Egalité femmes hommes en entreprise et dans l’entrepreneuriat, où en sommes-nous ?

[TRIBUNE] A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Marie Eloy, présidente de Femmes des Territoires, de Bouge ta Boite et de Bouge ton Groupe, nous expose son point de vue.

  • Temps de lecture: 5 min
Marie Eloy

Si la question de l’égalité femmes-hommes n’a jamais été autant visible dans les entreprises et les médias, les chiffres montrent qu’il faut aller plus loin et que des actions efficaces sont indispensables. Les points d’attention et les inégalités restent nombreux mais les solutions existent. Comment agir concrètement pour renforcer l’égalité ?  

La France pionnière  

Commençons par célébrer les avancées françaises ! 

En 2011, la loi Copé-Zimmermann établit des quotas dans les Conseils d’Administration, une première en Europe. Résultat : 46% des postes d’administrateurs sont occupés par des femmes aujourd’hui, contre 30% pour l’ensemble des pays européens. C’est un succès. Les quotas, controversés, fonctionnent et c’est ce qui compte ! Il faut désormais que cette prise de conscience s’étende aux entreprises hors SBF 120, où les femmes ne représentent toujours que 25% des conseils d’administration.  
En 2021, s’appuyant sur l’efficacité prouvée des quotas, la loi Rixain les élargit aux instances dirigeantes avec l’ambition de 30% de femmes d’ici 2027 et 40% d’ici 2030. Nous en sommes à 24% aujourd’hui. 

Avec ces lois, la France devient motrice pour l’ensemble de l’Union Européenne qui, dans la foulée, adopte en 2022, après 10 ans de tergiversations, une directive pour les entreprises cotées qui devront s’assurer d’ici 2026 d’avoir au moins 40% de femmes dans leurs conseils d'administration ou une moyenne de 33% de sièges dans leurs instances (Comex + conseil d’administration). 

Comme le montrent de nombreuses études, au-delà d’être un sujet d’équité, l’égalité professionnelle est indispensable pour plus de performance économique et de RSE. 

Des enjeux clés pour les entreprises  

C’est aussi un enjeu fort de marque employeur. 74% des jeunes attendent de leur entreprise qu’elle donne la priorité à l’égalité femmes-hommes. Pour celles qui ne progressent pas sur ce sujet, le risque d’une grande démission française peut se profiler. Les jeunes veulent travailler pour des entreprises qui accordent la priorité à la flexibilité, au bien-être de tous les employés, à la diversité et à l’équité. Pour parvenir à cette transformation, il s’agit notamment de féminiser les Comex comme l’ensemble du management, de réduire les inégalités salariales et de miser sur les talents féminins de demain.  

Quelque soit le secteur d’activité, le critère de réussite le plus déterminant n’est autre que la volonté de la direction. Lorsque la direction est convaincue, toutes les étapes nécessaires pour accélérer l’égalité professionnelle s’enclenchent : la sensibilisation des managers et de l’ensemble des collaborateurs ainsi que la formation efficace des talents féminins. Pour obtenir des résultats efficaces, il faut du temps long, des indicateurs de progression et des moyens. Donc, si ce n’est pas déjà fait, il vaut mieux s’y mettre dès maintenant. 

L’entrepreneuriat féminin, la force vive à soutenir  

Concernant l’entrepreneuriat porté par les femmes, c’est essentiellement un entrepreneuriat de reconversion, prouvant qu’il est possible à tout âge d’entreprendre, quelle que soit la vie que nous avons eu avant. Sur ce point, Bpifrance a grandement contribué à démocratiser l’entrepreneuriat dans les esprits de toutes et tous et à lui donner ses titres de noblesse. Ainsi 44% des dirigeantes comptabilisent plus de dix ans d’expérience professionnelle avant d’entreprendre contre 25% des hommes. L’entrepreneuriat porté par les femmes est donc riche de ces expertises passées et est très largement guidé par le business associé au sens, au bien commun, à l’envie d’être utile et de contribuer à un monde meilleur.

Toutefois, la France souffre d’un faible taux d’entrepreneuriat chez les femmes. Seules 3,4% des femmes actives sont entrepreneures à comparer avec le Canada (13%) ou le Royaume Uni (6%). S’il est manquant, c’est également un entrepreneuriat précaire puisque, bien qu’il s’agisse de leur activité principale, une entrepreneure sur deux ne se rémunère pas du tout et 82% gagnent moins de 1500€ par mois lorsqu’elles sont isolées. Ces chiffres peuvent s’inverser drastiquement dès qu’elles sortent de l’isolement.

C’est dans les réseaux qu’elles vont connaître les aides, les prêts, qu’elles vont être accompagnées pour réaliser un business plan, affiner leur stratégie, être recommandées, mises en relation, qu’elles vont développer leurs compétences, leur posture d’entrepreneure, d’où la nécessité, par exemple, du collectif Cap Créa, mis en place par Bpifrance, pour doubler le nombre d’entrepreneurs accompagnés d’ici 2027. 

Pour réduire les inégalités, soutenir l’entrepreneuriat féminin et s’appuyer sur toutes les forces vives, des plans conséquents, spécifiques pour les dirigeantes ont ainsi été instaurés aux Etats-Unis comme au Canada, notamment pour faciliter l’accès aux financements, aux réseaux et à l’expertise pour les dirigeantes. 

Choisir d’avancer dans la même direction serait un grand pas pour plus de mixité, d’innovation, de performance et d’entrepreneuriat durable en France.

Une conviction : nous y arriverons ensemble !  

Après dix ans d’actions concrètes partout en France pour plus d’égalité économique et de mixité, je suis convaincue que la France a plus que jamais besoin de s’appuyer sur toute l’intelligence collective et sur toutes les forces vives pour faire face aux enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux, de démocratie et de paix qui sont face à nous.  

Nous ne pourrons y arriver qu’en transformant la gouvernance de nos économies, et en nous appuyant tout autant sur les femmes que sur les hommes. Tout est lié. 
 
 
Marie Eloy est présidente de Femmes des Territoires (pour créer son entreprise), de Bouge ta Boite (réseau business et sororité ) et de Bouge ton Groupe (pour faciliter l’égalité professionnelle dans les entreprises). 
 

logo big média
Big média Rédacteur web