Quand la FoodTech s'attaque au défi du gaspillage alimentaire

L’agroalimentaire a la côte auprès des entreprises de la tech. Pour Big média, Laurence Gouthière de l'ADEME, Ariane Voyatzakis, responsable du secteur agroalimentaire au sein de Bpifrance et Jean Moreau, cofondateur de Phenix prennent la parole sur l'intérêt de la technologie dans la réduction du gaspillage alimentaire. 

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Quand la FoodTech s'attaque au défi du gaspillage alimentaire
© Phenix

« Il y a une dynamique de progrès incontestable depuis 2014 », déclare Jean Moreau, cofondateur et dirigeant de Phenix, une application qui accompagne les entreprises, notamment celles de la grande distribution, à réduire leur gaspillage alimentaire. La solution, qui a vu le jour il y a huit ans, comptabilise aujourd’hui plus de cinq millions de téléchargements. « On sent que le sujet est dans l’air du temps, ajoute le dirigeant. En France nous avons cinq à six ans d’avance sur les autres pays européens. » La dernière étude de l'ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) date de 2016 et présente un bilan contrasté du gaspillage alimentaire. « Les données calculées dans le cadre du reporting annuel fait par la Commission européenne, sur la base de déclarations volontaires, montrent une tendance légèrement à la baisse de ces chiffres », nuance Laurence Gouthière, en charge de ce sujet au sein de l’agence. S’il est trop tôt pour établir un lien entre apparition de la foodtech et baisse du gaspillage alimentaire sur le long terme, certaines applications et innovations permettent d’éviter, chaque année, la destruction de plusieurs tonnes de nourriture.  

62 millions de repas et près de 200 millions d’euros de produits sauvés par Phenix en 2022 

Phenix, Comerso, Too good to go … Ces applications destinées à revaloriser les invendus et ainsi réduire le gaspillage alimentaire ont explosé ces dernières années sur le territoire français. « Notre ambition est simple, connecter ceux qui ont trop avec ceux qui n’ont pas assez, assure Jean Moreau, dirigeant de Phenix. Les premiers sont les producteurs et les distributeurs. En face il y a 8 millions de Français qui vivent en situation de précarité alimentaire. » À sa création, le business model de Phenix est simple : digitaliser le don alimentaire. Les équipes de l'entreprise s’assuraient de la bonne redistribution des invendus aux associations d’intérêt général, leur évitant ainsi de finir à la poubelle. « Au fil du temps, on a fait évoluer nos services en faisant entrer deux nouveaux types de bénéficiaires dans la démarche : les consommateurs et les animaux. » Aujourd’hui, partenaire de nombreuses associations comme Les Restos du Cœur, La Croix Rouge, La Fédération des Banques Alimentaires ou encore le Secours Populaire, Phenix propose ce qui n’a pas été racheté ou redistribué à des centres équestres, parcs animaliers, fermes ou porcheries. « Avant Phenix, les associations caritatives ne savaient pas quand elles allaient être livrées, l’organisation des tournées n’était pas optimale et les aliments se perdaient », affirme Ariane Voyatzakis. Grâce à son activité, l’entreprise a sauvé 62 millions de repas et près de 200 millions d’euros de produits en 2022.  

À grande échelle, il est pourtant « pour le moment impossible de corréler l’arrivée de ces innovations avec une réduction significative du gaspillage alimentaire car on ne sait pas encore bien le calculer », partage Laurence Gouthière, en charge de ce secteur au sein de l'ADEME. Malgré tout, la spécialiste reconnait que ces solutions sont indispensables. « Elles jouent un rôle de sensibilisation, forment les professionnels et opèrent du maillage entre les étapes de la chaine alimentaire. » 

« Les entreprises de la tech ont une place à prendre dans l’éducation des consommateurs » 

Si ces innovations technologiques ont incontestablement évité la perte de tonnes d’aliments, elles permettent également de sensibiliser les consommateurs, principale source de gaspillage alimentaire. « Les chiffres que l’on a récoltés dans le cadre du premier reporting annuel font ressortir que la part des foyers est plus importante que ce que l’on avait estimé », déclare l’experte de l'ADEME. Il semblerait que les particuliers soient responsables d’un tiers du gâchis alimentaire, c’est plus que la production, la transformation ou encore la distribution. « Ces pertes sont en partie dues à la méconnaissance des individus des sigles tels que DLUO (date limite d’utilisation optimale NDLR) ou DLC (date limite de consommation NDLR) par le grand public, explique Ariane Voyatzakis, responsable du secteur agroalimentaire de Bpifrance. Également, les fruits et légumes qui ne sont pas calibrés ou parfaits visuellement sont malheureusement jetés. » 

Pour Laurence Gouthière, les entreprises de la tech ont une place à prendre dans l’éducation des consommateurs. « J’ai l’impression que quelque chose d’important se met en place autour de la conservation, des dates et alertes. » Si certaines applications existent déjà et permettent de faciliter l’interprétation des sigles par le grand public, l’experte de l'ADEME imagine une solution BtoB qui permettrait aux employés de déterminer facilement si un aliment est périmé mais peut être consommé, ou s’il n’est plus consommable et devra être donné à des centre équestres ou autres animaleries. « J’imagine aussi un petit témoin de couleur qui pourrait évoluer et permettrait au consommateur ou au personnel des surfaces de vente de savoir si la marchandise est toujours bonne à la consommation », conclut Laurence Gouthière.  

Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web