Joachim Garraud fait revivre des films culte français grâce à l’IA

Big média a rencontré le DJ de renommée internationale, précurseur de la French Touch et entrepreneur confirmé, Joachim Garraud.

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Joachim Garraud
Joachim Garraud

Joachim Garraud, DJ français et producteur de musique électronique 

Joachim Garraud est DJ, remixeur et producteur de musique électronique. Aux prémices de la French Touch, il participe à faire connaitre ce mouvement musical au-delà de nos frontières aux côtés de Thomas Bangalter, David Guetta, Bob Sinclar, Cassius, Jean-Michel Jarre et tant d’autres. L’artiste, aussi entrepreneur, à l’origine notamment de l’Elektric Park Festival, qu’il a fondé en 2010. Il organise prochainement, le 23 mai, un festival qui se tiendra au Mayan, une discothèque de Los Angeles. Dans ce spectacle, produit spécialement pour les Français de Californie, plus particulièrement les expatriés de la cité des Anges mais aussi pour tous les amateurs de culture française, il dispose des possibilités offertes par la technologie pour faire revivre des films culte français autrement. Et ainsi, rassembler celles et ceux qui ont la nostalgie du pays autour de leur culture d’origine. Pour Big média, celui qui a été l’un des premiers à jouer de la techno en France revient sur son parcours, ses rôles modèles, ses inspirations, et l’inévitable intelligence artificielle. Rencontre. 

 

Big média : Vos spectacles prennent vie grâce à la technologie, notamment le prochain qui aura lieu le 23 mai prochain au Mayan de Los Angeles. Pourquoi ce show est-il si particulier ? 

Joachim Garraud : Ce spectacle, je l’ai déjà joué il y a un an à Central Park, à New York, pour le 14 juillet. Chaque année aux Etats-Unis, de nombreuses villes célèbrent officiellement de ce qu’ils appellent le « Bastille Day ». J’ai donc voulu créer un show spécifiquement pour les Français expatriés, que je rejoue à l’occasion de cette soirée au Mayan de Los Angeles. Dans ce spectacle, je combine la musique French Touch du début des années 2000 et des extraits de films culte français. Et ça c’est grâce, entre autres, à l’intelligence artificielle. Elle me permet d’aller piocher, dans les films, des répliques culte et de les rythmer pour qu’elles puissent être jouées en tempo sur la musique.  

 

BM : Diriez-vous que la musique électronique est un terrain de jeu propice à l’innovation et donc à l’utilisation de technologies comme l’intelligence artificielle ? 

JG : Oui, car c’est une discipline en perpétuelle évolution et la technologie fait partie intégrante de son développement. Quand on a découvert le sampler par exemple, un instrument capable d’enregistrer des échantillons sonores puis de les retranscrire, un courant musical est né et des groupes comme Daft Punk sont apparus, pour ne citer qu’eux. Ce sont eux qui ont popularisé le fait d’emprunter de petits bouts d’œuvres et d’en faire une sorte de patchwork auditif. Sans la technologie, l’émergence de ces groupes n’aurait pas eu lieu. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est une nouvelle découverte, qui permet de nouvelles choses. Elle agit comme un assistant général global, qui permet d’aller plus vite dans la recherche de sons, dans le mélange de sons, d’aller plus loin dans l’expérimentation.  

 

BM : Pensez-vous que l’IA peut permettre à la nouvelle génération de DJ d’innover et de définir le futur de la musique ? 

JG : Difficile à dire, car oui l’IA peut démocratiser le fait que tout le monde puisse faire de la musique. Mais ce n’est qu’un outil, qui peut être bien utilisé mais mieux, selon moi, par quelqu’un qui connaît tout le reste. Dans le cadre de ce concert le 23 mai au Mayan, j’utilise l’intelligence artificielle pour faire une chose impossible il y a cinq ans : aller chercher un extrait de film, enlever la musique pour ne garder que les dialogues et les rythmer sur une grille musicale. Ça aurait pris des heures et des heures pour un résultat de quelques secondes. Aujourd’hui, l’IA permet de le faire en direct, en live, le gain de temps est exponentiel. Mais j’ai une expérience de 25 ans dans le fait de sampler des films et de les jouer par-dessus des sets de techno. Hier avec Terminator, aujourd’hui avec Dune… Avec cette expérience, je peux aller beaucoup plus vite que certaines personnes qui découvrent la musique avec l’intelligence artificielle aujourd’hui. Donc je ne sais pas si ça peut aider tout le monde, mais ça peut aider en tous cas à éviter de jouer une note à côté.  

