Tous égaux devant la création d’entreprise ?

Si le rythme des créations d’entreprise s’accélère, il occulte parfois la réalité disparate et les difficultés spécifiques auxquelles certaines catégories de populations font face. Pour pallier ces difficultés, de nombreux dispositifs institutionnels et associatifs se développent et proposent des solutions adaptées à chaque situation.

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Créations d’entreprises : une réalité à l’image des inégalités sociales. Avec un million de nouvelles entreprises et plus de 50 000 nouveaux emplois en 2022, les créations d’entreprises semblent témoigner d’un tissu économique dynamique. Souvent associé dans l’imaginaire collectif à l’incarnation même du mérite, la création d’entreprises apparaît pour beaucoup comme une question de volonté et non de capacité, comme un défi que chacun pourrait réussir. L’image de l’entrepreneuriat est aujourd’hui plus proche des flamboyantes startups et des investissements importants qu’elles canalisent que de la diversité des réalités dont les données sur les créations d’entreprises témoignent. Éloignée en pratique du présupposé méritocratique de l’entrepreneuriat, cette réalité reflète nettement les inégalités de notre société : les femmes, les personnes moins diplômées, les quartiers populaires et les zones rurales font ainsi face à des difficultés supplémentaires.

À contrario, les écosystèmes des startups sont souvent ceux des personnes ayant eu accès aux grandes écoles. Ils disposent souvent d’un capital économique ou culturel élevé, avec la possibilité de mobiliser des réseaux et des moyens financiers importants. French Tech, incubateurs, pépinières, accélérateurs … Les dispositifs de soutien sont plus nombreux et institutionnalisés dans l’univers des startups que pour la large majorité des créations d’entreprises qui échappent à ce périmètre, notamment dans les zones rurales et les quartiers populaires.

Dans les Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV), les mises de départ sont plus faibles, 27 900 euros contre 44 500 euros ailleurs, et les individus sont moins diplômés : 55 % ont un diplôme supérieur ou égal au BAC parmi les entrepreneurs des quartiers populaires contre 80 % des startuppeurs qui ont au moins un bac+5. Pour eux, l’échec porte des conséquences nettement plus lourdes puisqu’il concerne des populations plus fragiles économiquement et avec moins d’accès aux réseaux nécessaires pour mener ces projets à bien. Pourtant, ces créations d’entreprises semblent aussi solides que les autres au bout de trois ans d’existence, 77 % dans les QPV à trois ans en 2021 contre 74 % ailleurs. Elles représentent aussi d’importants outils de développement économique pour des catégories de populations ou des zones territoriales plus défavorisées. Enfin, 70 % des individus qui créent des entreprises sont des hommes et ce, quelle que soit leur origine sociale.

Des dispositifs pour pallier les inégalités

En réponse à ces inégalités, de nombreux dispositifs se sont mis en place et viennent apporter des solutions. Institutionnels ou associatifs, à visée globale ou ciblée sur certains publics défavorisés face à l’entrepreneuriat, ces dispositifs complémentaires accompagnent, forment, soutiennent et permettent de nombreuses créations d’entreprises. Depuis 2019, Bpifrance est notamment chargée d’une mission de renforcement de l’entrepreneuriat dans les quartiers populaires. L’objectif : faire connaître les dispositifs de financement et d’accompagnement proposés par la banque publique d’investissement pour qu’ils bénéficient aux publics les moins favorisés. D’autres acteurs non-institutionnels ont développé des dispositifs similaires pour cibler certaines catégories de populations ou certains secteurs, comme les femmes, les quartiers populaires ou dans le secteur de la tech.

Fondée en 2013, l’association Empow’Her accompagne des femmes dans leur création d’entreprises. Depuis, 3 000 femmes ont été accompagnées ou formées. 79 % des projets accompagnés sont toujours en activité à la fin de l’accompagnement. Ciblée sur les quartiers populaires, l’association Les Déterminés a quant à elle développé un programme de formation et d’accompagnement, de mentorat et de développement du réseau aux populations parfois entravées dans leur volonté d’entreprendre. 600 entreprises ont été créées depuis le lancement du dispositif en 2015. Dans le secteur de la tech, l’association Diversidays, lancée en 2017, a accompagné 7 000 personnes réparties sur l’ensemble du pays depuis sa création autour de trois programmes : entrepreneuriat, startups et demandeurs d’emploi. Ces trois acteurs différents témoignent aujourd’hui des besoins d’accompagnement pour assurer des créations d’entreprises pérennes, capables de participer au développement économique et de pallier les inégalités actuelles.

Si des inégalités face à la création d’entreprises subsistent, l’importance des moyens et des dispositifs déployés semble contribuer à redonner l’opportunité à tous de se lancer dans une aventure entrepreneuriale. Ces dispositifs semblent en tout cas porter leurs fruits. En 2021, 20 % de la population des quartiers populaires était composée d’entrepreneurs ou de personnes qui souhaitaient le devenir, une augmentation de 6 points par rapport à 2018. Les intentions de créations d’entreprises sont par ailleurs devenues paritaires aujourd’hui et laissent envisager un rééquilibrage à venir dans les créations d’entreprises par des femmes.

 

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