Web 3 : Eric Larchevêque, cofondateur de Ledger, revient sur ce phénomène

Le web 3 est au cœur de l’actualité digitale et économique. Si pour certains il apparaît comme une révolution, pour d’autres il ne reste qu’un terme marketing. On fait le point avec Eric Larchevêque, cofondateur de Ledger.

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eric larcheveque
©DR Pierre Olivier/M6

Une nouvelle version d’internet ? Le web 3 ou le web 3.0 serait un troisième moment dans l’évolution des usages sur le “world wide web”. Après le web 1, apparu aux débuts des années 1990, qui correspond aux simples sites sur lesquels consulter des informations ; le web 2 et l’arrivée des interactions sur le net ; le web 3 permettrait de décentraliser le web, grâce à la blockchain, offrant aux utilisateurs la possibilité de stocker et de transmettre des informations et des fichiers sans organe central de contrôle, le tout de manière sécurisée et transparente. Ce terme, popularisé en 2014, est sur toutes les bouches depuis ce début d’année. Eric Larchevêque, cofondateur de Ledger, entreprise française qui conçoit et commercialise des portefeuilles de cryptomonnaies, revient sur l’engouement autour du web 3. 

Big média : Comment expliquez-vous que le web 3 fasse autant de bruit dans les médias et dans le secteur de la tech ?

Eric Larchevêque : Ce sont les NFT qui ont mis le feu aux poudres en démontrant qu’il était possible de monétiser du contenu de manière décentralisée. Mais comme les NFT ou encore la blockchain, le web 3 existe depuis longtemps. En 2014, le premier à en avoir parlé est Gavin Wood, le cofondateur d’Ethereum, une blockchain disposant de sa propre cryptomonnaie. A cette époque, la notion de décentralisation existait déjà à travers la blockchain et les cryptomonnaies. Avant qu'elles deviennent grand public, ces technologies doivent atteindre une certaine forme de maturité. En 2016, on parlait beaucoup de blockchain, l’année dernière c’était les NFT et cette année c’est donc le web 3.

BM : Certains pontes de la tech, comme Elon Musk par exemple, critiquent cet engouement soudain pour le web 3, qu’en pensez-vous ?

EL : La notion de décentralisation est très importante, il y a un socle technologique et philosophique majeur qui va continuer de se développer. Mais je partage un peu son opinion. A chaque fois qu’une technologie « fait le buzz », tout le monde veut être dedans sans même la comprendre. Pour autant, c’est une bonne chose, le web 3 va remettre les utilisateurs au centre. Ils ne seront plus seulement le produit et pourront capter de la valeur en obtenant plus de pouvoir, de gouvernance et en devenant des acteurs économiques.

BM : Qu’en sera-t-il de la protection des données ?

EL : Contrairement au web 1.0 et au web 2.0, chaque utilisateur deviendra un être souverain qui possède ses données. Via la technologie de la blockchain, il pourra indiquer, aux différents services auxquels il se connecte, le type de données qu’il souhaite partager et sous quelles conditions. Il y aura donc un contrôle de la granularité du partage des données qui sera fait par l’utilisateur. Mais en parallèle, il y aura aussi de nouveaux enjeux autour de la cybersécurité. Les utilisateurs possèderont des « wallets » et des « tokens » qu’il faudra sécuriser. Toute nouvelle technologie qu’on ne maitrise pas favorise le vol par la ruse.

“Il n’y a pas de révolution sans effort”

BM : Est-ce qu’on peut parler de révolution ?

EL : Sur le papier, le web 3 est un beau pari. Dans les faits, c'est quelque chose de compliqué. On le voit avec la décentralisation de la monnaie, c’est un sujet très complexe, d’un point de vue réglementaire mais aussi dans sa pratique. Le bitcoin est le premier usage décentralisé et pourtant il est encore loin d’être « mainstream ». Est-ce que la décentralisation et le fait de posséder ses données, avec toute la complexité d’usage que ça implique vont être généralisées ? Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Les gens préfèreront peut-être continuer de partager leurs données aux GAFAM parce qu’après tout c’est bien confortable. Il n’y a pas de révolution sans effort. L’utilisateur devra s’adapter à ces nouveaux modes de consommation, réfléchir à la manière de sécuriser ses informations, etc. Il y a encore beaucoup de boulot, donc je ne crois pas à une révolution grand public dans les mois ou même les deux ans à venir.

BM : Quels sont les premiers secteurs qui permettront de faire découvrir le web 3 au grand public ?

EL : Ça existe déjà dans le secteur des cryptomonnaies, mais c’est surtout dans celui du jeu vidéo que le web 3 peut s’ouvrir à tous. Des jeux seront interfacés avec une blockchain. Pour donner un exemple, dans un jeu comme Minecraft, vous pourrez vous construire une épée qui vous appartiendra réellement. Avec l’essor du metavers, le web 3 pourra aussi trouver sa place aux yeux du grand public, et les entreprises pourront s’en servir comme un outil marketing supplémentaire.