De la DGSE au monde de l’entrepreneuriat avec Tehtris, le parcours d’Elena Poincet

Après douze années dans l’armée de terre et quatorze à la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure), Elena Poincet a co-fondé en 2010 avec Laurent Oudot, Tehtris, une entreprise spécialisée dans la cybersécurité. Elle revient avec Big média sur sa carrière. Récit. 

Elena Poincet Tehtris

10 000. C’est le nombre de menaces qu’est capable de neutraliser à chaque minute TEHTRIS, fleuron tricolore de la sécurité. Co-fondée en 2010 par Laurent Oudot et Éléna Poincet, la scale-up a international. Bien qu’Éléna Poincet ait aujourd’hui tout d’une cheffe d’entreprise aguerrie, ce n’est pourtant pas la voie entrepreneuriale qu’elle envisageait après l’obtention de son bac scientifique. « Après le lycée, je décide de faire une carrière militaire et rejoins mon régiment d'artillerie à Vieux-Brisach, en Allemagne, en tant que spécialiste dans les réseaux intégrés des transmissions automatiques. »

Et si la co-fondatrice de la Scale-up va continuer dans ce régiment pendant sept ans, son arrivée en janvier 1986 outre-Rhin n’a pas été des plus accueillantes. « On m’a expliqué qu’une femme ne pouvait pas réaliser ce travail, raconte l’entrepreneure. Les hommes qui dirigeaient le régiment ont même téléphoné directement à Paris pour expliquer que c’était un problème d’avoir une personne comme moi (une femme) à ce poste. » Malheureusement pour eux, depuis 1984 les femmes avaient accès à toutes les formations militaires et pouvaient donc légitimement occuper un poste à l’armée. Déterminée, elle se bat pour s’imposer mais confie : « Il a toujours fallu que j’en fasse plus pour démontrer que j’étais compétente », se désole Éléna Poincet. Une motivation qu’elle va conserver et même décupler au moment d’intégrer le Service d’Action de la DGSE, où elle a « défendu les intérêts de la France hors des frontières » pendant quatorze ans.

La DGSE, une expérience qui a permis à Éléna Poincet de mieux appréhender les enjeux de la cybersécurité

Fort de ses expériences à l’armée de terre ainsi qu’à la DGSE, la co-fondatrice de TEHTRIS a su se forger une carapace et tirer des enseignements dans le domaine de la sécurité au sein de ces institutions. « Ce parcours a influencé ma gestion du risque, continue l’entrepreneure. Le plus important est d’en mesurer les conséquences potentielles afin de prendre les « bons » risques. Selon moi, la première qualité pour être chef d’Entreprise, c’est la gestion du risque, j’aime en prendre et je me sens capable de les gérer et de les contrôler. » C’est d’ailleurs grâce à une rencontre qu’Éléna Poincet en fera la démonstration. En effet, en 2009 elle fait la connaissance de Laurent Oudot, hacker éthique au sein de la Direction générale de la Sécurité Extérieure, avec qui elle décide de lancer TEHTRIS. « Je lui ai proposé de créer notre entreprise et il m’a répondu « J’en ai toujours rêvé ». Avec cette simple réponse, ma vie a pris un nouveau tournant. »

De cette association, un projet voit très vite le jour. « Nous avons commencé à y réfléchir en septembre et en avril 2010, l’entreprise naissait. » Une nouvelle expérience pour Éléna Poincet qui découvre un monde totalement différent de celui qu’elle a connu jusque-là. « Je passais du service public où tu donnes de ta personne, de ton temps au pays, à un nouvel univers où l’on fait tout pour le business. » Motivée et ambitieuse, l’entrepreneure est loin d’être dépassée par ce nouvel environnement et cherche à s’approprier les codes de l’entrepreneuriat le plus rapidement possible afin de répondre aux enjeux qu’ils représentent. « Ça a été un nouveau monde pour moi, mais en réalité on s’adapte et comprend tout très vite, sinon il est difficile de survivre. Même chose pour les mécaniques d’une entreprise, qui ne m’étaient pas innées mais que l’on finit par apprendre. »

Faire passer TEHTRIS du mode offensif à défensif en proposant une solution complète

Si la carrière d’Éléna Poincet est marquée de succès, elle a néanmoins dû faire face à des défis majeurs au moment de basculer du côté de l’entrepreneuriat. « Au début, personne ne t’attend. Il faut se faire connaître, convaincre et apporter de la confiance aux clients. Tout cela représente un énorme travail. » Mais si l’univers change, son ambition reste intacte et l’ancienne de l’armée de terre ne craint pas de franchir un nouveau cap. « Au bout de deux ans de tests d’intrusion de niveau d’espionnage étatique je suis allée voir Laurent Oudot et je lui ai proposé de créer notre solution de cyberdéfense française. » A ce moment-là, Éléna Poincet prend un nouveau virage et fait passer TEHTRIS du mode offensif au défensif de la cybersécurité. Entre autres, l’entreprise ne se contente plus de tester les cyberdéfenses de ses clients avec des cyberattaques mais décide de proposer une solution pour faire face aux offensives avec un logiciel à part entière. L’entreprise passe du test à la création de solution de cyberdéfense. Afin d’y parvenir, les deux co-fondateurs quittent Orléans pour rejoindre Bordeaux et être au plus proche de la première filière de cybersécurité lancée pour Laurent Oudot en 1999. « Une fois sur place nous avons pu commencer à recruter des ingénieurs et l’entreprise a passé un nouveau cap. »

Une nouvelle étape de franchie, qui n’empêche pas l’entrepreneure de vouloir continuer à se challenger et prendre des risques. « Il ne faut pas avoir peur de se lancer même si on ne sait pas si ça va marcher. C’est comme cela que se créé le chemin et l’aventure, en rencontrant de nouvelles personnes, des clients, partenaires etc. » Toujours dans cette même logique, elle va proposer à son partenaire de toujours, de repousser une nouvelle fois les limites de l’entreprise. « J’ai questionné Laurent sur le futur de TEHTRIS. Pour moi l’enjeu en cybersécurité était de protéger toutes les entreprises, qu’elles soient petite ou grandes. Il fallait donc que l’on passe de TPE et passer un cap avec une levée de fonds, confie Éléna Poincet. Je n’arrive pas à faire toujours les mêmes choses, j’ai besoin d’évoluer et de me tester. » Un mode de fonctionnement qui lui réussit, puisque l’entreprise a réalisé depuis deux tours de tables de Série A puis Série B et est une référence en matière de cybersécurité en France.

Emmanuel Lanoe
Emmanuel Lanoe Rédacteur Web