Se développer aux Etats-Unis et au Canada : le rêve américain existe-t-il encore ?

Quelle entreprise n’a pas déjà imaginé réaliser le grand rêve américain ? Mais dans des pays aussi vastes que les Etats-Unis ou le Canada, chaque région doit être étudiée au cas par cas pour s’assurer du potentiel de son activité sur place. Quelques premières clés de lecture avec Agustín Cedeño, chargé de développement export Amériques et Caraïbes chez Bpifrance.  

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export amérique du nord

Cent cinquante-trois milliards de dollars. C’est la somme des échanges économiques et commerciaux entre les Etats-Unis et la France en 2022. Côté Canada, le chiffre atteint 8,3 milliards d’euros. Dans les deux cas, la Direction générale du Trésor, qui a rendu ces chiffres à l’été 2023, parle de « niveau record ». Le rêve américain reste ancré dans l’esprit des entreprises françaises, qui semblent s’intéresser toujours plus à la région nord-américaine. « En dix ans, l’export français vers les Etats-Unis a été multiplié par deux. C’est aujourd’hui notre deuxième partenaire commercial après l’Allemagne », souligne Agustín Cedeño, chargé de développement export Amériques et Caraïbes chez Bpifrance. Le Canada suit son voisin en tant que deuxième partenaire américain de la France. Si ces vastes pays offrent de nombreuses ressources, l’expert Bpifrance recommande de les analyser selon leurs sous-marchés et Etats, chacun ayant ses propres nuances. « Certains ont des politiques fiscales incitatives pour les entreprises étrangères de taille moyenne afin de les attirer sur leur territoire. La Floride et le Texas, par exemple, ont développé un volet sur les PME porteuses d’innovations et de technologies ». Mais avant d’en venir à s’installer, Agustín Cedeño nous partage quelques éléments pour mieux comprendre ces marchés.  

La Fab, le créneau américain stratégique pour les entreprises françaises 

Avec les enjeux géopolitiques actuels, les Etats-Unis montrent un certain intérêt pour des secteurs industriels stratégiques. Le CHIPS Act, entré en vigueur début 2023, vise à reprendre davantage la main sur la production de semi-conducteurs, avec de solides pôles de production et des investissements venus du monde entier.  « Le géant taïwanais TSMC construit actuellement une usine en Arizona, et le coréen Samsung compte ouvrir une douzaine d’usines au Texas d'ici 2042 », donne pour exemples le chargé de développement export. Une belle ouverture pour ce secteur de l’industrie française, à l’instar de nombreux autres qui fructifient eux aussi sur le marché américain. 

Au-delà des équipements électroniques, les produits chimiques et cosmétiques ou les transports français semblent eux aussi particulièrement demandés selon les chiffres. « Sur l’industrie pharmaceutique, nos exportations vers le Canada ont été multipliées par trois sur ces quinze dernières années. La demande pour des produits et services étrangers est de plus en plus importante », pointe Agustín Cedeño. L’agro-alimentaire n’est pas non plus en reste : il domine le classement des principaux secteurs d’export au Canada, et se classe cinquième aux Etats-Unis. La gestion de l’eau devient d’ailleurs critique dans certains Etats américains, qui se mettent à la recherche de nouvelles solutions. 

La tech française au service de l’agro-alimentaire américain 

A l’image de nombreux autre pays comme le Maroc, le stress hydrique représente une des problématiques des Etats-Unis, qui s’amplifie avec le changement climatique. Parmi les régions les plus concernées : l’Ouest et le Sud-Ouest américains, comme la Californie ou le Nouveau Mexique. La sécheresse y entraine des pénuries d’eau, compliquant alors l’irrigation des champs. « Des mouvements de migrations liés aux prix de l'immobilier, au Covid, ... aggravent le problème de la gestion de l’eau. Or chaque Etat gère à sa façon cette problématique, sans véritable politique nationale qui viserait à réguler cela », indique le chargé de développement export sur la zone. Pour lui, les PME françaises ont de quoi améliorer la qualité de l'irrigation ou des rendements agricoles à travers l’innovation ou l’IA. « Des technologies pour prévenir les éventuels moments de sécheresse ont un vrai potentiel par exemple », continue-t-il. « Les Français sont reconnus pour leur certifications vertes ou les prix internationaux qui leur sont décernés sur ce secteur. Cela confirme leur légitimité sur le marché ». L’innovation française offre ainsi de nombreuses opportunités d’exportation, et pas seulement dans l’industrie agro-alimentaire. Sur les industries culturelles et créatives (ICC) en revanche, ce sont peut-être bien les Etats-Unis et le Canada qui ont un nouveau regard à nous offrir sur les tendances de demain.  

L’Amérique du Nord, marché pionnier sur les industries culturelles et créatives 

La région nord-américaine accueille des événements internationaux parmi les plus emblématiques des ICC pour observer ce qu’il se fait de mieux sur le secteur et rencontrer de potentiels partenaires. L’un d’eux n’est autre que le South by Southwest (SXSW), crée il y a 36 ans. D’un festival de cinéma, c’est devenu une plaque tournante pour toutes les ICC, du jeu vidéo à l'art du spectacle, en passant par les arts visuels ou l'IA et le machine learning. Pour les entreprises, c’est aussi une opportunité de mieux comprendre le marché américain. « L'appétence pour le savoir-faire français se trouve davantage dans le volet média-communication-presse. De nombreux entrepreneurs accompagnés par Bpifrance se sont démarqués pour leur savoir-faire sur ce créneau, comme Histovery », cite Agustín Cedeño. « Au Canada, des villes comme Vancouver, Montréal ou Toronto se distinguent comme de véritables pôles d’ampleur pour ces industries ». Le pays, où les ICC ont représenté 673 milles emplois directs et contribué à 2,7 % de son PIB (soit 57,1 milliards de dollars) en 2019, pourrait lui aussi offrir son lot d’opportunités pour les entreprises françaises qui ambitionnent de s’y lancer.  

Si l’Amérique du Nord a du rêve à revendre, « il est important d’étudier chaque région ou Etat au cas par cas, et de les comprendre comme des sous-marchés avec des différences en termes de volets législatifs, migratoires ou fiscaux », insiste une dernière fois Agustín Cedeño.  

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