Des coquilles d’huîtres aux briques, Wasterial recycle et revalorise des déchets en nouvelles matières

Grâce à un procédé de fabrication innovant et unique, Wasterial transforme des déchets voués à l’enfouissement en nouvelles matières premières secondaires ainsi qu’en produits bas carbone et esthétiques. Rencontre avec Espérance Fenzy, fondateur et dirigeant de l’entreprise lilloise.

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Wasterial

Briques, béton, pierre bleue, poussière de chantier naval, cuir, pare-brises, coquilles d'huîtres, coquilles de moules… Autant de matières non recyclées qui terminent bien souvent leur vie en déchetterie ou incinérées, mais qu’Espérance Fenzy choisit de voir comme des ressources potentielles. En 2016, cet ancien ingénieur, alors employé dans le BTP depuis dix ans, s’alarme de la masse de déchets générés par le secteur (246 millions de tonnes en 2012, soit près de ¾ des déchets produits en France). Un an plus tard, après des mois de recherche pour mettre au point une solution pertinente, il fonde Wasterial – contraction des termes anglais « waste », déchet, et « material », matériau – dans la région lilloise.

Aujourd’hui, l’entreprise donne une seconde vie à plus de 2,5 tonnes de déchets par jour en les transformant en nouvelles « matières premières secondaires » (MPS) Wasterial® ou directement en objets finis. « Notre objectif est de proposer des matières écologiques, élaborées à partir d'au moins 75 % de déchets, belles et chargées de sens. L’avantage de travailler avec des déchets, c’est qu’ils ont eu une première vie et ont donc une histoire à raconter – de la brique du Nord à la coquille de moule de la Braderie de Lille », détaille Espérance Fenzy.

Des matières uniques et bas carbone

Wasterial s’appuie sur un réseau de partenaires locaux pour récupérer différents types de déchets issus de l'industrie, du BTP, des restaurateurs et de la consommation, et travaille également en direct avec des industriels. « Certains viennent vers nous parce qu’ils veulent rendre une de leurs gammes de produits plus durables, d’autres parce qu’ils ont des matières usagées qu’ils souhaitent revaloriser. Notre savoir-faire R&D nous permet de créer des nouvelles MPS qui répondent à leurs besoins techniques et esthétiques et/ou de les conseiller sur la mise au point du produit qu’ils souhaitent créer », explique le dirigeant de l’entreprise. Celle-ci a par exemple collaboré avec L'Atelier CyclaB et l'atelier Fer de Terre pour fabriquer le manche d’un couteau à huître à partir de coquilles recyclées. Difficile de faire plus circulaire !

Une telle co-construction suppose la rédaction d’un cahier des charges très précis avec le client, y compris concernant l’aspect de la matière créée. Car celle-ci offrira des nuances de couleurs et des aspérités particulières aux déchets utilisés pour la fabriquer : « Pour nous c’est une vraie richesse et cela donne des pièces uniques, à l’image d’un plateau de table en bois avec des veines et des nœuds. Mais c’est aussi un défi de faire accepter cette matière à l’échelle industrielle avec cette part d’aléatoire », reconnaît Espérance Fenzy. L’entreprise a par ailleurs développé un processus de fabrication innovant, frugal en énergie et en eau : celui-ci repose sur l’utilisation de moules, permettant ainsi d’éviter le recours à un four et donc, de diviser l’impact carbone des produits par trois.

Essaimer les centres de revalorisation en France

Sur son site pilote situé à Tourcoing, Wasterial fabrique également des objets finis : du mobilier 100 % recyclé à la fois intérieur et extérieur (pot de bougie, plan de travail, banc, etc.), du carrelage et des vasques. Ces dernières sont vendues directement par l’entreprise, qui cherche actuellement à commercialiser l’une de ses vasques phares à grande échelle. « L’une de nos ambitions est de franchir un certain cap en termes de volume. Nous sommes plutôt reconnus en tant que startup qui fait des produits “sur-mesure” mais nous voulons montrer que nous pouvons passer sur des cadences plus importantes », affirme Espérance Fenzy. 

À moyen terme, Wasterial souhaite créer des sites de revalorisation partout en France, au plus près des gisements de déchets. « Nous ne sommes pas tant intéressés par le développement international que par la dimension locale, qui a plus de sens pour nous », ajoute l’entrepreneur, qui déplore toutefois le « manque de volonté politique » dédié à la mise en place de tels projets. « Nos installations requièrent des financements importants pour un chiffre d’affaires peu élevé, ce qui intéresse peu les investisseurs. Or, notre activité a un vrai impact positif », assure le dirigeant de Wasterial.

 

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