Spécialisation, innovation et décarbonation : les mots clés du renouveau textile

Pour replacer à nouveau la France comme une nation phare en matière d’industrie textile, il est nécessaire d’enclencher une transition durable afin de relever le défi de sa relance.

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Spécialisation, innovation et décarbonation : les mots clés du renouveau textile

97 % du textile consommé en France est importé. S’il reste encore, malgré lui, l’icône de la vague de désindustrialisation qui a touché la France dans les années 1990 et 2000, ce segment s’est stabilisé pour représenter 2,7 % du PIB national. Aujourd’hui, alors que l’Hexagone est encore largement importateur avec une balance commerciale déficitaire de 9,5 milliards d’euros en 2021, la pandémie de Covid-19 aura permis de mettre de nouveau sur le devant de la scène les acteurs de la filière. En effet, ces derniers ont fait preuve d’agilité et d’efficacité en passant « maitres » dans le renouveau pour survivre dans un contexte sanitaire incertain. 
Forte de ses atours tels que sa capacité d’adaptation, sa résilience et son agilité, la filière textile française doit saisir le virage d'une nouvelle industrie basée sur une production spécialisée, innovante et décarbonée. En conservant ces principes majeurs qui lui permettrait d’atteindre un modèle économique plus compétitif, la filière sera en mesure de relever le défi de sa relance. Mais alors quels sont les facteurs clés pour enclencher ce « renouveau textile » ? Pour Big média, dans le cadre du projet « Demain », les experts Bpifrance Sarah Tholognat et William Demaizière ont travaillé sur la question. 

Miser sur l’intégration verticale et le collaboratif

Les démonstrations de réussite dans le secteur du textile, quel que soit le segment observé, découlent principalement d’une stratégie d’intégration au processus de production de tout, ou d’une partie de la chaîne de valeur. Ce mode opérateur permet de capter une plus grande part de valeur ajoutée pour maintenir une compétitivité au niveau des prix et dégager les ressources suffisantes afin d’entretenir et accroître l’outil industriel. Il semble important de conforter l’émergence d’une production plus verticale, partagée, en tenant compte des différentes options disponibles. Le modèle intégré peut être très rentable mais nécessite des investissements massifs pour être mis en place : le rapprochement capitalistique et le renforcement financier est la clé pour cette voie. Les modèles collaboratifs peuvent également être efficaces en mutualisant les efforts de dépenses d’investissement et en utilisant au maximum l'outil industriel. 

Cependant, certains acteurs tentent de prouver qu’il est possible de produire localement et de manière rentable, en s'appuyant sur l'automatisation et la robotique. Bien que l’intégration et la collaboration permettent de préserver les marges, le coût inhérent aux investissements de l’usine 4.0 se heurtent encore à des coûts de revient trop importants. Une réponse est néanmoins trouvée dans la révision de l’échelle de l’écosystème. A date, la région (« cluster historique ») ne parait plus être le curseur de taille satisfaisant : il faut élargir l’échelle géographique.

Se renforcer par la spécialisation 

De son côté, la question de la spécialisation industrielle dans le secteur textile est clé. Peu d'acteurs interrogés prônent la relocalisation de la production telle qu’elle existait avant la vague de désindustrialisation des années 2000. La plupart des acteurs ayant passé le cap de cette période ont pris, ou avaient déjà pris, un tournant stratégique de spécialisation des procédés de fabrication et/ou vers des niches de marché. Par ailleurs, les industriels du secteur produisent des efforts constants pour préserver un textile de qualité en utilisant des procédés non massifiables : se spécialiser pour perdurer. Les gains associés sont doubles pour les acteurs, tout d’abord avec une protection naturelle (vis-à-vis de la concurrence asiatique notamment) permise par le développement d'un équilibre économique reposant sur des séries plus petites, ainsi que la montée en gamme des produits finis. En plus d’avoir protégés les acteurs historiques, la spécialisation est un atout dans un secteur textile français qui s’oriente vers une montée en gamme pour conserver des marges et positionner son modèle sur un équilibre rentable.

Exposer un composant nativement innovant

Se spécialiser oui, mais surtout innover ! Dans ce secteur, l’innovation est principalement portée par les acteurs matures et les pôles de compétitivité textiles. Elle est ainsi logée au cœur des bastions historiques. Les rencontres avec les acteurs de l’écosystème de l’innovation convergent sur l’idée que nous sommes à l'aube d'une véritable révolution dans le domaine des matériaux qui touchera tous les secteurs (l’aérospatial, la santé, l’agriculture ou encore les transports). 
Afin de pérenniser la filière, il est essentiel de poursuivre l'innovation pure et de faire reconnaître le textile comme un composant nativement innovant et disruptif. Les fédérations convergent dans cette démarche et devraient être actrices d’une défense et d’une promotion efficace du secteur. Il y a donc un momentum important pour renforcer l’image de la filière, avec un travail fondamental de communication du « Faire Savoir » à entreprendre.

Enclencher une industrie décarbonée

L’un des enjeux actuels majeurs de l'industrie textile française reste cependant son « verdissement ». Les acteurs de l’automobile, soucieux de proposer des revêtements écologiques substituables, les grandes maisons de luxe, désireuses de travailler la matière naturelle ou encore les donneurs d’ordre ont l’ambition de travailler avec des matériaux plus durables ou mieux sourcés. Cette ambition cristallise la volonté de la filière de se décarboner. Il sera également, dans les années à venir, nécessaire de développer une filière de recyclage opérationnelle afin de répondre aux attentes des consommateurs et aux exigences réglementaires environnementales croissantes. 

Cependant, l'industrie textile est menacée par un cadre de réglementations environnementales contraignant et insuffisamment protecteur vis à vis de la concurrence hors Union européenne. Un constat qui représente un danger de fragilisation de la filière. Il est donc nécessaire de mettre en place des solutions pour accompagner la transition de l'industrie textile vers des pratiques plus durables tout en maintenant sa compétitivité face à la concurrence étrangère. Parmi les premières idées, des incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans des technologies respectueuses de l'environnement. 
 

Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web