 

BM : Que représente pour vous la French Touch à l’heure actuelle, aussi le bien le courant musical que le mouvement des industries culturelles et créatives ? 

JG : En musique, les cycles durent environ vingt ans, et les jeunes écoutent bien souvent la playlist de leurs parents. La première vague de la French Touch, était étroitement liée au disco des années 70, 80 avec Ceronne, qui revient sur le devant de la scène selon un cycle de trois fois vingt ans. Aujourd’hui, en 2024, on va venir piocher dans ce qu’écoutait la génération précédente, en 2004, soit la deuxième vague du mouvement French Touch avec Cassius, Daft Punk, Bob Sinclar, tous ces artistes qui exportaient la musique française. Aujourd’hui, beaucoup d’artistes viennent s'inspirer de ce répertoire. C’est ça French Touch pour moi, ce sont ces artistes qui s’inspirent de ce large répertoire des années 2000, sont animés par cette liberté propre à la création française et ne respectent pas forcément les règles. Et c’est aussi le but de cette soirée du 23 mai au Mayan de Los Angeles, faire revivre des tubes que j’ai produit seul ou avec David Guetta, Bob Sinclar, Martin Solveig, qui étaient dans les charts. 

Au-delà de la musique, la French Touch est aussi le mouvement des industries culturelles et créatives, qui regroupe beaucoup d’autres univers et permet de se retrouver en collectif pour se porter les uns les autres. C’est nécessaire de retrouver ces différents secteurs sous un même drapeau et de voir ce que nous avons en commun. Pour la soirée du 23 mai au Mayan de Los Angeles, ce que nous voulons c’est mettre à l’honneur le courant musical French Touch et le cinéma français. 

 

BM : Cela permet aussi de faire découvrir des films culte, le cinéma et le savoir-faire français aux plus jeunes générations ? 

JG : Oui tout à fait, et c’est une volonté de surprendre et d’innover. Depuis 30 ans que je fais des spectacles, j’ai toujours essayé d’innover et de proposer une expérience unique. J’ai joué du clavier en live, j’ai commencé à utiliser l’image dans les spectacles dès que j’ai vu qu’on pouvait la synchroniser avec des écrans led... Et ce que je trouve génial entre le courant musical French Touch et le cinéma français, c’est que ça s’imbrique très bien ! Je peux prendre par exemple un morceau d’un tube de Bob Sinclar et un extrait des Bronzés que tout le monde connait et ça y est, les Français sont complétement dans leur élément. Et, comme ce spectacle est destiné à être joué pour les Français de divers pays, j’ai tenu à trouver des liens entre le cinéma français et le pays où je joue. Par exemple, pour Los Angeles j’ai des samples de Brigitte Bardot qui répond à Anthony Quinn qui font très français… Alors oui des années 60 c’est vrai, mais qui sont aussi très connus par les Américains. Et quand j’irai prochainement le jouer en Argentine, j’irai chercher des liens avec l’Amérique Latine. L’idée serait de nouer un partenariat avec le Quai d’Orsay pour proposer ensuite ce show de façon récurrente aux consulats et ambassades à travers le monde. 

 

BM : Votre expérience dans la musique et votre carrière d’entrepreneur sont étroitement liées, comment passer d’une casquette à l’autre ? 

