Management interculturel : les 8 conseils à avoir en tête lorsque l’on souhaite s’internationaliser

Internationaliser son entreprise, c’est être amené à travailler avec des cultures différentes. Les entreprises intègrent de plus en plus la compréhension de l’interculturel en leur sein pour optimiser les chances de réussite et éviter tout risque de conflits. Qu’en est-il de la vôtre ? Philippe Pierre, consultant, conférencier et formateur en management interculturel, partage quelques conseils.

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Management interculturel

« Ce rapport à la différence, la manière de considérer « l’étranger », qu’il soit… à l’étranger ou dans notre propre pays, est une des questions majeures de notre rapport à l’identité collective ». Dans L’Archipel humain : Vivre la rencontre interculturelle, l’écrivain, conférencier et consultant expert en interculturalité Michel Sauquet et le consultant, conférencier et formateur en management interculturel Philippe Pierre reviennent sur les relations entre cultures et les enjeux d’identités culturelles d’aujourd’hui. Des enjeux auxquels sont aussi confrontées les entreprises, justement lieu où se rencontrent de nombreuses identités. Quand une société s’internationalise, une réflexion doit s’opérer autour de sa stratégie à l’étranger, son management, ses ressources humaines, … Quelques pistes pour s’y retrouver avec Philippe Pierre. 

Favoriser la réflexion autour de l’interculturel dans son entreprise 

Comprendre la notion de culture et d’interculturel 

Il suffit de taper « culture définition » dans la  barre de recherche Google pour se rendre compte de la multitude de tentatives de l’expliquer dans la langue française. On l’attribue souvent pour parler des différences propres à des groupes de personnes venant de pays différents, bien que cela puisse s’appliquer tout aussi bien à des groupes présentant d’autres types de différences, que ce soit en termes de générations, en handicap, en religion, en milieu social, etc. Philippe Pierre aborde trois temps de l’entreprise lors de sa réflexion autour de l’interculturel :  

  • Le temps monoculturel, où l’entreprise cherche à faire en sorte que la culture de l’autre s’assimile à la sienne, avec la conviction que son modèle est le meilleur. 
  • Le temps multiculturel, où l’entreprise ne prend pas forcément le temps de connaître ses partenaires ou son travail, il s’agit d’une coopération plutôt distante. 
  • Le temps interculturel, où l’ambition est plus forte, avec une volonté d’investissement à long terme dans lequel l’entreprise accepte une certaine transformation pour essayer d’évoluer avec l’autre. 

« Si on devait le simplifier en mots clés, dans le monoculturel on assimile, dans le multiculturel on coexiste, et dans l’interculturel on intègre », résume l’expert. « On trouve souvent les trois temps en entreprise, et ils peuvent même parfois coexister quand elle grandit à l’international ». Pour Philippe Pierre, admettre cette pluralité est un premier pas.  

Repenser à sa façon de communiquer pour mieux négocier  

Le milieu de l’entreprise représente un lieu où tous types de cultures se confrontent. C’est d’autant plus vrai si elle s’exporte. Ne pas prendre l’interculturel en compte, c’est l’exposer à différents risques. Cela peut aller du conflit à l’échec d’implantation ou de joint-venture, en passant par la perte de talents locaux ou un produit inadapté. « Au contraire, prendre en compte l’interculturel permet de négocier avec davantage d’intelligence », ajoute Philippe Pierre. « On comprend mieux sa propre façon de communiquer, même lorsqu’elle est non-verbale. L’un des grands enjeux du management interculturel repose justement sur le décodage de signes que l’on envoie sans en avoir conscience ». 

Identifier les différentes possibilités d’internationalisation de son entreprise  

Selon les besoins ou même la taille de l’entreprise, il est possible d’explorer différents types de travail avec l’étranger. Il peut s’agir d’un collaborateur que l’on expatrie sur du long terme, d’une mobilité occasionnelle à raison de quelques semaines par mois ou par an, ou bien du recrutement d’un VIE (Volontariat International en Entreprise). Chaque alternative présente ses avantages et ses inconvénients. « De par leur âge, les VIE ont peut-être une autre façon de regarder le travail, l'engagement ». Une autre peut également être de recruter des talents locaux. Dans ce cas, Philippe Pierre recommande de les intégrer proche de la direction en charge de l’international pour mieux comprendre les objectifs de réussite de l’entreprise. « La coprésence physique et l'écoute active seront des qualités alors importantes chez le directeur export ». C’est également vrai lorsqu’il s’agit de simplement travailler avec des partenaires locaux. « Certaines cultures vous en voudront d'être seulement de passage et de pas converser dans le temps long. Ils ne chercheront pas à faire affaire sur le long-terme », poursuit le sociologue. 

