Innover en restauration : ils testent de nouveaux modèles

A Lyon, trois restaurateurs ont eu l’idée de fonder Uni, l'un des premiers restaurants avec système d’abonnement mensuel. À Marseille, Sébastien Richard a créé Le République, où clientèle traditionnelle et bénéficiaires d’associations se côtoient sans distinction.

  • Temps de lecture: 5 min
Restaurant le République
Le Chef étoilé Sébastien Richard, dans son restaurant Le République

« Il faut des héros, il faut des bistrots ! » s’exclamait Louis de Funès en 1966 dans le film Le Grand Restaurant. Instruction retenue, puisqu’après une baisse significative des créations d’entreprises au sortir de la crise sanitaire, ils sont aujourd’hui plus de 10 000 à se lancer chaque année dans l’ouverture d’un établissement, d’après l’Insee. Essor de la livraison et des plats à emporter, mise en place d’applications mobile pour passer commande, expériences immersives de dégustation ; pour faire revenir les clients dans leurs établissements, les entrepreneurs testent et implémentent des concepts innovants. Il faut dire qu'avec un chiffre d’affaires annuel dépassant les 50 milliards d’euros, selon le gouvernement, le secteur est attractif. Pour autant, il n'en reste pas moins compétitif, avec plus de 200 000 établissements recensés, d’où l’importance de faire émerger de nouveaux modèles économiques.  

C'est dans le but de se différencier de leurs concurrents que les restaurants Le République à Marseille et Uni à Lyon, ont vu le jour. Nés d’une volonté de proposer une nouvelle expérience de la restauration et d’avoir un impact positif sur l’ensemble de la chaîne de valeurs, leurs fondateurs ont imaginé des business modèles sur-mesure pour offrir une cuisine gastronomique au cadre inclusif.

Inventer son modèle sur-mesure 

Dans le Rhône, les actuels gérants du restaurant Uni, Baptiste Lauby et ses associés Bruno Callus et Benoît Lauby rachètent ensemble un, puis deux, puis trois restaurants avant de devenir un groupe de huit établissements dès 2019. Après avoir décliné la proposition d’un fonds d’investissements en vue de franchiser leur structure, les trois partenaires rêvent de nouveauté et d’inclusivité. Ils veulent mettre sur pieds un concept original qui permettrait de palier les aléas de fréquentation : l’idée d’un restaurant à abonnement émerge. Le triptyque se documente alors sur les business modèles liés aux abonnements et le besoin d’interaction de la part des abonnés. « On comprend qu’il va falloir personnaliser notre offre en accord avec la saisonnalité des produits, tout cela à prix coûtant pour les abonnés », explique Baptiste Lauby. Le concept d’Uni est simple : un abonnement mensuel de 5€ donnant accès à une remise moyenne de 35 % par rapport aux prix publics. C’est finalement grâce à son application dédiée que l’abonnement Uni tient sa véritable valeur ajoutée : « Les clients y indiquent leurs préférences et retours d’expérience, auxquels nous pouvons ensuite nous adapter ». 

Renouveler son menu en favorisant les denrées de producteurs locaux pour réduire les coûts logistiques et pérenniser la clientèle via une proposition économique réduite porte ses fruits. Au bord de la Méditerranée, le Chef étoilé Sébastien Richard et quelques amis créent une antenne de livraison de repas aux marseillais les plus démunis lors du premier confinement. Le restaurateur imagine un lieu à la fois accessible et gastronomique. Il persiste dans l’idée d’investir un bel espace atypique ouvert à tous sans distinction, idéalement situé près du Vieux-Port de Marseille Chacun peut venir manger au République sur réservation, soit aux prix indiqués sur la carte, soit pour la somme d’un euro réglée au moment de l’addition par les bénéficiaires d’associations affiliées.   

Pour Uni comme Le République, des modèles logistiques et économiques uniques se mettent progressivement en place, selon les spécificités inhérentes à chacun des concepts. Du côté de Marseille, Sébastien Richard fonde l’association « La petite Lili » pour soutenir la structure de son nouveau restaurant. « C’est important pour moi de rester indépendant tout en étant bénévole sur ce projet », explique-t-il. Afin que leurs bénéficiaires puissent avoir accès à sa cuisine, les associations partenaires doivent adhérer à celle du Chef étoilé et à son cahier des charges. Même carte et même accueil pour une clientèle venue de tous horizons, dans un lieu où les différences s’effacent dans le cadre élégant du République, au profit d’une cuisine méditerranéenne soignée.  

« Lorsqu’on lance un nouveau concept en restauration, il faut savoir s’adapter »  

L’associé du restaurant Uni, Baptiste Lauby, a dû faire preuve de résilience. Le développement de l’application dédiée et la gestion des données ont nécessité de nombreux tests et mises à jour avant que l’expérience client ne soit complètement optimale. Les gérants d’Uni simplifient rapidement leur offre, avec une nouvelle carte tous les mois plutôt que tous les 15 jours, en conservant plusieurs basiques, comme le fait de ne proposer qu’une seule formule d’abonnement – individuel. Un an après le lancement du concept, Uni se dirige vers un business model équilibré avec déjà plus de 1 000 clients fidélisés, d’après ses fondateurs.  

Une projection similaire pour Le République et son équipe de 29 salariés (dont 14 en parcours d’insertion), qui commence à réaliser des prestations pour d’autres structures privées, participant à la pérennisation de son business modèle. « Nous allons certainement ajuster le montant de notre cotisation annuelle pour les structures les plus subventionnées mais, dans l’ensemble, c’est un beau projet qui cartonne », se réjouit Sébastien Richard. Avec une moyenne quotidienne de plus de 100 couverts et 800 000 € de chiffre d’affaires sur l’année 2022 d’après la presse locale, le modèle semi-associatif fait des adeptes. L'entrepreneur parle déjà de plusieurs ouvertures en Hexagone et a pour projet de créer une école de cuisine.