Galette des rois 2024 : l'amande française veut sa part du gâteau

Si 30 millions de galettes des rois sont vendues chaque année en France, les amandes composant la fameuse frangipane sont quasiment toutes originaires de Californie. Une situation que tente d’inverser une filière tricolore qui rivalise d’ingéniosité pour replacer l’amande française au goût du jour.

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Galette des rois 2024 : l'amande française veut sa part du gâteau

97,5 % des 45 000 tonnes d’amandes consommées chaque année en France proviennent de l’étranger, le plus souvent des amandiers plantés en Californie, d’après La Compagnie des Amandes. Si historiquement, la Provence et l’Occitanie sont des terres propices à la culture de cet arbre nécessitant un fort ensoleillement et peu d’humidité, les années 1950 ont vu ce type de plantation disparaître progressivement au profit de filières plus rentables. Mais depuis les années 2010, un vent nouveau souffle sur le secteur, à l’image de Terre d’Amandes, un producteur localisé dans l’Aude. « J’ai acheté des terres et j’y ai planté des amandiers en 2013, car ça me faisait mal de savoir que l’on importait 40 000 tonnes d’amandes par an, alors que l’on n’en produit que 1 000 tonnes dans notre pays », confie Marc Berthomieu, créateur de l’exploitation familiale. Un exemple tricolore, parmi tant d’autres, qui mise sur une agriculture raisonnée et la qualité des produits, plutôt que sur une exploitation industrielle désastreuse pour l’environnement. Plongée dans un secteur en plein essor. 

Les producteurs français misent sur la qualité 

Contrairement aux années précédentes, le gel n'a en rien perturbé la récolte d'amandes françaises en 2023, portant à environ 1 500 tonnes la production du fruit à coque. Si cette dernière est bien loin de répondre au besoin de notre consommation annuelle d'amandes, la filière française a clairement le vent en poupe. L’Hexagone compte aujourd’hui 2 331 hectares de vergers en production, pour 1 032 exploitations, selon France Amande, association interprofessionnelle réunissant les différents acteurs du secteur. Si la filière française a encore besoin de se structurer, force est de constater que l’on compte essentiellement de petites surfaces de production dans notre pays : 2,25 hectares en moyenne, bien loin des standards américains.  

« À la différence de ce qui se passe en Californie notamment, nous pratiquons chez Terre d’Amandes une culture raisonnée, sans désherbants chimiques comme le glyphosate », explique Marc Berthomieu. « Nous privilégions les engrais organiques, l'enherbement naturel, en nous efforçant de respecter au maximum la nature et les terres qui nous font vivre ». Car le principal objectif de Terres d’Amandes, à l’image de la majorité des petits producteurs français, est de fournir un fruit sec de qualité. En pays Cathare, à quelques encablures de Narbonne, dans le département de l’Aude, elle est par exemple sélectionnée parmi trois variétés françaises reconnues pour leurs qualités gustatives : Lauranne, Ferragnès et Ferraduel. Un savoir-faire artisanal qui permet notamment à Marc Berthomieu de fournir plusieurs restaurants étoilés, à Paris et en province.

Marc Berthomieu, créateur de Terre d'Amandes
Marc Berthomieu, créateur de Terre d'Amandes, dans son verger d'Ornaisons (Aude)

 

Des récoltes d’amandes fragiles 

Si le prix de l’amande peut sembler élevé au consommateur, côté producteur on sait le dévouement et la patience nécessaires pour récolter les fruits d’un arbre qui ne pousse que dans de très rares endroits en France, essentiellement en Provence, en Occitanie et en Corse. « Il faut quatre ans après plantation pour qu’un amandier donne ses premiers fruits », explique le fondateur de Terre d’Amandes. « C’est également un arbre très sensible au gel du printemps qui peut anéantir toute une production. Il faut énormément de soleil et très peu d’humidité pour une belle récolte. »  

Autre raison : l’irrigation est primordiale et forcément compliquée dans des zones de plus en plus touchées par la sécheresse, à l’image du pourtour méditerranéen. « Sur l’ensemble de notre verger de 10 hectares, nous pratiquons la micro-irrigation », ajoute Marc Berthomieu. « Dans une démarche écologique, notre système connecté nous permet de planifier avec précision l’arrosage strictement nécessaire pour nos 2 500 amandiers. »

Terres d’Amandes : une culture en faveur de la biodiversité 

Marc Berthomieu a également démarré, dès 2018, une activité d’apiculture afin d'optimiser la pollinisation des arbres, en positionnant plusieurs ruches dans ses vergers. « Nous agissons dès que possible en faveur de la biodiversité », s’exclame-t-il. « Nous avons également mis en place des haies et redynamisé celles existantes. Elles sont des refuges indispensables pour la faune de nos campagnes. C’est grand un plaisir pour nous de croiser, au quotidien, des perdrix rouges, faucons crécerelles, lièvres, corneilles, pies ou encore buses variables. » 

Marc Berthomieu et son fils Julien, futur repreneur de l’affaire familiale, cherchent également à limiter le travail du sol afin de le préserver et d’éviter son érosion. Quant à la gestion de l’enherbement (moyen de protéger les sols de l'érosion et des effets délétères d'une exposition directe à la pluie, au gel et aux UV), elle est réalisée de manière mécanique. Enfin, l’impact des arbres en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique s’avère désormais primordiale. « Un arbre planté stocke entre 20 et 30 kg de carbone par an, ce qui représente pour l’ensemble du verger 75 tonnes de carbone par an », se réjouit Marc Berthomieu. 75 tonnes, c’est l’équivalent de la pollution annuelle moyenne de huit Français.

Simon NAPIERALA
Simon Napierala Redacteur web