Et si les concerts devenaient éco-responsables ?

Soucieux de leur empreinte carbone, les acteurs du secteur de la musique live tentent de produire des concerts moins énergivores et plus responsables. Zoom sur une tendance en plein essor. 
 

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Coldplay en concert - @shutterstock
Coldplay en concert - ©Shutterstock

Le réveil écologique s’empare de l’industrie musicale. Comme tous les secteurs, celle-ci doit remplir sa part de l’Accord de Paris et réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 5 % par an afin d’accélérer une transition écologique planétaire. Producteurs, tourneurs, artistes, festivals locaux ou tournées planétaires : quels leviers sont à disposition des acteurs de la musique live pour rendre ce secteur écologiquement plus vertueux ? Éléments de réponse avec Samuel Valensi, responsable du secteur culturel de l’association The Shift Project, un think tank qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone, et Jérémie Charbonnel, producteur-manager chez Junzi Arts. 

Précurseur, le groupe Radiohead a lancé dès 2003 une étude sur l’empreinte carbone de ses tournées. En 2019, Coldplay déclare renoncer à tout projet de tournée tant que des dispositifs plus respectueux de l’environnement ne seraient pas envisageables. Pour 2022, le quatuor britannique a annoncé une tournée mondiale éco-responsable sur fond de confettis biodégradables et de panneaux solaires. 
Malgré une prise de conscience des artistes, la concurrence est rude dans l’industrie musicale et la part du lion reviendra à celui qui brillera le plus. 

Du chanteur solo au groupe mondialement connu : le grand écart

« Pour un gros artiste en festival, c’est la guerre des étoiles niveau matériel et lumière. Demain, celui qui décidera de rester en guitare-voix avec un spot sera comparé aux autres artistes et le public pourrait être déçu », affirme Jérémie Charbonnel. Format 4K, réalité virtuelle, métaux lourds d’installations dernier cri : faire le show se paie directement sur sa facture carbone. « L’achat d’un ordinateur très haute performance pour la régie est à peu près équivalent à un aller-retour Paris-New York en avion en termes d’empreinte carbone », indique Samuel Valensi du Shift Project, qui invite plutôt les artistes à consommer d’occasion ou reconditionné et remettre en cause leur participation à cette “guerre des étoiles”.

Mais la musique live ne se résume pas à des artistes sur scène. Toute une chaîne de professionnels qui s’active en amont, en aval et en coulisses pour offrir un spectacle musical. Au sommet visible de cette pyramide, les artistes sont dépendants de nombreux acteurs pour coordonner leurs tournées : manager, tourneur, producteur, programmateur, ingénieur son ou lumière, etc.  « Ces acteurs n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres, on ne peut pas comparer un zénith d’une scène de musiques actuelles en Normandie ou le festival des Vieilles Charrues au Disjoncté, sans électricité. », ajoute Samuel Valensi.  « On dégage plutôt des données par typologies d’acteurs ou zones géographiques dans nos travaux tels que le rapport intermédiaire Décarbonons la Culture !  »

Une nécessaire mutualisation 

Difficile donc de dégager des données générales autour d’acteurs aussi hétérogènes. Mais une chose est sûre :  la part du transport des visiteurs, intimement liée à la jauge de l'événement, est la plus significative pour calculer l’empreinte carbone du secteur. Moins un événement est accessible en transports en commun, plus sa jauge est importante, plus ses visiteurs utiliseront des moyens de transports énergivores tels que la voiture ou l’avion. « Si 3 % des visiteurs d’un festival comme les Vieilles Charrues venaient en avion, ils représenteraient 60 % des émissions des déplacements des visiteurs », décrypte Samuel Valensi. 

Autre levier de réduction de l’impact carbone : l’optimisation des circuits de déplacement et la mutualisation du matériel utilisé par les artistes. Ainsi, l’association Woodstower prête son matériel aux professionnels de la métropole lyonnaise lorsqu’il n’est pas utilisé pour ses deux festivals annuels, avec l’aide de l’association CAGIBIG qui en gère les réservations. Située en zone périurbaine, l’édition estivale du festival est desservie grâce à un partenariat mis en place avec les Transports en Commun Lyonnais. Des convois vélo organisés depuis le centre-ville vers le Woodstower permettent de rendre le trajet festif et d’inciter les festivaliers à privilégier les mobilités douces.
 

“Rendre cool” la conscience écologique

Artiste mais aussi influenceur auprès de son public, l’impact idéologique d’une célébrité de la scène musicale peut faire considérablement avancer la prise de conscience écologique de ses fans et des professionnels du milieu. « De la même manière qu’Angèle a aidé à populariser des idées féministes, si demain Rihanna déclare publiquement que prendre l’avion n’est pas cool, cela aurait un impact massif sur ses millions de fans ! » explique le cofondateur de Junzi Arts. 

La responsabilité des organisateurs évènementiels fera également la différence. Par exemple en proposant des repas végétariens avec un impact carbone plus limité que leur version carnivore, et ce malgré les réticences de certains festivaliers. « Il ne faut pas se tromper de combat : l’objectif n’est pas de consommer mieux mais de consommer moins. », conclut le représentant du Shift Project. Continuer les actions de sensibilisation et prendre ses responsabilités à toutes les échelles : le secteur de la musique live a toutes les cartes en main pour confirmer son virage écologique.