Former les collaborateurs aux langues étrangères pour créer un climat d’échange 

La langue est sûrement la manière d’aller vers l’autre la plus évidente. Pour autant, la pratique est loin de l’être. « Certaines personnes s’écartent des réunions parce qu’elles ne maitrisent pas la langue de travail, ce qui crée chez elles une forme d’auto-censure », explique Philippe Pierre. Former les collaborateurs à cette langue se révèle alors très utile. L’expert conseille de s’intéresser à la langue de travail des partenaires étrangers, ou voire à la possibilité de garder chacun la langue habituellement utilisée dans l’entreprise. « J’ai assisté à des réunions où chacun parlait dans sa langue, allemand, anglais et français. Chacun était suffisamment alerte pour essayer de comprendre le sens global. Si on passait sur des sujets nécessitant plus de détails, on se faisait aider d’interprètes ». 

« Dans le cas d’une expatriation, le collaborateur n’est pas le seul à partir »

Préparer le collaborateur qui s’expatrie pour avoir une meilleure compréhension de la culture visée 

Qu’il s’agisse de la dirigeante qui prépare son entreprise à l’export, le directeur export qui prospectera prochainement un nouveau terrain, ou encore le collaborateur qui s’expatrie, il est fondamental que chacun soit préparé pour rencontrer les potentiels futurs partenaires. De nombreux séminaires de formation existent spécifiquement pour cela. Ils permettent d’avoir une meilleure compréhension des cultures visées. « Ce ne sont pas des recettes toutes faites qui consistent à sonder les manières de faire de l'autre. Il s’agit plutôt d’acquérir des grilles de questionnements et d’accepter l'idée que si l’on veut bien travailler avec quelqu’un qui ne nous ressemble pas, il faut aussi faire l'effort de mieux se connaître soi-même ». Le sociologue note que ces formations peuvent parfois intégrer des travaux de recherche comme ceux d’Edward T. Hall, anthropologue américain ou Hofstede, psychologue et anthropologue néerlandais. Ces experts, parmi d’autres dans l’interculturel, représentent ainsi des ressources intéressantes qui peuvent servir de base pour développer ses compétences, avant même de participer à une formation. « Le Culturoscope de Michel Sauquet propose 70 questions à se poser pour travailler avec quelqu’un qui ne nous ressemble pas tout à fait » partage également le spécialiste de l’interculturel. 

Prendre en compte le cercle privé de la personne qui s’expatrie 

Dans le cas d’une expatriation, le collaborateur n’est pas le seul à partir. Derrière lui, sa famille suit la plupart du temps ce projet de vie à l’étranger. « Les entreprises en avance sur ce sujet intègrent les formations en langues pour le conjoint, son parcours de formation dans le pays qu'il rejoint, la scolarité des enfants, ou encore les questions de santé » développe-t-il. Négliger ces aspects peut compromettre les ambitions de mobilité internationale. « Cela fait partie des ancres de carrière, c’est-à-dire ce qui fait que le bateau finisse par rester au port », illustre Philippe Pierre. 

Se laisser étonner volontairement 

Lorsque l’on rencontre des personnes d’autres cultures, Philippe Pierre invite à accepter une période « d’étonnement volontaire, qui consiste à ne pas juger trop vite, à creuser un peu plus avant de tirer des conclusions hâtives ». Le spécialiste de l’interculturel recommande de suivre plusieurs étapes, la première étant de suspendre son jugement. « Lorsque l’on recrute quelqu’un qui ne parle pas la même langue, avec une expérience de vie totalement différente, un excellent exercice est de marcher avec lui. On change d’espace physique, on regarde dans la même direction, on dépasse nos habitudes de le faire comme un jury d'école », conseille-t-il. La seconde étape consiste à distancier son regard pour davantage laisser la place à l’avis des autres personnes. « Le manager interculturel est précisément cela : quelqu’un qui va volontairement créer des espaces de parole pour s’entendre dire des choses qu’il n’a pas forcément envie d’entendre », complète le spécialiste. La dernière étape revient à rappeler les éléments, souvent liés à ses référentiels de sens, sur lesquels on ne transige pas et cela peu importe la culture.  

Tenir compte des différences culturelles des référentiels de sens 

Enfin, il ne faut pas faire l’impasse sur la nécessité de préciser à l’autre comment on pense fonctionner sur le plan culturel et les valeurs sur lesquels on ne transige pas : respect des deadlines, ponctualité, … Ces différences de perception du temps (chronémie), mais aussi de l’espace physique (proxémie, questionnements autour du fait de regarder directement dans les yeux, de serrer la main ou non, etc.) ou encore dans la relation avec les anciens (qui influe sur la perception de la hiérarchie et du niveau d’expérience) interviennent également dans un cadre interculturel. « Ce sont des choses transmises et héritées depuis le plus jeune âge et dont on n'a plus forcément conscience quand on n'est pas en situation de confrontation avec quelqu'un d'une autre culture », conclut Philippe Pierre. 

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