De cadre en région parisienne à créateur d'un gîte éco-responsable dans le Jura, la reconversion de Christophe Leon

Après un parcours professionnel de salarié puis entrepreneur dans le marketing et le digital, Christophe Leon a quitté Paris avec sa famille pour s’installer dans la forêt, au coeur du Parc Naturel du Haut-Jura. Il y a créé un lieu atypique, le Coupet, où il accueille des séminaires d’entreprise et des particuliers pour des séjours éco-responsables. 

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Gite Le Coupet
Alex Tarin ©

« L’envie fondamentale, c’était de revenir à une vie plus simple et plus sobre, mais aussi plus concrète », confie Christophe Leon au sujet de sa reconversion professionnelle. L’ancien directeur marketing de Voyages-SNCF.com a toujours évolué à des postes en lien avec le marketing et le digital. Il connaît même une première expérience entrepreneuriale avec la création en 2008 de Pure Agency, agence Mobile pionnière revendue en 2015 à l’ESN française Luminess, qu’il quitte en 2020 pour engager sa reconversion. 

En septembre 2021, il rachète un gîte de groupe niché au coeur d’un grand domaine forestier dans le Jura pour y lancer le projet Le Coupet - Séminaires nature. « J'avais envie de revenir dans le domaine du tourisme, d'apporter un petit peu ma pierre à l'édifice d'un secteur plus responsable, plus local, moins impactant et plus sobre », déclare l'entrepreneur. Christophe Leon revient pour Big média sur ses motivations et les défis qu’il a surmontés avec sa famille pour une reconversion réussie

 

Une reconversion professionnelle, du digital vers le végétal 

 
Big Média : Ce sont vos convictions qui vous ont amené à fonder Le Coupet ? 

Christophe Leon : C’est d’abord un puissant élan vital, un besoin profond de sortir de ma zone de confort et de changer de terrain de jeu. Depuis vingt ans toute ma vie professionnelle était consacrée à la “digitalisation” des parcours clients. Cela a été une aventure passionnante et stimulante que de participer à l’essor d’Internet et du mobile. Mais pour être franc, je commençais à en avoir ma dose du tout-digital et j’avais envie d’explorer de nouveaux sujets. En parallèle, ma prise de conscience sur l’effondrement écologique a été un puissant moteur de changement et de réalignement autour d’un nouveau projet personnel et professionnel axé sur la nature.
Dès 2006 j’avais eu l’occasion d’être sensibilisé aux enjeux environnementaux lors de mon passage chez Voyages-SNCF :  nous souhaitions promouvoir un tourisme différent, plus local et durable et pour cela nous nous sommes rapprochés de l’ADEME (Agence de la transition écologique, ndlr.), de Yan Arthus Bertrand et sa fondation Good Planet, de la Fondation Nicolas Hulot, mais aussi de Jean Marc Jancovici. Cela nous a conduit à lancer un écocomparateur carbone puis les premiers Trophées du Tourisme Responsable, et à contribuer à la rédaction du premier Guide du Routard du Tourisme Durable. À titre personnel j’ai été profondément marqué par ces rencontres avec des experts de l’environnement et par ce qu’ils annonçaient déjà, cependant je dois reconnaître que j’ai mis plus de dix ans à en tirer vraiment les conclusions et à adapter mon mode de vie pour réduire fortement mon impact carbone. 

 

BM : Comment cette volonté de changement de vie a-t-elle été perçue dans votre entourage ? 

CL : L’entourage c’est d’abord le foyer, la famille. Ce projet, je ne pouvais le conduire qu’en famille et il impliquait beaucoup de renoncements. Mon épouse partage pleinement mes convictions écologiques cependant elle ne ressentait pas du tout le même besoin de faire table rase et de repartir de zéro sur le plan professionnel. Et puis quitter la grande ville, ses services et ses loisirs, notre entourage familial et amical pour s’installer en milieu rural, au coeur de la forêt, c’était un sacré pari, qu’elle a accepté de prendre à mes côtés avec notre fille de 6 ans. Elle a pu négocier avec son employeur un passage en télétravail à quasiment 100%, chose qui n’aurait certainement pas été possible avant l’ère Covid. 

L’entourage ce  sont aussi les amis et les professionnels à qui j’ai présenté mon projet avant de me lancer. Je peux dire que les réactions ont été contrastées ! Je me rappelle notamment de cet échange avec un serial entrepreneur que j’apprécie beaucoup et qui m’avait dit : “Christophe je trouve ton projet de séminaires dans la cambrousse très sympa, mais je trouverais beaucoup plus sensé et rentable que tu poursuives tes aventures dans le digital que tu connais si bien. C’est le moment de récolter les fruits de ta carrière, pourquoi donc te lancer dans cette galère ?”. Je n’ai pas suivi son conseil, j’ai plutôt écouté mon coeur et me voici dans la cambrousse à couper du bois, faire des travaux, déneiger le chemin en hiver et tenir le rôle de G.O. aubergiste auprès d’entreprises qui viennent prendre une bouffée d’air et goûter au parfum de l’aventure dans les bois. 