JG : Je dirais que j’ai toujours entrepris. Quand j’avais 14 ans, je lavais les voitures, faisait du babysitting et je coupais l’herbe chez les voisins pour gagner 5 francs et m’acheter des disques. Je les mettais dans ma collection et lorsque j’ai pu me payer ma discomobile, c’est-à-dire une platine vinyle et une table de mixage, j’ai alors commencé ma petite entreprise. J’allais le week-end, vendre mes services pour faire danser des adolescents, et je vendais ça 15 francs. C’était fou de me dire qu’il y avait une rentabilité dans ce que j’aimais faire le plus ! C’est vrai que maintenant les leviers ne sont plus les mêmes, Elektric Park a 14 ans, rassemble 30 000 personnes et fait près de deux millions de chiffre d’affaires. Mais la philosophie reste la même, c’est-à-dire développer soit des outils, soit des savoirs et les transmettre. C’est ce que je fais avec la FNAMM, une école de formation numérique en ligne, ce qui me permet de transmettre ce que j’ai appris en 35 ans de carrière à la nouvelle génération. Le côté entrepreneuriat, j’ai la chance d’avoir ça dans le sang, d’aimer développer, d’aimer faire grossir des projets. Avant Elektric Park par exemple, c’était Inox Park : une scène, 8 à 10 000 personnes, et 14 ans après c’est 6 scènes et 30 000 personnes, tout cela c’est un développement qui se fait progressivement. Mais je ne me suis jamais vraiment posé la question de savoir comment on fait pour entreprendre et j’ai eu la chance de faire les bonnes rencontres : travailler avec David Guetta, faire trois albums, une centaine de chansons et mettre en place tout un système rentable, ça a boosté l’ensemble de ma motivation à entreprendre.  

 

BM : Qui sont vos rôles modèles, qui vous ont inspiré pour développer à la fois votre carrière d’artiste et d’entrepreneur ? 

JG : Ça a beaucoup fonctionné par passion, par collaboration musicale et artistique. Je me suis rarement associé à des marques, même si j’ai parfois eu des propositions alléchantes, car ça ne rentrait pas toujours dans mon secteur d’activité. Ce sont plutôt les rencontres qui ont jalonné le parcours de ma vie. Il y a eu bien entendu David Guetta, Jean-Michel Jarre… en même avant ça il y en a eu d’autres. Je viens de Nantes, j’ai beaucoup travaillé dans la région Ouest et en arrivant à Paris j’ai rencontré une équipe de gens qui travaillaient pour la radio Maxximum, qui appartenait à RTL et à la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion, la CLT. Ça m’a amené à rencontrer beaucoup de personnes avec qui j’avais les mêmes affinités musicales. Ces rencontres-là, elles donnent confiance en soi et elles sont très importantes.  

 

 

Qui est Joachim Garraud ? 
Joachim Garraud est un DJ français, remixeur, producteur, compositeur de musique électronique, né le 27 septembre 1968 à Nantes. Il est reconnu pour son influence dans la musique électronique dès les années 90. Il a notamment commencé sa carrière au Boy, et a aussi mixé au Red Light, discothèques parisiennes. Il a travaillé avec des artistes tels que David Guetta, Jean-Michel Jarre, Bob Sinclar, Cassius, Deep Dish ou encore Laurent Garnier. Joachim Garraud a également marqué l'industrie musicale par ses performances dans des festivals de renommée internationale comme Lollapalooza, Coachella, Electric Zoo, Exit Festival et Tomorrowland. Son logo, un symbole reconnaissable entre tous, et son masque, souvent vu lors de ses performances live, sont devenus emblématiques de son identité artistique. Le mix et le remix sont au cœur de son art, comme en témoignent ses sessions Zemixx sur YouTube et son podcast acclamé. Son studio, où il concocte ses prochaines invasions sonores, est un lieu de création sans limites. Joachim Garraud n’est pas seulement un artiste, mais aussi un innovateur, avec des projets tels que Space Invaders et Maximus, qui repoussent les frontières de la musique électronique. Son influence s’étend au-delà de la musique, avec une présence active sur Facebook, Instagram, et Twitter, ainsi qu’une ligne de merchandising comprenant des t-shirts et des casques WESC à son effigie. Tout au long de sa carrière de DJ, il a aussi contribué à la production d'événements musicaux majeurs comme l’Elektric Park Festival et a partagé son expérience à la nouvelle génération de DJ et producteurs de musique électronique, nous rappelant, selon son propre single que “We Are The Future”. 

Jean baptiste Ganga

Jean Baptiste GANGA

Rédacteur web