, notamment sur les exploitations et sur les tournages. « L’effort financier de l’Etat est de 402 millions d’euros sur ce volet de protection », précise-t-il, avant d’ajouter qu’un « fonds d’assurance de soutien a été mis en place, pour parer la faille de marché qui excluait la couverture de la pandémie par les assurances ».

Parachever la réforme complète de régulation du secteur

En plus de ces mesures répondant à la situation exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19, le CNC parachève actuellement la réforme de la régulation du secteur, qui repose sur trois piliers. Le décret SMAD, (Service des Médias et de l’Audiovisuel) « permet d’imposer aux plateformes, même quand elles ne sont pas situées sur le territoire hexagonal mais qu’elles touchent un public français, l’obligation d’investissement et notamment de préfinancement dans la production cinématographique et audiovisuelle française », explique Maxime Boutron. Ce décret est paru au journal officiel du 23 juin 2021.

En corollaire de cette entrée dans l’écosystème français des plateformes étrangères, « il y a actuellement une réforme de la chronologie des médias », c’est-à-dire des différentes fenêtres de diffusion d’une œuvre cinématographique. « Les SMAD financent et préfinancent la production cinématographique et audiovisuelle française, c’est donc normal qu’elles prennent une place dans cette chronologie », poursuit-il. Enfin, dernier pilier de cette réforme de régulation, l’obligation de financement et de préfinancement des éditeurs linéaires français historiques, « qu’on appelle la réforme du décret TNT ».

Une révision générale des aides et soutiens

Cette réforme complète de la régulation du secteur s’accompagne, pour être efficace, de la révision des aides et soutiens distribués par le CNC. « Un des grands chantiers actuels du CNC, c’est la revue générale des soutiens, le président du CNC s’est engagé à une grande révision de l’ensemble des dispositifs d’aides ». Aujourd’hui, il y en a plus d’une centaine différente, qui représentent à elles seules 700 millions d’euros. « Nous nous assurons aujourd’hui de l’objectif initial de politique publique par le suivi d’indicateur qualitatif et quantitatif ». Ce chantier de révision va s’orienter autour de cinq grands enjeux stratégiques :

Premier axe de développement, l’indépendance de la création, qui se traduit par une indépendance de la production par rapport aux diffuseurs. « Ces derniers pourraient parfois avoir une préférence pour le succès immédiat, là où il faut une production indépendante pour prendre des risques et ne pas tomber dans une production stéréotypée », analyse l’expert du CNC. Ensuite, l’un des enjeux majeurs est celui de ramener la jeunesse dans les salles obscures. « Ces dernières années, la part des jeunes des 15 - 25 ans dans la fréquentation des salles a baissé ». Un autre volet à développer est celui de l’international. « Nous devons améliorer la capacité à faire rayonner nos œuvres dans un espace mondial ». L’écriture est également un axe à améliorer, puisque les meilleurs œuvres sont celles qui ont le plus été travaillées au niveau de l’écriture, « il est donc important d’apporter notre soutien à ce niveau », complète-t-il. Et enfin, la structuration du secteur, apparaissant comme atomisé et dont les fonds propres sont limités. « Les producteurs ont aujourd’hui tendance à se projeter d’œuvres en œuvres, grâce notamment au soutien du CNC et des crédits d’impôts, et ils n’ont pas toujours le temps de prendre un recul créatif », nécessaire pour travailler sur des innovations de rupture ou de nouveaux formats.

Bpifrance et le CNC main dans la main pour structurer le secteur

L’action de Bpifrance, coordonnée par Nicolas Parpex, pilote du Plan Touch de Bpifrance, s’inscrit justement dans cette volonté, commune avec le CNC, de structuration de la filière. « Sur le volet financier, il s’agit majoritairement d’interventions en fonds propre, pour compléter celle des fonds privés », précise le directeur des affaires financières du CNC. L’action de Bpifrance s’est d’ailleurs élargie depuis 2019 avec la mise en place d’accélérateurs destinés aux entreprises de moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, à la fois dans l’audiovisuel et dans le cinéma. Un programme d’accompagnement créé pour aider les entreprises à envisager une stratégie de croissance et de développement.

En effet, le CNC a accepté, en collaboration avec Bpifrance, de financer la moitié du coût de la participation d’une entreprise à l’accélérateur, l’autre moitié étant à sa propre charge. « L’accélérateur repose sur l’idée d’accompagner les dirigeants à relever le défi de la croissance et de l’internationalisation ». Un accompagnement innovant qui repose sur plusieurs axes : maîtriser l’évolution de son modèle économique, savoir financer ses cycles de production, développer son leadership, maîtriser son développement international et savoir innover pour anticiper les attentes des publics, via du conseil, de la formation et de la mise en réseau, « et les retours sont extrêmement positifs », s’enthousiasme-t-il. « Si le CNC s’occupe de financer les œuvres, il faut par ailleurs un meilleur financement des structures, et ce que fait Bpifrance avec le fonds des Industries Culturelles et Créatives », conclu Maxime Boutron.

L’actualité du CNC au Festival de Cannes

« L’an dernier, le Festival n’a pas pu se tenir mais le CNC a maintenu sa subvention, notamment pour subvenir aux charges fixes. Cette année, le Festival de Cannes se tient physiquement, et va être extrêmement intéressant car on a deux ans à rattraper. A la fois en matière de mise en avant des œuvres à diffuser, mais également en matière d’activités parallèles au Festival ». Le CNC dispose d’un espace sur la plage de Cannes, en parallèle du festival, entre le 7 juillet et le 16 juillet. Il s’y tiendra tous les jours des tables rondes, des rencontres et des discussions sur les grands besoins et les grands enjeux de la filière. « Le 13 juillet, se tiendra d’ailleurs une table ronde autour des grands outils de financement des entreprises du secteur, lors de laquelle Bpifrance sera représentée par Nicolas Parpex ».