Réduire l’impact des voyages professionnels : le nouveau défi vertueux des entreprises

Grand enjeu de la transition, la mobilité concerne aussi bien les individus que les entreprises qui, à travers les déplacements professionnels, accentuent leur impact environnemental. Quelles solutions à l’horizon ? Réponses de deux experts du voyage d’affaires.  

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Le voyage d’affaires est en pleine mutation. Autrefois privilégié par de nombreuses entreprises pour aller à la rencontre des fournisseurs ou se rendre auprès de filiales, en France ou à l’étranger, le déplacement professionnel a connu une forte décroissance avec la pandémie. La crise du Covid-19 n’a pas seulement limité son recours, elle a remis en question sa nécessité même, mettant en lumière des alternatives efficaces et moins chronophages comme la visioconférence, dont l’utilisation a perduré au-delà du confinement.  

En 2023, le voyage d’affaires repart pourtant à la hausse, et avec lui, « les mauvais réflexes », déplore Christophe Roth, Directeur Expert au sein du cabinet EPSA, qui accompagne les entreprises dans l’adoption de solutions plus vertueuses en matière de déplacement. En effet, un nouveau critère anime aujourd’hui les sociétés et leurs collaborateurs : l’impact environnemental des voyages professionnels.  

Des voyages d’affaires fortement émetteurs 

Selon l’ADEME, si les voyages d’affaires ne représentent que 9 % des nuitées et des journées touristiques en France, ils sont responsables de 17 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur touristique. Ces déplacements ont, en moyenne, une intensité carbone plus importante que celle des voyages personnels ; en cause, les moyens de transports utilisés (la voie aérienne reste très employée, tout comme la location de voiture, utilisée individuellement) et la durée, souvent très courte.  

Depuis le 1er janvier 2023, les entreprises de plus de 500 salariés doivent intégrer dans leur bilan carbone les émissions indirectes liées au Scope 3, qui comprend les déplacements professionnels. « Dans le secteur industriel, la part de ces voyages dans le bilan carbone est très marginale, au regard du reste de leur activité, explique Christophe Roth. En revanche, pour les entreprises de service, elle peut atteindre 20 à 30 %. » Entre les objectifs de neutralité portés par les structures et la volonté croissante des collaborateurs de réduire leur propre empreinte, repenser le voyage devient un véritable enjeu de marque employeur. 

Moins de voyages pour réduire l’empreinte carbone 

« La meilleure façon de réduire l’empreinte des déplacements, c’est encore de les limiter », insiste Laurent La Rocca, co-fondateur de The Treep. L’éditeur de solutions logicielles de voyages BtoBtoC a vu le jour en 2016 avec pour mission de « contribuer à une transition vers une mobilité responsable en préservant la sérénité et les liens sociaux du voyageur. » L’outil de réservation en SaaS créé par la startup est distribué auprès d’environ 350 entreprises via des agences. Il permet aux collaborateurs de sélectionner parmi différents moyens de transport et d'hébergement, la solution la plus sobre (véhicules électriques, établissements éco-responsables, etc.). Mais la première étape de la démarche consiste véritablement à s’interroger sur la nécessité du déplacement.  

Cette réflexion sera d’ailleurs au cœur du prochain produit développé par The Treep, prévu pour la rentrée. « Nous allons aider le voyageur à déterminer l’essentialité de son déplacement et lui permettre d'éviter les voyages superflus. Pour nous, il s’agit vraiment de la base du voyage responsable », affirme Laurent La Rocca. 
« Aujourd'hui, environ un voyage sur cinq a été remplacé par de la visioconférence de façon durable, ce qui est bien, mais améliorable », poursuit Christophe Roth. L'impact des déplacements est autant environnemental qu'économique et revêt également des facteurs de productivité et de bien-être, souligne-t-il.  

Se déplacer de façon responsable grâce au train 

Pour les voyages qui ne peuvent être évités, les solutions limitant l’impact environnemental restent nombreuses, à commencer par le train. Opter pour l’avion a longtemps été un réflexe pour de nombreux voyageurs, mais « l’affirmation selon laquelle l’avion est plus rapide que le train est complètement fausse », rappelle le cofondateur de The Treep. « Cet argument ne tient pas compte des sections secondaires des transports de liaison, des temps d'embarquement et débarquement, etc. ». Autre facteur, souvent négligé, que son logiciel intègre : le temps utile, pendant lequel le collaborateur peut travailler dans de bonnes conditions. Là encore, le train sort vainqueur face à son concurrent aérien. « Il ne faut pas oublier que nous avons le second réseau ferré le plus développé d’Europe. Se rendre en train d’un point A à un point B en France est relativement aisé et rapide », poursuit Laurent La Rocca. 

Grâce au calcul de l'empreinte carbone, du gain de temps utile et du critère économique, le logiciel de réservation de The Treep encourage ainsi le report modal, c’est-à-dire le transfert de passagers d'un mode de transport vers un autre, plus respectueux de l'environnement. « Il s’agit d’une stratégie de “nudge”, un concept comportemental qui consiste à inciter l’utilisateur à faire le meilleur choix pour lui et pour la planète, en toute connaissance de cause », explique le dirigeant. 
Et lorsque prendre l’avion se fait incontournable, principalement dans le cadre de voyage à l’étranger, il existe toujours des moyens de minimiser son impact. « Le second levier d’action pour réduire ses émissions de GES se situe au niveau des achats et des fournisseurs de service, confirme Christophe Roth. Concrètement, cela se traduit par le choix de compagnies aériennes qui utilisent des bio-carburants. Certes ces derniers restent émetteurs, mais ils présentent un meilleur cycle de vie. On va par ailleurs opter pour des compagnies qui font voler des appareils plus récents, qui consomment moins. » 

L’adoption de ces nouvelles habitudes autour du voyage professionnel porte ses fruits. « Chez certaines entreprises, nous avons constaté jusqu’à 20 % d’économie sur la partie “voyage d’affaires” de leur bilan carbone, signale Laurent La Rocca. C’est une vraie victoire et on sait que l’on peut aller encore plus loin. » Pour le Directeur du cabinet EPSA, le verdissement du déplacement passera avant tout par les usagers, plus que par les innovations en matière de transport, ces dernières étant encore au stade embryonnaire. « Il y a un gros travail d’éducation et de sensibilisation des voyageurs et les entreprises ont un rôle clé à jouer dans les changements d’habitudes en mettant en place des mécanismes plus incitatifs en faveur des moyens de transport plus vertueux comme le train », conclut-il. 

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