Notre entourage, c’est enfin maintenant aussi “les gens du coin”. Nous avons eu la chance de recevoir un accueil chaleureux de la part des habitants de la commune de 200 habitants (Les Crozets) dans laquelle nous sommes implantés. En arrivant ici, je me sentais tellement ignorant de toutes les choses qui touchent à la terre, à la forêt… Alors j’écoute, j’observe, je prends conseil, je progresse tout doucement… Les gens sont très solidaires ici, et réussir son intégration en territoire rural passe par le fait de filer un coup de main à la communauté lors des événements qui rythment l’année. Pour développer le Coupet, j’ai la chance de pouvoir compter sur tout un écosystème d’intervenants indépendants : guides naturalistes, encadrants sportifs, chef restaurateur, musiciens, experts en transition écologique, et même un chaman ! Passer du temps avec eux pour co-créer des expériences clients est passionnant et cela me permet de tisser un réseau de contacts qui deviennent pour certains des amis. 

 

« Être “simplement” ensemble, immergés au cœur de la nature »  

 

BM : Quel est le modèle économique de votre établissement ?

CL : Assez classiquement notre modèle économique repose sur l’hébergement, la restauration et l’organisation d’activités. J’organise également des ateliers axés sur la transformation environnementale des entreprises.
Nous avons 2 piliers de clientèle : les séminaires d’entreprise en semaine, et la clientèle des particuliers, groupes d’amis, rassemblements familiaux, tous les weekends de l’année et durant les vacances. Ma crainte était de ne pas réussir à faire venir les entreprises dans un lieu aussi isolé. Finalement c’est ce côté expérience au fond des bois qui attire le plus ! Et puis nous sommes très facilement accessibles : à 1h30 de voiture de Lyon ou Genève, ou à 3h de Paris via le train et la navette que nous proposons pour les groupes. 
 

BM : Quelle expérience proposez-vous aux entreprises qui viennent dans votre gîte ?
 

CL : La promesse d’un séminaire au Coupet je dirais que c’est d'être "simplement" ensemble, immergés au coeur de la nature. Cela s’inscrit dans une tendance de fond : arrêter les team buildings consuméristes et superficiels, au profit de séminaires plus sobres qui laissent place à de vrais moments d’échange et de partage.

Côté hébergement et meetings, l'établissement combine l’esprit d’un refuge et le confort d’un hôtel. Pour se réunir, nos hôtes peuvent utiliser 2 grandes pièces à vivre, mais aussi décider de tenir leur meeting dans une cabane forestière ou dans la chapelle privée du domaine. Bien évidemment wifi dans tous les espaces, les entreprises souhaitent déconnecter mais pas trop…
Notre situation géographique au coeur du Parc Naturel du Haut-Jura permet de déployer une multitude d’expériences collectives, été-automne-hiver-printemps. C’est d'ailleurs le contraste qui est particulièrement apprécié : sortir de sa zone de confort en participant par exemple à un atelier sur l’autonomie en forêt ou à un challenge sportif façon bûcherons, avant de se prélasser dans le spa nature,... Les activités outdoor sont multiples, et très plébiscitées !

 

BM : En quoi les séminaires au Coupet sont ils éco-responsables ? 

CL : Pour commencer j’essaie de faire du Coupet un lieu sobre et autonome. Nous nous inscrivons dans une démarche d’amélioration continue et sommes en phase de labellisation Clef Verte, un label de référence qui garantit notre engagement dans une démarche environnementale qualitative. Selon moi, offrir un hébergement et une expérience de séjour séminaire sobre et éco-responsable devrait aujourd’hui déjà être “la norme”. 
Au-delà des dispositifs mis en place et des éco-gestes quotidiens pour lesquels nos clients sont également activement sollicités, j’ai à cœur de proposer des activités et ateliers qui racontent la nature et donnent les clés pour l’aimer et la protéger.
Concernant nos partenaires et fournisseurs, je les choisis en fonction de leurs engagements durables et sociaux et j’essaie de développer avec avec eux des activités team building porteuses de sens et des ateliers « à impact » comme la Fresque du Climat ou une séance de design thinking autour du biomimétisme. Grâce aux techniques d’intelligence collective, j’invite ainsi les collaborateurs d’une entreprise à se questionner sur les enjeux climatiques, à ancrer leurs valeurs au sein du collectif ou à s’inspirer de l’ingéniosité de la nature pour innover ou résoudre une problématique.
 

BM : Bientôt 2 ans depuis ce changement de vie, quel bilan en tirez vous pour l’instant ?
 

CL : 2 ans, ou plutôt 8 saisons ! Peu à peu, nous avons redécouvert notre environnement et appris à nous adapter au rythme de la nature, qu’on ressent bien plus fort qu’en vivant en ville évidemment. Pas le temps de s’ennuyer quand on tient une maison de séjours de 700m² dans un domaine forestier à entretenir et qu’on accueille des groupes 2 fois par semaine toute l’année…   
L'an passé, ce sont plus de 30 entreprises et 60 groupes de particuliers qui sont venus vivre l’expérience… L’activité du Coupet se développe, cependant je ne nourris pas d’ambition de croissance effrénée. Pouvoir en vivre correctement, contribuer à l’activité économique et sociale de notre nouveau territoire par l’emploi généré et les collaborations, renforcer notre engagement écologique et celui de nos visiteurs, voilà mes nouveaux KPI’s ! 
 

elc

Emma-Louise Chaudron

Rédactrice Web