La voiture autonome, c’est pour demain ? 

Malgré un engouement, au début des années 2010, des acteurs traditionnels du secteur et de nouveaux arrivants, la voiture autonome se voit désormais accorder un avenir incertain. Éclairage sur un marché en pleine mutation, qui semble se tourner vers d’autres priorités.   

  • Temps de lecture: 2-3 min
Voiture autonome
Prototype d'utilitaire autonome Renault EZ-Pro, dr/ Renault

Tous les feux sont-ils au vert pour le développement de la voiture autonome ? Si depuis septembre 2022, les Français peuvent se munir de voitures d’une autonomie de niveau 3*, le marché semble manquer de maturité pour un développement plus profond de la technologie. Bien que de nombreux constructeurs se soient engagés dans le développement du véhicule autonome, l’annonce en juillet dernier de l’interdiction de la vente des véhicules thermiques dans l’Union européenne rebat certaines cartes. Experts mandatés dans le cadre du projet DEMAIN soutenu par Bpifrance, Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque ont dressé l’état des lieux et les perspectives possibles de la voiture autonome.   

Des difficultés techniques à surmonter   

Pour les constructeurs, envisager une démocratisation des véhicules autonomes ou semi-autonomes implique de lever un certain nombre de barrières technologiques. Les premières concernent l’anticipation des comportements des autres usagers. Les experts DEMAIN font notamment état de «distances de détection encore insuffisantes, et de l’impossibilité de la détection dans certaines conditions». Une difficulté à laquelle s’ajoute la nécessité pour ces nouveaux engins d’être en mesure de cartographier en haute définition leur environnement - un enjeu qui n’est «pas encore totalement maîtrisé» attestent Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque.   

  Au-delà de la détection de son environnement, d’autres challenges techniques se mettent dans le chemin de la voiture autonome. C’est notamment le cas de l’interprétation de la situation par l’IA, de la complexité des schémas de «prises de décisions» ou encore de la protection des données récoltées pour prévenir d’éventuelles cyberattaques.    

Aux défis technologiques s’ajoutent aussi les sujets de réglementation et d’acceptation sociétale de la commercialisation à grande échelle des véhicules autonomes. D’après Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque, on retrouve à ce niveau «(un) besoin d’homogénéiser les pratiques de validations (normes, homologation, etc.)», d’autant plus aiguë que pour les constructeurs, la question de la confidentialité des informations à partager se pose (base de données des scénarii, code source). Face à ces difficultés, au niveau européen, les acteurs concentrent leurs efforts de recherche et développement dans l’objectif d’une mise en circulation la plus rapide possible de véhicules, dans un domaine de conception fonctionnelle bien défini. À titre d’exemple :  Une vitesse réduite de moins de 30 kilomètre-heure, un centre-ville avec la présence de piétons, ou des segments autoroutiers.   

Un développement probable pour la logistique et les mobilités partagées  

Dans un avenir proche, l’idée de la voiture individuelle totalement autonome semble s’écarter. Aujourd’hui le coût que nécessitent les besoins de R&D d’un tel véhicule ne semble pas permettre aux constructeurs de converger vers un modèle économique viable. Les experts du projet DEMAIN, nuancent tout de même ce constat en précisant qu’on pourrait prochainement retrouver des véhicules disposant d'une haute autonomie, mais uniquement en de faibles proportions, notamment pour le premium.  

Mais alors quel avenir peut-on attendre pour cette technologie ? D’après Salah Eddine Echatoui et Vincent Roque, un business model viable se dégagerait d’abord au travers de solutions de logistiques. «Dans un futur proche, nous écartons la complexité liée aux humains à bords du véhicule». Dans un second temps, c’est la mobilité partagée qui profitera de ce mode de transport, avec une plus grande possibilité pour amortir les couts de développement. «Le stade de la désillusion est dépassé et la filière est beaucoup plus mature, nous assistons à la naissance d’une spécialisation des acteurs et à la constitution d’alliances permettant de partager les risques et mutualiser les coûts de R&D. Face aux géants américains et asiatiques, il est primordial d’accompagner cette filière et de continuer de construire une réponse européenne», analysent-ils.   

*Véhicule autonome de niveau 3 : classification définissant un moyen de transport semi-autonome, permettant au conducteur de « lâcher le volant » dans certaines situations présentant peu de risques (exemple : bouchons, parkings).   

Martin Ferron
Martin Ferron Rédacteur Web