Métavers, vers une multiplication des usages

Le Métavers a-t-il encore un futur ? Les experts de Bpifrance se sont posé la question et ont réfléchi à la place de la France dans cet écosystème.

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The Sandbox
©The Sandbox

Avec l’arrivée de l’Intelligence Artificielle Générative (GenIA) et malgré un sentiment d’euphorie en 2022 à l’idée que le Métavers était à nos portes, tout porte à croire qu‘il est désormais mis au second plan des priorités stratégiques. Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et PDG de Méta a, de son côté, mis l’IA en tête des priorités 2023. « Notre investissement le plus important consiste à faire progresser l'IA et à l'intégrer à chacun de nos produits », avait-il déclaré dans une lettre, en début d’année, au personnel du groupe. La vérité est que le métavers n'est pas mort, puisque celui-ci n'est pas (encore) là. Avec un marché, selon Mckinsey, de 200 Md$ en 2022 et une estimation à 5 000 Md$ en 2023, le Métavers, tapis dans l’ombre, attend pour faire son grand retour. 

« La GenZ, sera le moteur de la structuration et de l’adoption du Métavers », déclarent Guillaume Simonaire et Alexandre Poisson, des experts Bpifrance. Si 65 % des jeunes pensent que leurs relations en ligne sont tout aussi significatives que celles hors-ligne, aujourd’hui, où en est le Métavers ? Quelles sont ses réelles applications ? Et comment se positionne la France dans cet écosystème ? Les deux experts ont travaillé sur le sujet dans le cadre de « Demain », un projet porté par la banque publique d’investissement et ayant pour objectif d’étudier les grandes tendances du monde de demain.  

Le Métavers diversifie ses applications 

L’absence de définition communément admise du Métavers ne facilite pas sa compréhension. Néanmoins, nous pouvons identifier des caractéristiques clés propre à son développement, et qui seront à terme indispensables à son existence.  

  • En effet, il n’existera qu’un seul « Métavers », fractionné en plusieurs grande verticale : 
  • De multiples plateformes virtuelles, immersives, interopérables & persistantes ; 
  • Permettant la convergence des mondes physiques et digitaux ; 
  • Assurant la connexion entre un nombre illimité de personnes, de lieux et de choses ; 
  • Dans lesquelles les utilisateurs créent, s'engagent et interagissent en temps réel. 

Par ailleurs, la convergence d’avancées technologiques majeures (XR/VR, AI, blockchain…), d’une génération Z habituée aux usages numériques, et l’émergence de jeux vidéo multi-joueurs, posant les bases d’univers virtuels immersifs devenus populaires : Roblox, Minecraft, Fornite… sont autant de initiatives dessinant ce nouvel écosystème. 

Ces nouvelles plateformes de « social gaming », cumulent des centaines de millions d’utilisateurs à travers le monde, et offrent déjà un aperçu de l'impact socio-économique potentiel du Métavers. 
Plus largement, l’adoption du grand public du Métavers nécessitera une plus forte diversité des contenus proposés, qui devront être de plus en plus immersifs, personnalisés et communautaires, répondant ainsi aux besoins des digital native et de massifier son adoption. On parle donc ici de nouveaux formats d’expériences et de divertissement, comme les concerts virtuels mise en scène par des acteurs tels que VRROOM. Cette dernière a fait parler d'elle avec le concert de Jean-Michel Jarre lors du jour de l’an en 2020. Ces innovations prennent également la forme de nouvelles expériences culturelles immersives (Emissive) ou bien de mode digitalisée (LVMH). Ces exemples sont des preuves de concept du potentiel du Métavers, générant déjà de l’audience et attirant les marques, qui veulent capter ces nouveaux utilisateurs. 

« Les applications B2B sont prometteuses, mais les cas d’usage resteront dans des environnements centralisés et fermés », partagent les experts Guillaume Simonaire, Alexandre Poisson. A l’heure actuelle, les notions de « test & learn » (tester et apprendre) sont privilégiées par les entreprises afin d’atteindre, à terme, une augmentation de la production de Métavers et ainsi répondre à leurs besoins. Les utilisations sont déjà concrètes et implantées au niveau opérationnel, comme dès l’utilisation de la réalité virtuelle sur des chaines de production au service d’ingénieurs afin d’y détecter des anomalies et ainsi pouvoir anticiper les réparations. Les experts mentionnent également l’utilisation de jumeaux numériques sur des plateformes d’entreprise collaborative pour faciliter le design et la conception de produit, ou encore le recours à la Réalité Augmenté et Virtuelle (AR/VR) pour « augmenter » la formation afin de renforcer la collaboration et l’engagement entre entreprises. Le Métavers a donc un véritabe
potentiel d’impact pour les industries en créant de nouveaux marchés, acteurs et modèles économiques. 

Le Métavers : entre enjeux et défis 

Avec pour ambition de capitaliser sur cette création de valeur forte, de nombreux acteurs se structurent et participent à l’émergence d’une chaîne de valeur commune, composée de nombreux écosystèmes. Cet univers connecté permettra à ces différents protagonistes de faire face à des défis tels que : 

  • L’émergence de plateformes innovantes comme The Sandbox qui capte une audience significative et crée des économies virtuelles. 
  • L’attente des utilisateurs des utilisateurs sur les questions d’inclusivité et de protection de données. 
  • Un meilleur partage de la valeur entre les créateurs et les différentes plateformes créant ainsi une véritable « Economie de la Création ». 

Néanmoins, le développement des technologies propres au Métavers interroge les différentes parties prenantes. C’est notamment le cas sur l’instauration de règles inclusives, éthiques et responsables c’est-à-dire la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Le Métavers soulève également des interrogations géopolitiques notamment sur « une polarisation des réglementations et des visions entre les Etats-Unis et l’Europe d’un côté et la Chine de l’autre ». Enfin, l’un des enjeux majeurs du Métavers sera l’interopérabilité, c’est à dire la capacité pour un individu de naviguer avec une même identité entre ces différents mondes. L’univers virtuel doit garantir de nouveaux standards technologiques internationaux et des normes de contrôle et de gestion des identités numériques dans le but de pouvoir créer une véritable coopération mondiale et satisfaire ainsi ses utilisateurs. 

Et la France dans tout ça ? 

Bien que, le Métavers, dans sa version la plus aboutie n’existe pas encore, la France se positionne déjà en tant que leader dans certains domaines. La première verticale concernée rassemble les technologies de la création et de l’immersion, regroupant les jeux vidéo, la réalité virtuelle ou encore la modélisation et l’animation 3D. Cette expertise de pointe est notamment issue des grandes entreprises internationales comme Ubisoft, Atlas V ou Emissive. La France abrite également des sociétés comme Ledger, Arianee ou Sorare, pionnières de l’écosystème du Web3 formant ainsi une seconde verticale clé pour l’Hexagone. 

Ces deux écosystèmes fonctionnent de manière silotée, et cela soulève un enjeu majeur de coopération et de collaboration. La création d’un plan systémique et transversal pour soutenir la création d’un Métavers français et européen apparait comme nécessaire. « Cet ensemble d’acteurs doit être aujourd’hui représenté dans les organes de standardisation et de gouvernance », affirment les experts. Cela permettra de consolider la position internationale des entreprises européennes.